Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Devéria (Eugène)

Peintre français (Paris 1805  –Pau 1865).

Élève de Girodet, puis de Lethière, il subit surtout l'influence de son frère Achille (1800-1857), élève lui aussi de Girodet, et de Louis Boulanger, avec qui il travailla.

   Au Salon de 1827, qui marqua le triomphe du Romantisme, il envoya la Naissance d'Henri IV (Louvre, esquisses aux musées de Quimper, de Montpellier et au château de Pau, réplique au musée municipal de Pau), œuvre tumultueuse dont la richesse de coloris évoque Véronèse. Par cet incontestable chef-d'œuvre, on crut qu'il supplanterait Delacroix, qui, à ce même Salon, présentait la Mort de Sardanapale. Mais ce précoce génie ne se retrouva plus dans ses œuvres suivantes : un plafond du Louvre, Puget présentant le groupe de Milon de Crotone à Louis XIV dans les jardins de Versailles (1832), et des Scènes de bataille (1838) pour le musée historique de Versailles. La critique, déçue, se montra hostile. Devéria, bien que l'un des animateurs les plus fougueux de la jeunesse romantique, fuit Paris sans regret quand, en 1838, il reçut la commande de la décoration de la cathédrale d'Avignon. Trois ans plus tard, il dut, miné par la maladie, laisser cette tâche inachevée. Il recouvra la santé à Pau qu'il ne quitta plus désormais que pour de brefs voyages.

   Converti au protestantisme, il vécut alors dans une austérité peu compatible avec son inspiration, qui appauvrit ses dernières compositions ; la Mort de Jane Seymour (1847, musée de Valence), la Réception de Christophe Colomb (1861, musée de Clermont-Ferrand). Il se montra supérieur dans les portraits, genre dans lequel il se complut : Marie Devéria en amazone (1856, musée de Pau).

Devis (Arthur)

Peintre britannique (Preston 1710/1711  – Brighton 1787).

Il travaille d'abord avec Peter Tillemans, paysagiste de vastes panoramas. Sa première œuvre connue, datée de 1736, imite Pannini. Établi à Londres v. 1742, il devint le peintre accompli de Conversation Pieces et de petits portraits. De 1742 à 1764, il continue à exploiter ce genre, prenant surtout ses modèles dans les classes moyennes, devenues prospères en Angleterre au milieu du XVIIIe s. En 1764, il est supplanté par Zoffany dans la faveur du public et passe les années suivantes à expérimenter la peinture sur verre et à restaurer des tableaux. Il expose en 1761 à la Free Society of Artists (Société libre des artistes), dont il devient membre en 1763 et président en 1768, année de la fondation de la Royal Academy.

   Son style évolue peu. Il représente toujours ses personnages comme des poupées aux attitudes affectées, qui semblent fiers de posséder la maison ou les biens qui apparaissent à l'arrière-plan de la plupart de ses Conversation Pieces : Edward Rookes et sa famille (Buchanan, Northamptonshire, coll. part.), la Famille James (1751, Londres, Tate Gal.), Portrait de dame dans un parc (v. 1751, id.). Les toiles de petit format de ce peintre dépourvu d'intention critique connurent un réel succès auprès des membres de la bourgeoisie de son temps, ses œuvres convenant parfaitement aux pièces de dimensions relativement réduites.

Dewasne (Jean)

Artiste français (Hellemme-Lille 1921-Paris 1999).

Ayant exécuté son premier tableau abstrait en 1943, après des études philosophiques et musicales ainsi que deux années d'architecture à l'E. N. B. A. de Paris, il se trouve, à la Libération, parmi les premiers artistes qui militent pour l'Abstraction ; il fait partie du comité fondateur du Salon des réalités nouvelles en 1946 et reçoit la même année le prix Kandinsky, décerné pour la première fois. En 1950, il fonde avec Edgar Pillet l'Académie d'art abstrait, un atelier libre où il enseigne la " technologie de la peinture " et organise aussi des " conférences d'art abstrait ". Son vocabulaire et sa technique précise et lisse sont à cette époque influencés par Herbin, comme ceux de nombreux artistes français et étrangers de sa génération. Son style restera caractérisé par des formes nettes, enchaînées selon des rythmes complexes, des couleurs vives et brillantes peintes en aplats sur des supports durs comme le bois et même le métal. En 1949, une première grande peinture murale, le Joie de vivre, précisait déjà des recherches qui aboutirent en 1951 avec l'Apothéose de Marat (Paris, M. N. A. M.). Toutes ces œuvres, telles que la Grande Ourse (1958, Paris, M. N. A. M.), tendront à la monumentalité, en particulier par la simplification des formes et des aplats colorés. Les " anti-sculptures " qu'il réalise à partir d'éléments de carrosserie automobile qu'il peint de couleurs vives (Tombeau d'Anton Webern, 1952, Paris, M. N. A. M.) constituent une part originale de cette création par le rapport que la forme et la couleur entretiennent dans l'espace. Ayant fait partie à Paris de l'équipe de la gal. Denise René depuis 1945 et jusqu'en 1956, il a exposé ensuite chez Daniel Cordier et surtout à l'étranger. Il a réalisé un très grand ensemble mural pour le stade de glace des jeux Olympiques de Grenoble en 1968, la Longue Marche, décor de 90 m. de long (Lille, faculté de médecine), en 1970 un grand environnement au musée de Grenoble (déposé depuis), une peinture laquée monumentale pour la Grande Arche de la Défense (1987-89). Parmi ses œuvres récentes, mentionnons la réalisation d'un immense décor de plafond (800 m²) pour le journal Politiken à Copenhague, en 1995.

Dexel (Walter)

Peintre allemand (Munich  1890  –Brunswick  1973).

Walter Dexel effectue ses études à Munich de 1910 à 1914, années pendant lesquelles il se rend à Paris. Il devient directeur du Kunstverein de Iéna en 1916 et reste à ce poste jusqu'en 1928. À partir de 1917, sa peinture présente des caractères expressionnistes : elle évoluera vers le Cubisme dans les années 1920. Dexel expose à la galerie Der Sturm à Berlin en 1917 pour la première fois : il aura d'autres expositions personnelles dans cette galerie en 1918, 1920 et 1925. En 1921, après avoir rencontré Théo Van Doesburg, son art se situe dans la ligne du Constructivisme ; à partir de 1922, Dexel devient un peintre abstrait : ses tableaux sont une organisation de plans vivement colorés, peints en aplats et disposés dans un espace sans profondeur. Ses compositions, toujours fondées sur l'horizontale et la verticale, mais aussi, par la suite, sur les obliques, ne peuvent toutefois être confondues avec celles des œuvres du mouvement De Stijl. Il travaille aussi avec la technique particulière du " fixé sous verre ", qu'il affectionnera jusqu'à la fin de sa vie. Comme beaucoup d'artistes appartenant à cette tendance, Walter Dexel s'est beaucoup préoccupé de graphisme et de publicité : il a réalisé notamment des affiches restées célèbres par leur utilisation exclusive de caractères typographiques. Le style de Walter Dexel appartient au courant de la Nouvelle Typographie (Die neue Typographie). Intéressé par la signalétique urbaine, il a été l'un des créateurs de l'annonce lumineuse. En 1928, il adhère à la fois au Werkbund allemand (D. W. B.) et à l'association des typographes publicitaires qu'avait créée Kurt Schwitters, le Ring Neuer Werbegestalter. Il réalise aussi des décors de théâtre pour la ville de Iéna. À cette date, Dexel est nommé professeur à la Kunstgewerbeschule de Magdebourg. En 1927, l'un de ses tableaux figure dans le Cabinet des abstraits, que Lissitsky a installé au Landesmuseum de Hanovre. De 1930 à 1933, Walter Dexel applique ses recherches à la réalisation d'une série de têtes stylisées de personnages connus, dans l'esprit du Constructivisme. Déclaré " artiste dégénéré " en 1933, il lui est interdit de peindre. Après la guerre, Dexel reprend son métier d'enseignant. Après 1961, il recommence à travailler dans l'esthétique du Constructivisme.