Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Chiggio (Ennio)

Peintre italien (Naples 1938).

Rattaché au courant cinétique et luministe, il participe, avec Manfredo Massironi, à la fondation du groupe N (Padoue, 1959-1964). Il y développe une approche scientifique de l'art. Ses œuvres, réalisées à partir de matériaux modernes (plastiques, sérigraphies sur Plexiglas, lunettes optiques...), font appel à des phénomènes optiques de réflexion et sollicitent la participation active du spectateur. Certaines de ses réalisations sont animées par un moteur, où l'image résulte de rayons lumineux en mouvement, réfléchis à travers des prismes. S'appuyant sur des recherches théoriques développées au sein du Gruppo N, il met l'accent sur les notions d'instabilité visuelle de l'œuvre et d'interaction du public. Il écrit aussi des textes sur la musique électronique. Il participe, avec le Gruppo N, aux expositions de la Nouvelle Tendance (Zagreb), à Arte programmata en 1962 (Milan) et obtient le premier prix à la Biennale de San Marino.

chinoiserie

Objet d'art, de luxe ou de fantaisie provenant de Chine ou exécuté dans le goût chinois. Également peinture, dessin ou gravure dans lesquels figurent des motifs décoratifs appartenant au répertoire ornemental oriental ou des personnages et des objets présentant des caractères orientaux. Au IIIe s. apr. J.-C., les motifs des soieries venues d'Extrême-Orient furent imités par les Syriens (fragment de soierie trouvé à Doura-Europos, dans le style chinois des Han). Au Xe s., des phénix, des paons et des dragons apparaissent dans les manuscrits byzantins. En 1241, les hordes mongoles déferlent jusqu'en Pologne, en Hongrie et aux portes de Vienne. Bientôt, leur grand khan Kubilay est maître de la Chine et fixe sa capitale à Pékin. Il accueille fort bien les missionnaires et les marchands chrétiens, presque tous venus d'Italie, et, en particulier, à la fin du XIIIe s., le marchand vénitien Marco Polo. Les rapports commerciaux entre l'Orient et l'Occident sont alors constants et faciles. Ils font naître l'idée que " Cathay " (la Chine) est une sorte de paradis étrange, une terre de magie. Les récits de Marco Polo sont calligraphiés dans des manuscrits dont les miniatures, œuvres d'artistes qui n'ont jamais quitté l'Europe, peuvent passer, en raison même de leur complète fantaisie, pour les premières " chinoiseries " peintes. Mais, déjà, des Tartares et des Chinois fort véridiques figurent, aux XIVe et XVe s., dans les fresques d'Ambrogio Lorenzetti, d'Andrea da Firenze, de Gozzoli, évidemment peints d'après nature en Italie. Les œuvres d'art surtout voyagent. Les soieries chinoises affluent en Europe à la fin du Moyen Âge et inspirent les tisserands de Lucques. Les spécialistes affirment que les rouleaux de peintures chinoises ne sont pas ignorés des artistes occidentaux et ont pu inffluer sur leur conception du paysage (panoramas de montagnes de Pollaiolo et de Léonard, d'Altdorfer, de Patinir et de Bruegel le Vieux). Par l'intermédiaire des marchands portugais aux XVe et XVIe s., avec lesquels vont rivaliser au cours du XVIIe s. les compagnies des Indes hollandaise et anglaise, laques et porcelaines arrivent à Lisbonne, à Venise, à Anvers et à Amsterdam. Marie de Médicis fait décorer par Étienne Sage " à la manière chinoise " des cabinets, des boîtes, des panneaux, des ornements d'église. Sous le règne de K'ang-hi, les Jésuites sont fort bien vus à Pékin. Ils envoient en Europe ou y rapportent quantité de dessins de mœurs et de costumes chinois et des copies de peintures. L'un d'eux, en 1697, en offre 49 volumes à Louis XIV. Le père Castiglione, qui enseigne d'ailleurs à Pékin les règles de la perspective européenne, est lui-même un artiste de talent auquel on doit des rouleaux peints de scènes chinoises. Missionnaires et voyageurs rédigent et font illustrer de savants ouvrages consacrés à la Chine. Ainsi, peintres et ornemanistes disposent-ils d'un immense répertoire de sujets et de formes, mais qui ne leur révèlent guère que la civilisation de la fin des Ming, des règnes de K'ang-hi et de K'ien-long, dominés par l'art décoratif, qui s'accordera particulièrement bien à l'esthétique baroque et rococo. C'est vers la fin du XVIIe s. qu'apparaît véritablement la " chinoiserie ", que l'historien anglais Hugh Honour définit fort bien comme " expression of the european vision of Cathay ". Le Vau construit pour Louis XIV le Trianon de porcelaine, " le tout travaillé à la manière des ouvrages qui viennent de Chine " (Félibien) ; le graveur Jean Bérain introduit dans ses grotesques des motifs chinois (oiseaux, mandarins, pagodes). L'âge d'or de la chinoiserie sera le XVIIIe s., où la France donne le ton à l'Europe. Watteau peut être considéré comme le principal instigateur de ce goût nouveau. Il aborde pourtant les formes chinoises avec sérieux, dessine d'après nature le Chinois Ts'ao, et les panneaux de lambris, qu'il peint de légères arabesques mêlées de personnages chinois pour le Cabinet du roi à la Muette (1719, auj. détruits) ne les ridiculisent pas. On ne les connaît plus que par des gravures dont les titres chinois sont, paraît-il, exacts. Boucher, à son tour, se documente avant de représenter les costumes des délicieuses Scènes chinoises du musée de Besançon, peintes pour servir de modèles à des cartons de tapisseries. Comme Watteau, Huquier, Peyrotte, Le Prince et Pillement, Boucher produit quantité de suites gravées qui serviront de modèles d'un bout à l'autre de l'Europe. Decker en fait autant en Allemagne, Vivarés en Angleterre. Mais la plupart de ces artistes ne s'encombrent pas de vraisemblance. La Chine, pour eux, est un monde irréel " délicieusement absurde, sans poids et sans volume ", comme la perspective chinoise le laisserait croire à des esprits non avertis. De son architecture, ils ne connaissent, à travers les paravents et les porcelaines, que kiosques, huttes, pagodes en forme de tours, ponts de bambous, toits retroussés et clochettes ; des mœurs, que les aspects déroutants d'un cérémonial dont le sens leur échappe ; du costume, que les bizarreries. Aussi Christophe Huet n'hésite-t-il pas à mêler les Chinois aux singes dans les fameuses Singeries de Chantilly (v. 1735), de Champs (v. 1755) et de l'hôtel de Rohan-Strasbourg (1749-1752) à Paris. Marie Leszczyńska, en revanche, si elle sacrifie à la mode du jour, peint, aidée par Oudry, d'édifiants prêches de missionnaires aux Chinois, dans un cabinet de son appartement de Versailles, Pillement, pour sa part, couvre de figures et de fleurs chinoises lambris et dessus-de-porte en France, en Angleterre, au Portugal, et ses cahiers de gravures servent de modèles un peu partout. L'Europe entière est férue de chinoiseries. Chose curieuse, on ne trouve guère de peintures de ce genre en Hollande ; il y en a quelques-unes en Belgique (château de Heks). Par l'Allemagne, cette mode gagne l'Autriche, la Russie, la Pologne, la Scandinavie. Beaucoup de ces décors ont disparu avec les pavillons légers qu'ils ornaient, mais les châteaux en ont conservé quelques-uns. On voit encore à Brühl un cabinet dont les panneaux de lambris à fond crème sont peints de scènes chinoises en rouge et bleu. Dans le parc de Nymphenburg, le pavillon d'Amalienburg conserve deux petites pièces peintes de chinoiseries bleues sur fond blanc par l'Italien Pascalin-Moretti. Voltaire, qui, à Cirey comme à Ferney, contemplait de tels décors, fit partager ce goût à Frédéric II, qui fit bâtir à Potsdam une maison de thé dont, à l'intérieur, le dôme fut peint, v. 1755, de personnages et de vases chinois. À Ludwigsburg subsiste un salon décoré de scènes chinoises par Jacob Saenger. La plupart des salons chinois des pays germaniques sont pourtant décorés de panneaux de laque et de porcelaines. À Oranienbaum, Catherine II fit bâtir un palais chinois où l'on voit encore des plafonds peints dont l'un, dû aux frères Barozzi de Bologne, figure les Noces chinoises.En Suède, à Drottningholm, la maison chinoise bâtie pour la reine Louise-Ulrique comporte un grand salon orné de panneaux peints de personnages chinois en vert et or, d'après des modèles de Boucher, probablement par Johann Pasch. L'Angleterre goûta particulièrement les chinoiseries, mais sous la forme de papiers de tenture. Au V. A. M. de Londres, on peut voir pourtant une série de panneaux à figures chinoises, vivement colorées, sur fond vert. Ce sont les plus anciennes peintures connues de ce genre et elles remontent à 1700. L'Italie peint en général ses palais à fresque et l'on connaît assez l'extraordinaire sens décoratif de ses artistes pour deviner quelle fantaisie ils purent apporter en ce domaine. Le plus ancien exemple est, en Piémont, le plafond de la villa della Regina peinte en 1720 d'arabesques à la Bérain mêlées de figures chinoises par Filippo Minei. Mais la salle chinoise de la " Foresteria " de la villa Valmarana, près de Vicence, en est sans doute l'exemple le plus brillant. Gian Domenico Tiepolo y peignit en 1757 des scènes à grands personnages inspirées des gravures de Pillement. En 1747, une chambre de la villa papale de Castel Gandolfo fut décorée de chinoiseries peintes. À la villa Grimani, près de Padoue, l'une des peintures murales figure la Justice du mandarin. Le retour à l'antique n'interrompt nulle part le goût de l'exotisme, qui se coule pourtant dans un nouveau moule. Des frises peintes en 1790 au château de Rivoli montrent des scènes chinoises aux lignes néo-classiques. Il en est de même des groupes en riches costumes qui décorent une salle de la " palazzina " de la villa la Favorite, à Palerme, construite pour les Bourbon en 1799. Les peintures du palais Braschi, à Rome, peuvent être qualifiées de pompéio-chinoises. Il faut revenir en Angleterre pour trouver, v. 1821, un fantastique édifice chinois, le pavillon royal de Brighton, conçu pour George IV. Les peintures de la salle des banquets y montrent des groupes de Chinois plus grands que nature, et les vitraux peints de figures analogues sont sans doute uniques au monde. Un Anglais fut le seul Européen qui vécût en Chine et en tirât les sujets de ses œuvres : George Chinnery, installé à Macao et à Pékin pendant la première moitié du XIXe s., peignit de nombreux portraits à l'huile de marchands chinois et européens, et quantité de toiles et d'aquarelles de scènes de la vie populaire. Mais, chose curieuse, la chinoiserie n'a guère touché l'Espagne. Il fallut attendre le début du XXe s. pour que José-Maria Sert, inspiré de Tiepolo, brossât d'immenses décorations turco-chinoises, en bistre sur fond d'or, pour la salle de bal d'un palais de Floride, d'autres, pour le château de Laversine. L'art chinois eut une profonde influence sur Whistler. Mais celle-ci est difficile à déceler pour cette raison même. C'est un cas unique, croyons-nous. Car, contrairement à l'influence de l'art japonais au XIXe s., celle de l'art chinois ne s'est exercée qu'à fleur de peau, malgré l'enthousiasme des philosophes pour Confucius. Ni les sujets ni les formes n'ont été compris. Aussi n'ont-ils inspiré aux peintres que des œuvres décoratives, lambris, dessus-de-porte, clavecins, modèles de tapisseries, à l'exception de quelques portraits de Chinois peints d'après nature par Kneller, Boucher ou Reynolds.