Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

védutisme

On peut définir le Védutisme (en Italien vedutismo, de veduta, vue) comme un genre pictural, florissant en Italie et principalement à Venise au XVIIIe siècle, axé sur l'art du paysage, de la vue urbaine ou suburbaine.

   À côté des grands cycles décoratifs (Tiepolo, Piazetta, etc.) de l'art du portrait influencé par le goût français (Rosalba Carriera), la " veduta ", sollicitée comme souvenir de voyage par des touristes de plus en plus nombreux, atteint avec Antonio Canal, dit Canaletto, une valeur de transfiguration poétique différente de celle de ses créateurs néerlandais (Vanvitelli) et romains (Pannini, Piranèse). Au-delà de l'apparente objectivité de ses vues panoramiques, Canaletto capte les moindres vibrations de la lumière, la transparence de l'atmosphère, les passages délicats des teintes avec une sensibilité qui n'échappe pas aux collectionneurs anglais ; achetées massivement par ces derniers, ses œuvres, comme celles de son neveu et élève Bernardo Bellotto, seront riches en conséquences pour la naissance du paysage romantique. À Venise même, où le paysage n'était guère sorti des conventions académiques avec Marco Ricci, neveu et collaborateur de Sebastiano, en dépit d'une étude approfondie de Salvator Rosa et de Magnasco, l'influence de Canaletto s'avère déterminante pour des spécialistes comme Michele Marieschi, le Toscan Francesco Zuccarelli et Giuseppe Zaïs. Ces deux filons parallèles, mais qui s'interpénètrent souvent, convergent enfin, en absorbant aussi les dernières suggestions de la grâce rococo la plus subtile, dans les visions féeriques de Francesco et Giovan Antonio Guardi, qui chantent avec des accents désormais romantiques les splendeurs des fêtes et des monuments vénitiens. Ce langage, chargé d'une émotion intense et dépouillé de toute recherche formaliste, s'adresse, comme déjà en partie celui de Canaletto, au public étranger bien plus qu'aux Vénitiens. Le XVIIIe s., en déclin, en effet, connaît dans la lagune les conséquences de cette opposition entre le " naturel " et le " sublime " dans laquelle l'Europe tout entière s'était trouvée engagée et à laquelle Venise avait fini par participer sous l'impulsion de plus en plus dictatoriale de l'Académie.

Veen (Otto)
Otto Van Venius

Peintre flamand (Leyde 1556  – Bruxelles 1629).

Il est à Leyde, jusqu'en 1572, l'élève d'Isaac-Claesz Swanenburg. En 1573, il séjourne à Anvers, à Aix-la-Chapelle, et il s'établit à Liège, où il fréquente les ateliers de Lampsonius et de Jean de Ramey. Il fait en 1575 un voyage à Rome, où il rencontre Federico Zuccaro, et l'art italien influencera durablement son style. Il rentre en 1583 en passant par Munich et Cologne. Un tableau du Louvre le montre en 1584, dans son atelier, avec toute sa famille. Page d'Ernest de Bavière, évêque de Liège, il est nommé en 1585 peintre d'Alexandre Farnèse et s'installe à Bruxelles. À la mort du gouverneur, en 1592, il se fixe à Anvers, où il devient maître l'année suivante et où il prend, dès 1594 et jusqu'en 1600, Rubens comme élève puis comme collaborateur. Rubens subira très fortement, et de façon durable, l'influence de Venius au cours de cet apprentissage. En 1599, Venius dirige la décoration de la ville pour l'entrée des archiducs Albert et Isabelle et il est doyen de la gilde en 1602. Dix ans plus tard, il s'établit définitivement à Bruxelles, où il est nommé gardien de la monnaie et, en 1620, membre de la gilde des peintres. Durant toute sa carrière de peintre officiel, dans ses tableaux, le plus souvent religieux (Sainte Madeleine en prière, Aix-en-Provence, musée Granet ; Saint-Paul sur le chemin de Damas, Marseille, musée des Beaux-Arts ; la Déploration du Christ, Louvre), comme dans ses gravures, généralement à sujets emblématiques, pour lesquelles il exécute de remarquables petites esquisses à l'huile en grisaille dont toute une série, de provenance inconnue, est apparue sur le marché de l'art français en 1970 (23 ont été achetées par les musées français, dont 9 par le Louvre), il s'efforce de se libérer du Maniérisme, se joignant ainsi aux recherches de romanistes de son temps. Les œuvres d'Otto Venius, par leur souci d'ampleur et d'équilibre, annoncent directement celles de Rubens.

Veerendael (Nicolas Van)

Peintre flamand (Anvers 1640  – id. 1690).

Il est le fils du peintre Guillaume Van Veerendael. On connaît de lui de nombreux tableaux de Bouquets, de Guirlandes de fleurs, dans le style de Daniel Seghers, et des Natures mortes. Ses œuvres figurent dans les musées de Montpellier, Aix-la-Chapelle, Avignon, Berlin, Dresde, Lierre, Londres (V. A. M.), New York (Metropolitan Museum), Bruxelles, Schwerin. Veerendael travailla avec Daniel Teniers, Chrétien Luyckx, Jan Davidsz de Heem, Jan Boeckhorst et Gonzales Coques.

Veit (les)

Peintres allemands.

 
Johannes (Berlin  1790  – Rome  1854). Il se forma à l'Académie de Dresde avec son frère Philipp et à celle de Vienne (1810). Il arriva à Rome en avril 1811, mais, ne trouvant plus de place au couvent S. Isidoro, demeure des Nazaréens, il alla habiter chez le sculpteur Pulini. Il ne revint en Allemagne que trois ans (1819-1822). Il admirait beaucoup Overbeck, qui fit de lui un Portrait au crayon. Il a surtout peint des Madones, qui furent très appréciées, ainsi qu'un tableau représentant la Famille du sculpteur Pulini (musée de Karlsruhe) et quelques portraits. Il resta toute sa vie fidèle à l'idéal religieux des Nazaréens et subit, comme son frère, l'influence de son beau-père, le philosophe Friedrich Schlegel.

 
Philipp (Berlin 1793 – Mayence 1877). Frère de Johannes, il suivit sa mère à Iéna, où elle avait rejoint Schlegel, et à Paris, en 1802. Il songea un moment à entrer dans les ordres et prôna aussi le retour à l'inspiration des primitifs. En 1808, il alla étudier à l'Académie de Dresde sous la direction de Matthaï et de C. D. Friedrich, qui ne semble pourtant pas avoir eu une grande influence sur lui. En 1811, il fréquenta l'Académie de Vienne et connut Koch par l'intermédiaire de Schlegel. En 1813, toujours sous l'emprise de Schlegel, il s'engagea dans l'armée de libération.

   En 1816, il rejoignit les Nazaréens à Rome, où il resta jusqu'en 1830. Philipp Veit participa avec eux à la décoration de la Casa Bartholdy (les Sept Années grasses de l'histoire de Joseph, 1816, musées de Berlin, pendant des Sept Années maigres de Friedrich Overbeck ; Joseph et la femme de Putiphar, id.).

   De 1818 à 1824, il collabora avec les Nazaréens à la décoration du Casino Massimo à Rome. En 1819, il peignit un Triomphe de la religion au Vatican. Philipp Veit est le seul Nazaréen à avoir reçu une commande pour le Vatican, à laquelle l'influence de Friedrich von Schlegel ne fut pas étrangère.

   De 1830 à 1835, il est nommé directeur du Städel. Inst. à Francfort et passe alors des commandes à Overbeck. Il peint un Saint Georges pour l'église de Bensheim ainsi que des Saintes Femmes au tombeau et exécute le Triomphe du christianisme et l'Introduction de l'art en Allemagne par le christianisme, panneau central d'un triptyque avec d'un côté l'Italie et de l'autre l'Allemagne, terminé en 1836 (Francfort, Städel. Inst.), qui témoigne de son talent de coloriste. En 1843, il se retire à Sachsenhausen. En 1846, il peint une Assomption de la Vierge pour la cathédrale de Francfort et plusieurs tableaux pour le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse. En 1853, il est nommé directeur du musée de Mayence et il dessine le cycle de fresques pour la cathédrale, ensemble complété par ses élèves (1859-1864). Son coloris le distingue des autres Nazaréens, mais Philipp Veit est resté fidèle toute sa vie à leur idéal. Son Introduction de l'art en Allemagne par le christianisme provoqua l'admiration d'Alfred Rethel, qui se rendit en 1836 à Francfort pour étudier sous sa direction. Ses nombreux écrits ont fait l'objet d'une édition posthume.