Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

monogramme

Signature composée d'un sigle de plusieurs lettres ou des initiales du nom d'un peintre : A. M. (Andrea Mantegna), A. D. (Albrecht Dürer), F. H. (Frans Hals).

   L'usage du monogramme comme signature remonte à l'Antiquité, notamment sur les monnaies ; celui-ci servait de marque d'atelier ou de visa des magistrats chargés de leur contrôle. On le retrouve au bas Empire et au haut Moyen Âge sur les anneaux sigillaires.

   Les peintres et les graveurs eurent recours à ce procédé de la fin du XVe s. au XVIIe s., notamment dans les pays néerlandais et germaniques, soit que le monogramme permît de reconnaître la production d'un même atelier, soit qu'il rendît anonyme certains travaux ou servît de signature aux peintres. Un des plus célèbres monogrammes de cette époque est celui de Dürer, auquel l'artiste donnait une valeur ornementale.

   On a appelé " monogrammistes " les artistes que nous ne connaissons que par leur monogramme : citons le Maître au monogramme I. D. C., dessinateur français du XVIe s., le Maître dessinateur et graveur strasbourgeois E. S. (1466). Mais le monogramme n'a pas seulement servi à dissimuler l'identité de certains artistes ; des peintres célèbres y ont eu recours par goût de la virtuosité, ou parce qu'ils y voyaient prétexte à décors plastiques. Notamment au XIXe s., pour les préraphaélites, puis plus tard chez les Nabis ou dans tout autre mouvement pictural qui donne la primauté au trait et au graphisme.

   Citons entre autres les monogrammes de Toulouse-Lautrec, Maurice Denis (MAUD), Mondrian, Henry Van de Velde, Klimt, Kandinsky, Klee.

Monory (Jacques)

Peintre français (Paris 1934).

Jacques Monory a été le principal représentant français avec Gilles Aillaud du courant artistique intitulé Figuration narrative, qui, dans les années 60, s'est opposé à la fois à la peinture abstraite, géométrique, cinétique ou informelle et à l'art des nouveaux réalistes et du Pop' Art. Sa carrière commence dès 1955 mais sa notoriété se précise avec sa participation aux expositions parisiennes Donner à voir (1962), Mythologies quotidiennes (1964), Figuration narrative (1965). Cette année-là, Monory expose des tableaux où la vision traditionnelle du sujet est perturbée par des emprunts symboliques au procédé du collage et à des images issues de la civilisation moderne et par le recours à la monochromie. Cet itinéraire aboutit à un style caractérisé par l'utilisation d'images imitant des photographies, la froideur de la touche, la monochromie ou la bichromie généralisées (bleu surtout, rose, mauve, jaune...) ainsi que, dans la composition, les syncopes, les métaphores, les jeux de miroirs. Les sujets sibyllins contiennent une part d'autobiographie en raison de l'engagement intime de l'artiste dans la représentation. Vers 1966, Monory passe des brisures figurées à la découpe du tableau, au collage d'accessoires (corde, flexible de douche). Puis il revient au champ rectangulaire, souvent subdivisé en plusieurs images qui se font contrepoint, donnant des séries de toiles : (Meurtres n° 10, 1968, Paris, M. N. A. M.), Velvet Jungle (1969-1971), qui suggèrent des atmosphères de guerre ou de menace cachée dans la nature (série présentée en 1971 à l'A. R. C., Paris, M. A. M. de la Ville), en même temps que des figures de femmes et d'enfants et des images de New York ; citons aussi Premiers Numéros du catalogue mondial des images incurables (1974), Technicolor (1977), Ciel, nébuleuse et galaxie (1981). Monory a réalisé des films (Ex, 1968 ; Brighton Belle, 1974 ; la Voleuse, 1986) et des livres, notamment Deux (1973, texte de Franck Venaille, qui reprend le style du roman-photo). L'artiste est représenté au M. N. A. M. de Paris, dans les musées de Saint-Étienne, de Marseille, de Pau, de Grenoble et dans de nombreux M. A. M. européens. Il a exposé en 1984 à l'A. R. C., M. A. M. Ville de Paris.

monotype

Dans l'art de l'estampe, c'est un procédé d'impression par lequel l'artiste travaille sur la planche (métal, pierre ou autre support), directement avec de l'encre d'imprimerie ou même avec de la peinture. La planche est alors imprimée sur papier. Théoriquement conçue en vue d'un exemplaire unique, la planche peut servir à imprimer une seconde fois et même davantage, mais les épreuves ainsi obtenues sont de plus en plus pâles. Le monotype fut employé au XVIIe s. par G. B. Castiglione, à qui on attribue parfois l'invention de ce procédé. Degas est le meilleur représentant de cette technique ; il avait l'habitude de rehausser de traits de pastel les feuilles ainsi obtenues après un deuxième ou un troisième tirage, mais il conservait souvent la première épreuve intacte. D'autres artistes se sont essayés au monotype (Gauguin notamment), mais l'usage ne s'en est jamais grandement répandu. Le terme s'applique à la feuille imprimée aussi bien qu'à la technique.

Monsiau (Nicolas-André)

Peintre français (Paris 1754  – id. 1837).

Élève de Peyron, il séjourna quatre ans à Rome à partir de 1776 ; reçu à l'Académie en 1789, il exposa au Salon de 1787 à 1833. L'Antiquité, que lui fit connaître son maître, garde des attaches stylistiques avec le XVIIIe s. : Philoctète à Lemnos (1810, musée d'Amiens), Fulvie et Cicéron (1822, musée de Lille). Mais, dans un sujet d'histoire moderne comme La Consulta de la république Cisalpine décerne la présidence à Bonaparte (1808, Versailles), Monsiau montre un goût du pittoresque et de l'anecdote qui l'apparente à Boilly dans une gamme colorée jouant sur les gris et les mauves, que l'on retrouve souvent dans ses tableaux (Dévouement de Monseigneur de Belzunce, 1819, Louvre). Il fut aussi portraitiste (Autoportrait, 1827, Louvre) et illustrateur.

Montagna (Bartolomeo)

Peintre italien (Orzinuovi v.  1450  – Vicence 1523).

Après un premier apprentissage dans un atelier de Vicence, Bartolomeo dut s'apercevoir des limites de la vie artistique de cette petite ville. Il part pour Venise en 1469 et ne rentre à Vicence qu'en 1474. Il est considéré comme le fondateur de l'école vicentine. Les œuvres attribuables à ses débuts, un groupe de Madones (musée de Vicence ; Venise, coll. Cini ; Brême, Kunsthalle), reflètent les signes de son séjour à Venise et des leçons de Giovanni Bellini, et par certains accents rappellent Bartolomeo Vivarini. En 1482, les Reggitori (" régents ") de la Sérénissime appellent Montagna à Venise pour y exécuter deux tableaux destinés à la Scuola Grande de Saint-Marc. Les œuvres de cette période sont caractérisées par des souvenirs belliniens précis ainsi que par des éléments classiques empruntés à Antonello de Messine ; cependant, ce classicisme est encore timide dans la belle détrempe de la Vierge adorant l'Enfant entre sainte Monique et sainte Marie-Madeleine (musée de Vicence), où se manifestent une minutie et une âpreté dérivées tant de Bartolomeo Vivarini que de Mantegna et de l'école de Padoue. Dans son contexte bellinien, la Vierge à l'Enfant (Belluno, Museo Civico), au visage fermé et intense, révèle une maîtrise plus sûre de la mesure d'Antonello. C'est encore à l'influence formelle de celui-ci qu'est due la composition pyramidale, compacte, du groupe de la Vierge et l'Enfant (v. 1482 ; Bergame, Accad. Carrara), se découpant nettement dans l'espace lumineux sans aucune concession au clair-obscur. Le grand retable avec la Vierge à l'Enfant en majesté avec les anges musiciens et des saints (v. 1485 ; musée de Vicence) évoque des influences ombriennes et ferraraises avec sa haute abside ouverte sur le ciel qui enveloppe les saintes figures. En 1488, Montagna revient à Padoue. On doit peut-être à sa contemplation des modèles mantégnesques le décor " géométrique ", le relief plastique des figures, leur détachement de l'aventure terrestre (retable de la Madone avec deux saints et des anges à la chartreuse de Pavie). Mais cette volonté de géométrisation et d'abstraction est périlleuse pour Bartolomeo, qui retrouve au contraire un absolu poétique quand il situe de nouveau ses figures solennelles dans un paysage naturel ; la Vierge et l'Enfant entre saint Jean-Baptiste et saint François (Venise, coll. Cini) en est un exemple : la lumière froide sculpte et métallise le visage impassible de la Vierge, et détaille en plans coupants les robes des deux saints dressés comme des statues devant le ciel glacé. De cette période date la célèbre Pietà, peinte à fresque à la basilique de Monte Berico (Vicence), où le groupe de la Vierge et de son fils, délimité par des plans chromatiques nets et rigides, se détache avec vigueur sur un paysage desséché. En 1499, Montagna signe la Vierge en majesté avec l'Enfant et des anges entre saint André, sainte Monique, sainte Ursule et saint Sigismond (Brera), dont la cascade des drapés et le relief des figures monumentales accompagnent et scandent une série de structures architectoniques. La grande Pietà de Monte Berico, datée de 1500, révèle dans sa lividité et son expressionnisme exaspéré l'influence de l'école allemande, comme du reste le Saint Jérôme (Brera), datant sans doute de la même époque. Mais, tandis que la peinture vénitienne se renouvelait sans cesse, Montagna, resté provincial, ne réussit pas à libérer ses compositions des formules quattrocentesques, ni à fondre masses et volumes dans les tons souplement estompés d'un Giorgione. On constate donc dans les dernières œuvres un effort stérile d'adaptation à la nouvelle manière vénitienne et un retour fatigué et monotone aux motifs des années de jeunesse.

   Parmi les artistes qui subirent l'influence directe de Montagna, il faut citer Giovanni Speranza (1480-1536), dont la Brera, les musées de Budapest et de Strasbourg conservent des Madones et le musée de Vicence une Assomption.