Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Valdés (Lucas de)

Peintre espagnol (Séville 1661 Cadix 1725).

Il manifesta très jeune sa vocation, exécutant ses premières gravures dès l'âge de onze ans. Mais son père, Juan de Valdés Leal, exigea qu'il étudiât le latin et les mathématiques chez les Jésuites, avant de se consacrer à la peinture. Marié en 1681, Lucas de Valdés eut une activité artistique importante après la mort de son père, comme peintre décorateur et graveur ; ses dernières années (1719-1725) se passèrent à Cadix, comme professeur de mathématiques à l'École navale, qui venait de s'y installer (signe caractéristique du déclin commercial et maritime de Séville).

   Lucas de Valdés, s'il doit beaucoup à son père, n'est pas un simple épigone. Il est moins dramatique et moins " expressionniste ", tout aussi dynamique, mais plus orienté vers les recherches de scénographie et de perspective. Il a peint de grands tableaux narratifs, fort estimables, dont certains sont déposés au musée de Huelva (Sainte Isabelle de Portugal faisant l'aumône, Allégorie de la fondation du tiers ordre de la Merci). Mais il est surtout peintre de décoration à la détrempe — comme la très remarquable voûte à colonnades feintes de l'église jésuite S. Luis ou les revêtements à la manière de tapisseries de la nef des Vénérables —, ou des vastes compositions murales, comme les transepts de l'église dominicaine S. Pablo (Procession de la Vierge présidée par le roi saint Ferdinand, Autodafé).

   Il a laissé également une œuvre abondante d'aquafortiste, aussi bien par des sujets religieux (Apparition de la Vierge et de l'Enfant Jésus à saint Félix de Cantalicio) que par des portraits de religieux (le Jésuite, P. Tamariz, 1707) et de notabilités de la ville de Séville.

Valdés (Manolo)

Peintre espagnol (Valence 1942).

De 1965 à 1981, Valdés forme avec Rafael Solbes le groupe Equipo Crónica. À la mort de Solbes en 1981, il poursuit une œuvre personnelle qui peu à peu trouve sa singularité par rapport aux œuvres réalisées durant la période de l'Equipo Crónica. Le regard qu'il porte sur la tradition de la grande peinture espagnole est à l'origine de cette remarquable série des " Ménines " — tableau historique s'il en est —, qu'il présente en 1986 (gal. Maeght, Barcelone), laquelle constitue un étonnant contrepoint aux interprétations que Picasso fit du même sujet.

   Valdés est l'auteur de sculptures en bois, métal ou plomb qui puisent leur inspiration dans l'art moderne : Nature morte, Picasso ou Nature morte, Morandi (1985).

   Il est représenté par la gal. Maeght de Barcelone. Ses œuvres ont été exposées dans différentes capitales (Berlin, Madrid, Paris, Caracas). Elles figurent dans les collections de la fondation March de Madrid. Une exposition lui a été consacrée en Espagne (Valence, I. V. A. M.) en 1996.

Valdés Leal (Juan de)

Peintre espagnol (Séville 1622  – id. 1690).

Fils d'un orfèvre portugais, Fernando de Niza, et d'une Andalouse, il peignit sous le nom de sa mère. Il fit ses études à Cordoue, où sa famille s'était installée et où il dut connaître Antonio del Castillo, dont le style influença nettement ses premières peintures. Il s'intéressa également à l'œuvre de Herrera le Vieux, dont l'énergie s'accordait bien à son propre tempérament (Saint André, 1649, église S. Francisco de Cordoue). Marié à Cordoue en 1647, il était revenu à Séville en 1650. La plus importante réalisation de cette période juvénile est le grand cycle de l'Histoire de sainte Claire, exécuté en 1653-54 pour le couvent des clarisses de Carmona (dispersé auj. entre l'hôtel de ville de Séville et la coll. March de Palma de Majorque). On y trouve encore de nombreuses réminiscences des personnages de Castillo, mais la personnalité de Valdés Leal s'affirme dans le dynamisme presque brutal de certains tableaux : Assaut d'un couvent par les Maures (Alcázar, Séville).

   En 1657, Valdés reçoit du monastère hiéronymite de Buenavista, près de Séville, la commande d'un cycle de peintures consacré à la Vie de saint Jérôme et aux grandes figures de l'ordre hiéronymite, qu'il réalise dans les années suivantes. Les scènes de la vie du saint (au musée de Séville) sont très remarquables par la richesse du coloris. Malgré les négligences évidentes du dessin, les figures de religieux de l'ordre (auj. dispersées entre le Prado, les musées de Séville, de Dresde, du Mans, le Bowes Museum de Barnard Castle) frappent par la vigueur du caractère individuel (Frère Atanaso d'Ocaña, musée de Grenoble ; Frère Juan de Ledesma, musée de Séville).

   En 1658, Valdés achève le grand retable du couvent des carmélites de Cordoue (Élie sur le char de feu, Élie et Élisée au désert, bustes de saintes et têtes coupées de martyrs), très baroque d'esprit et de facture inégale. En 1660, il est nommé " député " de l'académie de dessin, récemment créée à Séville et qu'il présidera en 1664. C'est en cette même année qu'il dut se rendre à Madrid, ce qui lui permit de connaître les collections royales et d'entrer en contact avec les peintres de l'école madrilène contemporaine. On lui a parfois attribué des œuvres d'artistes madrilènes (F. Rizi et Camilo, en particulier), ce qui témoigne de la parenté des styles. En 1671, à l'occasion des fêtes de la canonisation de S. Fernando, Valdés prépare les fastueuses décorations de la cathédrale de Séville. L'année suivante, il travaille avec Murillo à l'hôpital de la Charité de Séville, fondation de don Miguel de Mañara (dont il fait le portrait), où il laisse ses chefs-d'œuvre : les célèbres Allégories de la Mort, témoignage capital du réalisme macabre le plus sombre. L'archevêque de Séville, Ambrosio Spinola, lui commande, en 1673, pour l'oratoire de son palais, un retable dédié à son saint patron (Suisse, coll. part. ; musées de Séville et de San Francisco).

   Entre 1674 et 1676, il peint le cycle de la Vie de saint Ignace (auj. au musée de Séville), ouvrage hâtif très inégal et de facture souvent négligée, mais où se manifeste pourtant une évidente originalité d'invention.

   Contemporain de Murillo, Valdés Leal exprime une sensibilité diamétralement opposée à celle de son compatriote. Totalement indifférent à la beauté physique, à la séduction charnelle, son art se définit par un expressionnisme dramatique très personnel : saisir le mouvement, la tension pathétique dans son dynamisme (Chemin du Calvaire, musée de Séville ; Libération de saint Pierre, cathédrale de Séville) intéresse le peintre bien plus que l'équilibre ou l'harmonie. Les compositions inspirées à Valdés Leal par la vie de Marie (Vierge des orfèvres, musée de Cordoue ; Assomption de la Vierge, Washington, N. G. ; Immaculée, 1661, Londres, N. G.) sont d'une remarquable richesse plastique, mais n'atteignent jamais à la beauté ou à l'élégance de celles de Murillo ou d'Antolinez. En revanche, l'artiste possède un don exceptionnel pour traduire la réalité concrète des choses : il a laissé de remarquables natures mortes du genre " vanitas " (Allégorie de la Vanité, 1660, Hartford, Wadsworth Atheneum ; Allégorie du Salut, musée de York). Dans les deux grandes toiles de l'hôpital de la Charité (Finis Gloriae Mundi et In ictu oculi), l'aspect macabre du thème atteint son paroxysme.

   Excessif, personnel, violent, Valdés Leal ne laissa pas de disciples, à l'exception de son fils Lucas, qui devait achever son œuvre décorative commencée à l'hôpital des Vénérables de Séville. Une importante rétrospective Valdés Leal a été présentée (Séville, Madrid) en 1991.