Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
A

art concret

Mouvement artistique fondé en 1930 à Paris par Théo Van Doesburg. Le groupe, qui édite une revue du même nom qui ne connaîtra qu'un seul numéro, est constitué, au côté de Théo Van Doesburg, des peintres Otto Gustav Carlsund, Jean Hélion, Léon Tutundjian et Marcel Wantz. Ces artistes rédigent un manifeste intitulé Base de la peinture concrète, dans lequel ils affirment que " l'œuvre d'art doit être entièrement conçue et formée par l'esprit avant son exécution (...), le tableau doit être entièrement construit avec des éléments purement plastiques et n'a pas d'autre signification que lui-même ". Ils réclament que " la construction du tableau, aussi bien que ses éléments, doit être simple et contrôlable visuellement " et que " la technique doit être mécanique, c'est-à-dire exacte, anti-impressionniste ". Enfin, ils demandent un " effort pour la clarté absolue ". C'est le tableau Composition arithmétique, peint par Théo Van Doesburg en 1930, qui illustre à la lettre ces revendications avec sa facture anonyme, sa composition constituée de formes géométriques calculées de façon arithmétique et sa gamme colorée réduite au noir et aux gris. Théo Van Doesburg devait disparaître l'année suivante. L'art concret ne fut pas tout de suite reconnu. Toutefois, dès 1936, l'artiste suisse Max Bill reprit à son compte ces idées et les développa à plusieurs reprises, en particulier dans un texte significatif intitulé la Pensée mathématique dans l'art de notre temps, publié en 1949. Entre-temps, Wassily Kandinsky en 1938, puis Jean Arp en 1944, avaient à leur tour adopté cette formule pour qualifier leur art. De nombreux artistes, en Suisse notamment, se réclamaient de cette nouvelle définition, tels que Verena Loewensberg, Camille Graeser et Richard Paul Lohse qui, avec Max Bill, se trouveront souvent réunis dans un groupe informel intitulé " Concrets zurichois " et qui exposera dans le cadre des manifestations organisées par l'association Allianz. Si l'art concret ne présente pas d'unité de style, en revanche de nombreux artistes ont pu être réunis autour de ses principes : ce que montre l'exposition organisée par Max Bill en 1944 à la Kunsthalle de Bâle, intitulée Konkrete Kunst, tandis que, dans le même temps paraissait, à Zurich, la revue Abstrakt Konkret, qui comprendra 11 numéros publiés en 1944 et 1945 par la galerie des Eaux vives, où seront organisées des expositions. Plus tard, en 1960, Max Bill organisait de nouveau une exposition avec le même titre, qui fut présentée au Helmhaus à Zurich et montra un élargissement de la conception de cet art par Max Bill lui-même à des tendances variées, ainsi que des témoignages de l'adhésion qu'il suscita dans l'ensemble du monde occidental et en particulier en Amérique du Sud. En effet, après 1945, l'art concret s'est largement diffusé en dehors de la Suisse et s'est manifesté sous forme d'expositions et de publications : ainsi à Buenos Aires, Arden Quin et Giulia Kosice fondent-ils le groupe Arturo en 1944, qui se manifestera notamment par l'intermédiaire d'une revue du même nom, puis en 1946 le groupe " Madi ", qui exposera bientôt à Paris au Salon des Réalités nouvelles. En 1945 à Paris, René Drouin organise dans sa galerie une exposition intitulée Art concret, tandis que le Salon des Réalités nouvelles, fondé en 1946, se réclamera lui aussi dans son intitulé même de l'art concret. Enfin, notamment en Italie, une exposition intitulée Arte astratta e concreta, est organisée à Milan en 1947 et précède la fondation quatre ans plus tard du Movimento arte concreto à Milan, qui regroupera des artistes italiens. C'est bien dans cet esprit qu'il faut regarder le livre publié en 1957 par un jeune artiste suisse, Karl Gerstner, qui, sous le titre Kalte Kunst ?, montre à la fois l'origine de ce mouvement dans l'art des pionniers de la peinture abstraite, présente son développement avec Mondrian, Van Doesburg et les concrets zurichois, sans oublier Josef Albers, et termine avec l'art des nouvelles générations. L'art concret est revendiqué à présent par de très nombreux artistes, au point d'avoir suscité des manifestations diverses dans le monde et en particulier la constitution de fondations qui en permettent la diffusion : c'est le cas de la Fondation pour l'art constructif et concret à Zurich, la Fondation pour l'art concret à Reutlingen, près de Stuttgart, enfin l'Espace de l'art concret à Mouans-Sartoux, près de Grasse.

art corporel

Élément primordial de communication, le corps, plus que tout autre matériau plastique, est apte à exprimer une réflexion et une attitude devant le réel environnant, à établir une relation avec le public. De la tonsure en étoile de Marcel Duchamp aux corps féminins signés de Manzoni, des happenings de Cage à ceux de Kaprow, l'utilisation du corps pour sa valeur expressive constituait déjà un instrument de création avant d'atteindre sa véritable dimension avec le mouvement du Body Art vers la fin des années 60, en Europe et aux États-Unis. Pour certains artistes, la violence et l'agressivité sont les meilleurs moyens de faire sortir le spectateur de sa passivité et de son état de voyeur. Ainsi s'expliquent les actions particulièrement brutales des Viennois Gunter Brus et Rudolf Schwarzkogler (mort en 1969, au cours de l'une d'elles), de Herman Nitsch, qui, lors d'un rituel déterminé, se vautre dans des viscères d'animaux, de Gina Pane, qui se taillade le visage et le corps avec des lames de rasoir, et de Chris Burden, qui se roule dans le feu. D'autres, comme Urs Lüthi et Michel Journiac, moins extrémistes mais animés du même désir de transgresser les tabous et les inhibitions, préfèrent se travestir. D'autres encore, comme Vito Acconci, Denis Oppenheim et Joan Jonas, considèrent leur corps comme l'outil le plus adéquat pour une connaissance sensible et directe. Citons aussi Bruce Nauman et Terry Fox, qui, plus anecdotiquement, utilisent leur corps de manière expérimentale.

Art déco

À l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, à Paris en 1925, la peinture intervient en tant que " décor " des ensembles mobiliers plutôt que pour ses qualités propres. Les peintres choisis par les responsables des pavillons sont assez représentatifs de ce que l'on appellera bientôt l'" Art déco ", en souvenir de la grande manifestation de 1925.

   Certains échappent à cette règle ; ils sont peu nombreux. Deux d'entre eux, Fernand Léger et Robert Delaunay, voient leurs œuvres exclues du hall d'entrée d'une ambassade française dessiné par Robert Mallet-Stevens à la demande du directeur des Beaux-Arts, P. Léon. Le scandale qui s'ensuit a raison de l'hostilité de M. Léon. Le pavillon de " l'Esprit nouveau ", présenté par Amédée Ozenfant et Le Corbusier, abrite pour sa part des toiles des deux artistes et de celui qui représente le mouvement moderne, Fernand Léger.

   En dehors de ces hommes de réputation internationale, appartenant aux grands courants qui remettent en cause la vision du monde et sa transposition picturale, les peintres qui prêtent leur concours à la décoration murale et aux ensembles de l'exposition se partagent entre deux tendances : les traditionalistes, qui rejettent l'hermétisme du Cubisme au profit d'un art figuratif, et ceux qui en retiennent la déformation géométrique.

   Au premier groupe appartiennent Charles Dufresne, Jean-Louis Boussingault, Luc-Albert Moreau, André Dunoyer de Segonzac. Unis par des liens d'amitié, ils appartiennent à la Compagnie des arts français, fondée en 1919 par Louis Süe et André Mare, qui regroupe des artistes de toutes disciplines dans le but de répondre le plus largement possible à la demande de la clientèle. Parmi eux, il faut citer également Paul Véra, qui se spécialise dans la peinture décorative, et Bernard Boutet de Monvel. C'est un portraitiste très fin, un remarquable dessinateur et graveur. Vers 1928, il effectue un voyage à New York, dont il rapporte une vision " oblique " très personnelle. Il faut enfin ne pas oublier Gustave-Louis Jaulmes, spécialisé dans les grandes compositions décoratives et les cartons de tapisserie.

   Parmi les traditionalistes, Jean Dupas, élève d'Albert Besnard, participe largement à l'exposition de 1925 : dans l'hôtel du Collectionneur du groupe Ruhlmann, avec un grand panneau intitulé les Perruches ; dans la tour de Bordeaux, sa ville natale, avec des panneaux sur le vin. Des allégories sur le commerce maritime dans les différents continents, signées Jean-Gabriel Domergue, un autre Bordelais, complètent la décoration de la tour.

   Parmi les peintres ralliés au mouvement cubiste, deux méritent une place à part : A. Mare, ami de Léger, qui s'apparente à Roger de La Fresnaye, et L. Voguet, qui réalise le revers du grand panneau de la porte d'Orsay à l'exposition de 1925, sur le thème de l'Art décoratif.