Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître de Heiligenkreuz

(actif en Autriche [ ? ] dans la première moitié du XVe s.).

Ce peintre de tout premier plan, l'un des plus caractéristiques du Gothique international, doit son appellation à un diptyque (v. 1410) provenant du monastère cistercien de Heiligenkreuz, près de Vienne, représentant l'Annonciation et le Mariage mystique de sainte Catherine. Les scènes sont cernées d'une délicate architecture imitant un parapet derrière lequel sont représentés, en demi-figures, à gauche les Apôtres Paul et Jacques, à droite Sainte Barbe et sainte Dorothée, avec, au revers, la Vierge et l'Enfant et sainte Dorothée (Vienne, K. M.). L'origine du peintre et celle du diptyque sont vivement discutées. Selon certains érudits français, cette œuvre serait de provenance autrichienne ; la recherche autrichienne, par contre, croit à une origine française. E. Buchner dit ce maître influencé par l'art de cour viennois ; B. Kurth le situe dans l'école de Paris (André de Paris ? mentionné par des documents à Vienne de 1411 à 1434) ; G. Ring l'identifie avec le peintre des Grandes Heures de Rohan, tandis qu'une origine provençale est finalement envisagée par Larsen-Roman. L'allégation de L. von Baldass, selon laquelle ce petit retable aurait décoré primitivement le pourtour du chœur de l'église conventuelle de Heiligenkreuz, est dénuée de fondement, puisque cette peinture ne figure pas dans les biens du monastère avant le XIXe s. Il est possible que le monastère l'ait alors acquise d'une collection privée, à moins qu'il ne l'ait reçue en don ou par voie d'héritage. Le fait que ce diptyque provient d'un couvent cistercien autrichien n'apporte donc aucun élément susceptible d'éclairer l'origine du peintre ou l'école à laquelle il se rattacherait. On reconnaît la main de ce maître dans 2 panneaux de diptyque conservés respectivement au musée de Cleveland et à la N. G. de Washington et représentant la Mort de la Vierge et la Mort de sainte Claire. Il est également probable que ces peintures n'étaient pas destinées primitivement au couvent des clarisses d'Eger, d'où elles proviennent, mais qu'elles figuraient simplement dans les collections de cet établissement.

Maître de Hoogstraten

Peintre flamand peut-être d'origine brugeoise (actif à Anvers au début du XVIe

s.). Son œuvre, influencée par Memling et Gérard David puis par Quentin Metsys, est groupée autour du retable des Sept Douleurs de la Vierge provenant de l'église de Hoogstraten et conservé au musée d'Anvers : une paire de volets représentant Saint Jean-Baptiste et Saint Jérôme (Vienne, K.M.). Plusieurs représentations de la Vierge en majesté et le triptyque de l'Adoration des mages (Anvers, musée Mayer Van den Bergh).

   Ces panneaux, aux couleurs vives posées en aplats, témoignent du souci de " faire joli " et se caractérisent par des personnages sans expression — les figures féminines, notamment, semblent presque irréelles — et des paysages très doux.

Maître de Játiva

Peintre espagnol (actif à Valence dans le dernier quart du XVe s.).

Son œuvre a été isolée parmi l'abondante production des disciples du Maître de Perea. L'élégance des personnages, le modelé suave des visages et le maniérisme des attitudes attestent une personnalité originale qui travailla essentiellement pour les églises de Játiva. Le maître exécuta le Retable de la Vierge (Barcelone, M. A. C.) et 2 retables pour les églises San Pedro et San Francisco de Játiva. Il collabora avec le Maître de Artes pour le retable de l'église San Feliú et exécuta 2 panneaux pour le polyptyque peint par Juan Reixach à la collégiale.

Maître de la Crucifixion de Colmar

Peintre alsacien (actif v.  1400 dans le Rhin supérieur).

L'artiste doit son nom à un panneau représentant la Crucifixion (v. 1400), conservé au musée d'Unterlinden de Colmar. Ce tableau, provenant de la collégiale Saint-Martin, est tributaire de l'art de cour parisien de la fin du XIVe s. Le geste de douleur si éloquent de saint Jean ou de Marie-Madeleine est un emprunt à l'enluminure française d'un motif d'origine italienne. L'influence occidentale se fait jour également dans le modernisme du riche costume du centurion et de son escorte, d'esprit bourguignon. La Crucifixion de Colmar est le premier panneau conservé où se manifeste le " style doux " en vogue dans le Rhin supérieur et qu'illustre également, quelques années plus tard, le Jardinet du Paradis (Francfort, Städel. Inst.). Cette peinture vibre cependant d'une émotion qui est absente de la scène de Francfort et illustre, de ce fait, une tendance quelque peu différente. On ne retrouve en effet, dans la sereine représentation du Jardinet du Paradis, ni les contrastes sur lesquels repose la composition colmarienne ni l'animation des figures au drapé impétueux et aux gestes pathétiques.

   Lilli Fischel (1950) a localisé l'activité de ce peintre à Strasbourg, important centre artistique à la fin du Moyen Âge.

Maître de la Glorification de la Vierge (Meister der Verherrlichung)

Peintre allemand (actif dans le 3e quart du XVe s.).

Le peintre désigné sous le nom de Maître de la Glorification de la Vierge fut l'un des plus importants artistes de Cologne au cours de la seconde moitié du XVe s. Outre le grand panneau de la Glorification (Cologne, W. R. M.) qui lui a valu son nom, il convient de citer parmi ses œuvres les plus importantes et les plus caractéristiques une Annonciation (id.), une Vierge au croissant de lune (Worms, fondation Heylshof) et 2 volets d'un grand retable représentant la Nativité du Christ (Berlin, musées) et l'Adoration des mages (musée d'Aix-la-Chapelle). Elles permettent de considérer l'artiste comme le véritable héritier de Stephan Lochner, mais traduisent tout autant l'emprise des peintres flamands Rogier Van der Weyden et le Maître de Flémalle. Cette influence apparaît notamment dans l'Annonciation, l'une des premières œuvres de l'artiste (v. 1445-1460). Les silhouettes graves et imposantes, l'étonnante plasticité, traduisent son souci de rendre tangibles corps et matière.

   L'ange de l'Annonciation est agenouillé dans un intérieur d'une perspective accusée et jouissant d'une existence autonome. L'innovation la plus surprenante est la vue par la porte et par la fenêtre : pour la première fois à Cologne, un peintre permet à l'observateur d'apercevoir d'un intérieur une place au dehors et, dans le lointain, des prairies et des champs. Dans ses œuvres ultérieures, le Maître de la Glorification de la Vierge se rapproche de plus en plus du style de Stephan Lochner, auquel il emprunte le type de silhouettes et la composition. Dans aucun de ses tableaux, toutefois, il ne renie la formation reçue aux Pays-Bas. C'est pourquoi on peut considérer son art comme une synthèse de la nouvelle optique flamande, proche de la réalité, et de l'école traditionnelle de Cologne, plus intime et plus idéalisante.