Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Magnelli (Alberto)

Peintre italien (Florence 1888 Meudon 1971).

Après un premier contact avec les milieux futuristes de la revue Lacerba à Florence, Magnelli se rend à Paris, où il fait la connaissance d'Apollinaire, de Léger et de Picasso. De 1914 date une série d'œuvres figuratives aux formes simplifiées cernées d'un trait noir et peintes en aplats de couleurs franches qui débouchent sur l'Abstraction (le Café, 1914, musée de Grenoble). En 1917-18, ses peintures intitulées " Explosions lyriques ", dans lesquelles le motif reste difficile parfois à déchiffrer, font écho au Futurisme. Suit alors une période marquée par le retour au sujet (personnages, paysages et vues de port) dans la lignée des " Valori Plastici " et en particulier de Carlo Carra. Établi en France en 1931, il se fixe à Paris et renoue avec l'Abstraction dans la série des " Pierres ", qu'il entreprend à la suite de sa visite aux carrières de marbre de Carrare et où se trouve toujours le souvenir de la " peinture métaphysique ". Sa première exposition a lieu à la gal. Pierre, à Paris, en 1934. Magnelli trouve son style à partir de 1936, qui le rattache au courant de l'Abstraction géométrique (compositions jouant de rythmes amples ou nerveux, grands aplats de couleur, écriture précise et contrastes de formes, dans une richesse d'invention jamais démentie et qui s'exprimera aussi dans une admirable suite de collages à partir de la même date). Magnelli est à Grasse pendant la guerre et rencontre Arp, Sophie Taeuber-Arp et Sonia Delaunay. À la Libération, il est considéré comme l'un des grands maîtres de la peinture abstraite en France et en Europe aux côtés de Herbin et de Domela. Sa renommée se manifestera notamment à travers l'organisation de grandes rétrospectives à Bruxelles et à Eindhoven en 1954, à Zurich en 1963, à Essen en 1964, enfin en 1968 au M. N. A. M. de Paris, qui possède un nombre important de ses œuvres. Après sa mort, plusieurs expositions ont porté sur des moments ou des aspects précis de son œuvre : les années 1909-1918 au M. A. M. de la Ville de Paris en 1978, l'œuvre gravé à la Bibliothèque nationale en 1980, les " Pierres " de 1931-1935 à la galerie Sapone, à Nice en 1981, les dessins florentins de 1914-1918 au musée des Beaux-Arts de Rennes en 1981, les ardoises et les collages au M. N. A. M. de Paris et au musée de Grenoble en 1986, les années 20 (représentation de paysans et de pêcheurs) à la galerie Maeght-Lelong en 1986. Une rétrospective a été présentée en 1988 au palais des Papes d'Avignon pour célébrer le centenaire de sa naissance. Magnelli est représenté dans la plupart des grands musées européens et américains ainsi qu'au musée de Vallauris.

Magritte (René)

Peintre belge (Lessines, Belgique, 1898  – Bruxelles 1967).

En 1916, il fréquenta l'Académie des beaux-arts à Bruxelles et, après la guerre, il travailla avec Victor Servranckx dans une fabrique de papiers peints. Il découvre De Chirico en 1922 et participe en 1926 à la Société du mystère, où se retrouve le groupe des surréalistes belges (Goemans, Nougé, Scutenaire, Lecomte, Souris, Mesens).

   Un court passage à travers le Futurisme et le Cubisme prélude à l'affirmation du génie personnel de Magritte, après son arrivée à Paris où il vit de 1927 à 1930 et, introduit dans le cercle d'André Breton, se lie avec des surréalistes, Arp, Miró, Eluard. Jusqu'en 1936, l'influence de De Chirico s'exerce sur ses perspectives urbaines, où des objets incompatibles voisinent (le Temps menaçant, 1928 ; l'Échelle du feu, 1933). Dès 1923, se marque l'intérêt de Magritte pour les êtres standardisés, messieurs à chapeau melon (l'Assassin menacé, 1926, New York, M. O. M. A.) ou objets, souvent substituts de personnages (la Rencontre, 1926, Düsseldorf, Nordrhein-Westfalen Kunstsammlungen), créant des chocs visuels par la rencontre d'objets opposés ou au contraire proches (les Affinités électives, 1932) dans un esprit souvent semblable à celui qui anime les collages (les Épaves de l'ombre, 1926, musée de Grenoble), technique que Magritte a d'ailleurs pratiquée avec prédilection dans les années 1925-1927. Cet intérêt pour le " combat entre le visible caché et le visible apparent " est également illustré, à partir de 1927, par l'examen des relations ambiguës entre les mots et la réalité (la Clef des songes, 1927). La technique est précise et nette, le dessin correct, les couleurs de plus en plus franches en fonction d'une recherche de la neutralité de la technique peinte. Magritte est en contrat avec la gal. le Centaure à Bruxelles, quand la faillite de celle-ci, en 1930, permet à son ami Mesens d'acheter tous ses tableaux (env. 200). Il cultive la même manière jusqu'en 1940, faisant surgir entre les objets et leur décor des rapports inattendus (la Condition humaine, 1934) ou présentant sous un aspect extraordinaire soit le décor, soit l'objet lui-même, comme dans les Marches de l'été (1938), où le ciel s'est transformé en mur, avec des niches et des fentes. À la fin des années 1920, Magritte explore également le domaine de la sculpture, peignant une série de moulages du masque funéraire de Napoléon ou de la Vénus de Milo (l'Avenir des statues). De 1943 à 1947, la période " Renoir " se caractérise par une recherche du plaisir de peindre, à travers un enrichissement de la palette (l'Âge du plaisir, 1946) ; lui succède (fin 1947-début 1948) la période " vache ", explosive et érotique, illustration du pouvoir subversif de la technique picturale (le Contenu pictural, 1947). Mais, dès 1946, malgré des rapports orageux avec le groupe surréaliste, il retourne à son ancienne manière sans en retrouver tout à fait la maîtrise, et avec un accent grinçant et cruel que, jusque-là, on n'avait guère trouvé à ce point dans son œuvre (cercueils remplaçant le modèle de David dans Perspective [Madame Récamier de David], 1951, et les personnages de Manet dans le Balcon, 1950, musée de Gand). C'est d'ailleurs par ce mélange d'" humour noir " et d'une vision traditionnelle, aux belles couleurs fraîches, à l'ample espace, que se manifeste son originalité. En 1945, il illustra de dessins les Chants de Maldoror de Lautréamont et en 1946 les Nécessités de la vie de Paul Eluard. Au cours des années 1950, Magritte réalise plusieurs grands décors : le Domaine enchanté, 1953, Casino, Knokke-Le-Zoute ; la Fée ignorante, 1957, Palais des Beaux-Arts, Charleroi ; les Barricades mystérieuses, 1961, Salle des congrès de l'Albertine, Bruxelles. Il est représenté dans les musées belges : à Bruxelles (M. R. B. A. : l'Empire des lumières, 1954), à Liège (le Double Secret, 1927), à Charleroi, à Gand, ainsi qu'à Vienne (musée du XXe Siècle), à New York (M. O. M. A.), à Philadelphie (les Six Éléments, 1928), à Houston (coll. De Ménil), à Paris (M. N. A. M. : le Modèle rouge), à Venise (fondation Peggy Guggenheim : l'Empire des lumières, v. 1953-54) et surtout dans des coll. part. Des rétrospectives de son œuvre ont eu lieu fréquemment : Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1954, 1978 ; Paris, M. N. A. M., 1979.