Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Metzinger (Jean)

Peintre français (Nantes 1883-Paris 1956).

Venu à Paris en 1903 pour y entreprendre des études de médecine, il les abandonna bientôt pour se consacrer à la peinture. Après avoir subi l'influence du Néo-Impressionnisme (Portrait de Robert Delaunay, 1906, Paris, coll. part.), il s'orienta vers une peinture plus construite ainsi qu'en témoigne notamment le Portrait d'Apollinaire (1910, Paris, coll. part.) exposé au Salon des indépendants de 1910, puis, après avoir pris connaissance des travaux de Picasso et de Braque, vers un Cubisme orthodoxe (Nu, Salon d'automne de 1910). Il revint ensuite à un traitement plus cézannien des volumes, dont le Goûter (Salon d'automne de 1911 ; auj. à Philadelphie, Museum of Art, coll. Arensberg), toile surnommée alors par André Salmon la " Joconde cubiste ", est une illustration et reste l'une des œuvres les plus représentatives du peintre.

   En 1912-13 commence pour Metzinger une période que l'on qualifie souvent de Cubisme analytique, en raison de l'aspect fragmenté de la composition, mais qui, à l'étude, se révèle d'une nature bien différente de celui de Picasso et de Braque. Pour lui, en effet, il s'agit d'une analyse non pas de l'objet, mais du sujet. Metzinger continue donc à recourir aux " sujets " traditionnels — et souvent anecdotiques (la Femme au cheval, 1912 ; l'Oiseau bleu, 1913, Paris, M. A. M. de la Ville ; les Baigneuses, 1913, Philadelphie, Museum of Art, coll. Arensberg) —, qu'il fragmente en un certain nombre de parties obéissant à des perspectives différentes et parfois contradictoires. La forme, d'autre part, n'est pas pour lui la traduction plastique des qualités de l'objet : elle est, avant tout, un élément de l'architecture du tableau, car il accorde une importance primordiale à la composition. Dès lors, son but est et restera toute sa vie de réaliser " une harmonie ". Mobilisé à Sainte-Menehould en 1914, Metzinger est réformé en 1915 et rentre à Paris. En 1917-18, il séjourne en Touraine, où il retrouve Gris et Lipchitz. En 1921, il abandonne le Cubisme pour ce qu'il appelle alors le " Réalisme constructif ", sorte de peinture résolument figurative, quoique d'aspect très schématique. Plus tard, il reniera même cette période de son art et reviendra, surtout après la Seconde Guerre mondiale, à une nouvelle forme de Cubisme, dans laquelle il tentera de conserver les acquisitions de son Cubisme antérieur tout en recherchant une certaine stylisation plastique des éléments formels.

   Esprit brillant et volontiers dogmatique, il fut, en outre, un théoricien fort écouté. Auteur de nombreux articles critiques ou doctrinaux, il écrivit en 1912, en collaboration avec son ami Albert Gleizes, un célèbre opuscule intitulé Du Cubisme, qui représente un effort pour dégager des principes généraux dans le mouvement moderne et justifier en quelque sorte le Cubisme dans l'histoire de l'art.

Meulen (Adam Frans Van der)

Peintre français d'origine flamande (Bruxelles 1632  – Paris 1690).

Élève de P. Snayers, il est admis dans la gilde de Bruxelles en 1648. En 1664, il arrive à Paris, où Le Brun, dont il épousera une parente, l'emploie comme paysagiste aux Gobelins, puis surtout comme " peintre des conquêtes du roi ". À ce titre, il accompagne Louis XIV dans plusieurs campagnes (notamment en Hollande), pendant lesquelles il exécute nombre de croquis, vues de villes, paysages, études diverses. Plus de 200 de ces dessins, d'une précision extrême mais en même temps elliptiques et d'une grande sensibilité, parfois relevés d'aquarelle, dans un esprit moderne, sont encore conservés à la manufacture des Gobelins.

   Van der Meulen, reçu à l'Académie en 1673, fut l'un des principaux animateurs de la manufacture des Gobelins, à laquelle il fournit des dessins, des modèles (qu'ils soient ou non entièrement de sa main), de nombreux cartons (série des Mois ou Maisons royales), conservés au musée des Arts décoratifs à Paris. Parmi ses grandes compositions, l'ensemble le plus illustre, dit " des Conquêtes du roi ", fut mis en place à Marly de 1683 à 1688, et la plus grande partie en est aujourd'hui conservée à Versailles. Beaucoup de ses compositions ont été reproduites en tapisseries ou en des peintures exécutées par son atelier, notamment par les Martin, et enfin en gravures aux frais du roi. Ses tableaux de bataille placent généralement une scène (groupe d'officiers ou escarmouche de cavalerie) dans un premier plan surélevé se détachant sur un fond panoramique peint avec soin, où les taches des uniformes, la fumée de la poudre semblent s'intégrer au paysage. Admirable peintre de chevaux (études peintes au musée de Rouen), l'artiste a représenté le cortège royal dans de nombreux tableaux de chasses, de cérémonies (Louis XIV traversant le Pont-Neuf et se rendant à Notre-Dame pour assister à un Te Deum le 27 août 1660, musée de Grenoble), souvent construits selon le même principe et dont la précision ne nuit pas à l'unité colorée de l'ensemble. Paysagiste, Van der Meulen joue un grand rôle dans l'histoire de la peinture française en renouvelant une tradition flamande ancienne, mais qui avait été oblitérée par l'influence du paysage classique de Poussin et de Claude Lorrain.

Meunier (Constantin)

Peintre et sculpteur belge (Etterbeek, Bruxelles 1831  – Ixelles 1905).

Apprécié surtout pour sa sculpture, Meunier laisse pourtant un œuvre peint de qualité, exécuté à partir de 1857, année où il expose au Salon triennal de Bruxelles les Sœurs de charité (toile détruite par l'artiste). Formé dans l'atelier de Navez (1854), il se lie avec Ch. De Groux, qui l'oriente vers le Réalisme. Un séjour à la Trappe de Westmalle (1859) l'amène à ne peindre, durant près de vingt ans, que des scènes de la vie monastique et religieuse (l'Enterrement d'un trappiste, 1860, musée de Courtrai ; Martyre de saint Étienne, 1866, musée de Gand). En 1879, l'artiste visite la région industrielle de Liège, en 1881 le Borinage et se consacre dès lors à des études, paysages et figures, inspirés par le monde du travail. En 1882, un voyage à Séville, pour y copier une Descente de croix de Pedro de Campana, lui fait découvrir le mouvement et la couleur (Procession du vendredi saint à Séville, Ixelles, musée Meunier). Les évocations du " pays noir ", vigoureuses mais prestement enlevées, dans une gamme sobre animée par les contrastes de valeurs, comptent parmi les meilleurs tableaux de l'artiste (Charbonnages sous la neige : mineurs au pays de Liège, 1899, Ixelles, musée Meunier ; les Toits du coron, id. ; Au pays noir, 1893, Orsay). De 1887 à 1895, Meunier habite Louvain, où il est professeur à l'Académie. Il est bien représenté dans les musées belges, notamment à Anvers (le Retour de la mine ), Bruxelles (le Terril ), Tournai (Cabaret du Borinage), Gand, Ixelles (74 peintures, 22 aquarelles, 24 pastels, plusieurs centaines de dessins et croquis).