Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
R

Reigl (Judith)

Peintre français d'origine hongroise (Hongrie 1923).

Elle fréquenta l'École des beaux-arts de Budapest de 1941 à 1945, voyagea en Italie (1946-1948) et s'installa à Paris en 1950 puis à Marcoussis en 1963. En 1954, elle expose à la gal. l'Étoile scellée avec une préface d'André Breton. Les débuts de Judith Reigl se situent donc sous le signe du Surréalisme de l'après-guerre, que va décrisper la rencontre avec l'Action Painting comme avec l'art du signe fertilisé par l'Extrême-Orient. L'artiste expose : en 1957, à la gal. Kléber avec S. Francis, Riopelle, Pollock, Tobey ; en 1964, à New York (Guggenheim Museum) avec Gottlieb, De Kooning, Motherwell et Newman ; en 1967-68, à Pittsburgh (Carnegie Inst.) avec Albers, Johns, Kelly, Noland, Olitski. Jusqu'en 1965 environ, sa peinture est en relation avec l'esthétique contemporaine du geste et du signe, en puissants contrastes ramassés, rouge et noir (Peinture, 1965). De 1958 à 1965 prend place aussi l'importante suite des " Guano ", toiles ratées posées sur le parquet et sur lesquelles l'artiste a " travaillé, marché, déversé de la matière picturale qui coulait, imbibait, s'écrasait sous les pieds " (J. Reigl), faisant ainsi intervenir le " hasard objectif " que réclamait André Breton. De 1966 à 1972, la série des " Hommes " (un exemplaire au M. N. A. M. de Paris) donne une signification plus symbolique aux signes naguère abstraits, comme si le corps avouait enfin son rôle, se montrait. À partir de 1973, en revanche, il est renvoyé à sa discrétion première, quand son intervention est, derechef, capitale dans la série des " Déroulements " (1973-1976), où l'artiste pose une couleur sobre en marchant le long d'une toile verticale non tendue (Déroulement, 1977, M. A. M. de la Ville de Paris). Cette alliance de l'écriture et du geste, du temps et de l'espace, de la simplicité apparente et de la complexité des opérations techniques donne à cette peinture sans pesanteur un " état de grâce " assez rare dans la production contemporaine. La série de toiles intitulées " Entrée-Sortie ", réalisée en 1986-1988, doit se lire comme un accès au monde de la peinture que Judith Reigl interroge depuis les grandes œuvres non figuratives jusqu'à celles où intervient la figure humaine. L'artiste a exposé à Paris, gal. Fournier en 1956, 1959 et 1962, gal. Rencontres à partir de 1972, gal. Yvon Lambert en 1978, et à l'A. R. C. en 1976. En 1983, elle a participé à l'exposition " Vingt Ans d'art en France ", qui a circulé en Allemagne et en Italie. Elle est représentée à Paris (M. N. A. M.) et au musée de Grenoble.

Reinhardt (Ad)

Peintre américain (Buffalo 1913  New York 1967).

Élève de Meyer Schapiro à Columbia University, il fréquenta par la suite la National Academy of Design. Au contraire de la plupart de ses contemporains, il n'adopta jamais une esthétique figurative ou surréaliste. Dès la fin des années 1930, époque à laquelle il travailla au Federal Art Project, son style, pas encore totalement dégagé des influences cubistes, était cependant rigoureusement abstrait. Plus tard, entre 1946 et 1950, Reinhardt, lui-même spécialiste d'art oriental, adopta un style calligraphique qui trouvait sa source dans l'art décoratif arabe et japonais et qui n'est pas sans rapports avec l'œuvre de Mark Tobey (Abstract Painting, 1948, Oberlin, Ohio, Allen Memorial Art Museum). De 1950 à 1953, ses toiles, plus condensées, limitent leur organisation à des séries de touches parallèles et perpendiculaires, qui devaient aboutir aux séries monochromes (rouges, bleues et surtout noires) de la fin de sa vie, où les toiles sont divisées en rectangles peints dans des valeurs si proches qu'ils sont presque imperceptibles (Painting, 1956, New Haven, Yale University Art Gallery ; Abstract Painting, 1957, New York, M. O. M. A).

   Cette économie de moyens et le refus opéré par Reinhardt des schémas habituels soulignant texture, formes, couleurs et composition (ainsi que celui du caractère personnel, autobiographique, de l'art gestuel, qu'il considérait comme trop facile) firent de lui un artiste essentiel par rapport au développement du Minimal Art des années 60. Pédagogue et théoricien, il écrivit de nombreux articles, dont la plupart sont inclus dans le livre de Barbara Rose : Art as Art. The Selected Writings of Ad Reinhardt (New York, 1971).

   Son œuvre figure dans plusieurs grands musées et coll. part. américains : Abstract Painting, Blue (1952, Pittsburgh, Carnegie Inst.), Red Painting (1952, Metropolitan Museum), Dark Painting (1953, Dayton, Ohio, Art Inst.), ainsi qu'en France : Ultimate Painting n° 6 (1960, Paris, M. N. A. M.).

   Une première exposition rétrospective de son œuvre fut organisée au Jewish Museum de New York l'année même de sa mort. En 1980, le Guggenheim Museum de New York présenta toutes ses œuvres de maturité. Une nouvelle rétrospective Reinhardt a eu lieu (New York, Los Angeles) en 1991-92.

Reinhart (Johann Christian)

Peintre allemand (Hof 1761  – Rome 1847).

Après avoir fréquenté l'atelier de A. F. Oeser à Leipzig et celui de Klengel à Dresde, il travaille de 1786 à 1789 à Meiningen. À partir de 1790, il réside à Rome, où il est avec J. A. Koch le chef de file de la peinture allemande de paysage. En 1804-1805, il réside à Naples. Son évolution le conduisit d'un réalisme alerte, attentif aux détails, à des paysages idéalisés, sévèrement composés, où l'on décèle l'influence de Poussin et de Dughet. Il exécuta aussi des paysages de ruines, tels que ses 4 grandes Vues de Rome prises de la Villa Malta (1825, Munich, Neue Pin.). Reinhart a également exécuté des gravures.

Reinhold (les)

Peintres allemands.

 
Friedrich Philipp (Gera 1779 – Vienne 1840) se forma de 1797 à 1804 dans l'atelier de Schenau à Dresde, où il fit la connaissance de Friedrich, puis à Vienne à partir de 1811. Après un court séjour à Gera, où il exécuta des portraits, il revint à Vienne en 1813. Il entra alors en relation étroite avec le cercle nazaréen des frères Olivier. En 1816, il renonça au portrait et au tableau d'histoire en faveur du paysage et entreprit deux ans plus tard, à l'exemple des Olivier, un voyage dans la région de Berchtesgaden pour y peindre des études de paysages (le Couvent des Capucins, 1818, musée de Leipzig). Un vif sentiment religieux le fit évoluer vers un type de paysage poétisé, dans l'esprit des paysages de Koch, et qu'il peupla de figures symboliques (Paysage aux huttes de moissonneurs, 1825, Hambourg, Kunsthalle ; Paysage au ruisseau, Vienne, Österr. Gal.). On lui doit aussi des gravures réalistes de sites auxquels il associe parfois des motifs rustiques (Albertina et Hambourg, Kunsthalle).

 
Son frère Heinrich (Gera 1788 – Rome 1825) fréquenta l'Académie de Dresde et celle de Vienne. En 1909, Denon l'appelle à Paris, où il consacre un cycle de gravures aux campagnes de Napoléon. Ce n'est qu'à son retour à Vienne en 1814 que Reinhold, sous l'influence de Koch, s'adonne à la peinture de paysage. À l'instar des Olivier, adeptes des Nazaréens, au cercle desquels il s'est joint, il entreprend un voyage à Salzbourg et à Berchtesgaden, qui exercera une influence décisive sur sa conception du paysage. Ayant su découvrir le caractère intime d'un coin de nature, il limitera ses motifs, préférant les plans rapprochés, et traduira de façon nouvelle les effets de la lumière (le Watzmann, Berlin, N. G., et Vienne, Österr. Gal.). L'artiste, qui se rend à Rome en 1819, poursuivra ces représentations fidèles de la nature dans un grand nombre d'études à l'huile et de dessins exécutés dans la Serpentera et à Olevano ainsi qu'au cours de ses voyages en Sicile (1820) et dans la baie de Naples (1823). Schinkel acquerra en 1824 certains de ces paysages (conservés à la Kunsthalle de Hambourg). Bien que l'étude de la nature constitue la partie essentielle de l'œuvre de Reinhold, celui-ci partage l'opinion des Nazaréens et la considère non pas comme un concept pictural définitif, mais comme une étape dans la recherche des motifs, le tableau étant, lui, le résultat d'" idées intéressantes et de la composition " (lettre de 1824). La nature, à laquelle s'intègre une scène biblique, est de nouveau idéalisée. Pour saisir le processus selon lequel, de l'étude au tableau, la nature s'ordonne et l'éclairage d'un instant se cristallise, il n'est que de comparer l'étude de la Serpentera (Cologne, W. R. M.) au Paysage au bon Samaritain (Copenhague, musée Thorvaldsen).