Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Gozzoli (Benozzo di Lese, dit Benozzo)

Peintre italien (Florence 1420  – Pistoia 1497).

Sa carrière commence lorsqu'il paraît comme aide de Ghiberti pour la seconde porte du baptistère de Florence ; on le trouve ensuite auprès de Fra Angelico à Orvieto (1447) et à Rome (1449). Il ne revient qu'en 1458 à Florence, après avoir passé dix ans en Ombrie et dans le Latium, où il a peint des fresques à S. Fortunato (1450, ainsi que le retable du maître-autel de cette église, aujourd'hui à Rome, Pin. du Vatican) et à S. Francesco de Montefalco (1452), dans la chapelle de S. Rosa à Viterbe (1453, décoration auj. perdue), et travaillé à Rome. Cette période ombrienne, où il a acquis son autonomie, est sans doute la plus heureuse de sa longue carrière. À Florence, il obtient l'exécution de la décoration à fresque de la chapelle du palais Médicis avec le Cortège des Rois mages (1459-1462), sorte de " tapisserie " ingénue, chargée de réminiscences gothiques, qui ne semble pas avoir satisfait le goût sophistiqué et exigeant des Médicis. Benozzo Gozzoli retourne alors en province pour peindre à fresque les Scènes de la vie de saint Augustin à S. Agostino de S. Gimignano (1465). Le dernier ouvrage important qu'il réalisa fut les fresques commandées pour le Camposanto de Pise, qu'il exécuta avec de nombreux aides. Ces fresques (1468-1484) laissent apparaître, bien que de façon assez confuse, les principales tendances de la peinture florentine de la seconde moitié du siècle. Le jugement de Vasari, qui trouve Gozzoli " capable d'une très grande richesse d'invention dans ses animaux, ses paysages et ses ornements ", souligne en fait les limites du peintre. Narrateur habile, celui-ci fait preuve d'un style souvent sec et mécanique, résolvant les gestes et les sentiments de son maître Fra Angelico en formes agréables et rustiques, chargées d'ornements et revêtues de couleurs toujours vives, mais souvent criardes et tapageuses.

Graeser (Camille)

Peintre suisse (Carouge/Genève  1892  – Zurich  1980).

Camille Graeser est, avec Max Bill, Verena Loewensberg et Richard Paul Lohse, le principal représentant de l'art concret zurichois. Il a fait ses études à la Kunstgewerbeschule de Stuttgart en 1913, puis a été, comme Baumeister et Schlemmer notamment, élève d'Adolf Hölzel à l'Académie de Stuttgart, en 1915. Il va ensuite devenir architecte d'intérieur à Berlin, puis se fixera à Stuttgart, en demeurant membre du Werkbund allemand. Parallèlement, il va commencer son œuvre picturale dans la direction du Cubo-Futurisme. Il rencontre, à Berlin, Herwarth Walden, expose au Sturm, puis a sa première exposition personnelle en 1918 à Stuttgart. Dès 1922, ses œuvres sont non figuratives : ses formes géométriques peuvent se comparer avec les travaux réalisés à la même époque par Walter Dexel ou encore Willi Baumeister. Comme membre du Werkbund et architecte d'intérieur, il participe à l'exposition La forme sans ornement (Die Form ohne Ornament), organisée à Stuttgart en 1924. Il se rend ensuite à Paris pour l'Exposition internationale des arts décoratifs et va, en 1927, après avoir rencontré Mies Van der Rohe, se trouver dans l'exposition du Werkbund consacrée à L'habitation (Die Wohnung), présentée à Stuttgart : il réalise l'aménagement intérieur de l'un des appartements dans l'immeuble de Mies Van der Rohe. Graeser quitte l'Allemagne en 1933, en abandonnant tous ses tableaux : seuls quelques dessins sont conservés, ainsi que de rares documents photographiques. Il s'installe à Zurich et la peinture va bientôt prendre le pas sur son autre activité. Il adhère à l'association Allianz, en 1937, et pratique un art non figuratif de tendance géométrique, dans lequel il cherche à justifier les formes et les couleurs qu'il utilise : il est alors intégré au milieu de l'art suisse d'avant-garde. Son œuvre, très variée, peut se diviser en plusieurs périodes. Dans la première, un motif reste souvent présent sur un fond. Mais, après 1945, Graeser va se montrer surtout préoccupé par les problèmes de surface et de quantité. Le tableau est toujours considéré au sens propre, c'est-à-dire comme une surface à deux dimensions qu'il s'agit de structurer (Kolor Sinfonik, 1948, musée de Grenoble). Les formes y sont disposées à l'intérieur et leur couleur n'est pas dissociable de leur surface. Graeser, qui utilise généralement les couleurs primaires ainsi que le noir et le blanc, va déplacer ses formes, généralement des carrés et leurs multiples (Dislokation, 1967), par rotation, par translation ou par permutation et va donc chercher à traduire des problèmes relatifs à l'occupation du champ pictural et à ses limites. Les principaux aspects qu'il envisage, l'équilibre, l'égalité, mais aussi l'horizontale, la verticale et l'oblique, aboutissent à une recherche sur les problèmes de quantité et, notamment, sur les équivalences de forme et de couleur. Camille Graeser est principalement représenté dans les musées suisses.

Graf (Urs) , l'Ancien

Peintre suisse (Soleure v.  1485  – Bâle v. 1527).

Son père, orfèvre, lui donna les éléments d'une formation poursuivie et achevée à Bâle. En 1503, à Strasbourg, il exécute une série de dessins qui seront xylographiés et publiés par Knobloch en 1506. Les années suivantes le voient à Bâle, à Zurich, à Strasbourg, à Soleure. Emporté par un tempérament tumultueux qui le conduira maintes fois en prison, il passe rarement plus de quelques mois dans la même ville, recevant de nombreuses commandes de dessins qui, grâce à la gravure, sont diffusés et connaissent un succès retentissant (la Vie de Jésus, publiée à Strasbourg en 1508, musée de Bâle). En 1511, il épouse une jeune Bâloise, acquiert le droit de bourgeoisie de la cité rhénane et, l'année suivante, s'engage dans les troupes de mercenaires qui partent au secours de Jules II à Milan. En 1513, il est à Dijon, puis au couvent de Saint-Urbain (Lucerne), où il réalise un Ostensoir et un Reliquaire. Il prend part à la bataille de Marignan. Les documents des années suivantes ne font état que d'une suite de condamnations pour querelles sanglantes et outrages aux mœurs. Banni de Bâle en 1518, Urs Graf deviendra l'année suivante le graveur de monnaie officiel de cette cité. En 1521, il se bat de nouveau devant Milan. Il est mentionné pour la dernière fois en 1526. Il est l'auteur de quelques vitraux (le Banneret, 1507 ; Ulrich de Hohensax, apr. 1515, tous deux à Zurich, Kunsthaus) et de 2 peintures : l'Année sauvage et Saint Georges et le dragon, grisaille sur fond bleu (musée de Bâle). Mais son génie éclate dans quelque 300 gravures et dessins datés de 1503 à 1525, portant presque tous son monogramme.

   D'une spontanéité exubérante, mais avec des allures de " peintre maudit ", il puisa ses thèmes parmi les figures qui lui étaient familières, femmes et soldats, croqués avec acuité et humour dans un réalisme gonflé de vie, de frénésie et de mort. Il fut ouvert à toutes les influences et sut les intégrer en un langage original qui évolua avec ses déplacements : gothique au début, puis proche de Schongauer, qu'il copie parfois littéralement. Il s'inspira en même temps des études anatomiques de Hans Wechtlin ou du clair-obscur de Hans Baldung et de la puissance incisive et ironique de Dürer. Après sa première campagne italienne, les thèmes renaissants, frises décoratives, putti, figures mythologiques, firent leur apparition (la Jeune Fille folle, 1513, musée de Bâle ; Madame Vénus et le lansquenet, 1517, Rijksmuseum), et son dessin, tout en conservant la netteté métallique un peu crispée du trait, acquit la souplesse frémissante et passionnée qui fit son renom (le Diable arrêtant un lansquenet en fuite, 1516, musée de Bâle ; Saint Sébastien mourant, 1517, id. ; Flagellation, 1526, id. ; la Vivandière et le pendu, id.).

   Personnalité haute en couleur, Graf illustre, par sa vie même, la remise en question du monde médiéval dans les bouleversements politiques et artistiques qui secouèrent l'Europe au début du XVIe s.