Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Withoos (Matthias)

Peintre néerlandais (Amersfoort 1627 [ ? ] – Hoorn 1703).

Élève de J. Van Campen, il se rendit à Rome avec Schrieck et Henrik Grauw, et fut surnommé dans la Bent Calzetta bianca. Rentré à Amersfoort en 1652, il travaille à Hoorn à partir de 1672. À côté de paysages méridionaux agrémentés de ruines ou de statues — notamment des vues de Rome à travers des parcs — tels que ceux des musées de Schwerin, du Mans ou du Rijksmuseum (1675), Withoos, sous l'influence directe de Schrieck, mais aussi de Salvator Rosa (Démocrite méditant, de ce dernier, au S. M. f. K. de Copenhague), peignit d'étranges et fascinantes allégories de la Vanité composées de végétaux, de statues, d'insectes et d'animaux, efficacement servies par l'objectivité d'une facture précise et tranchée ainsi que par un éclairage insistant qui fait saillir chaque détail : de bons exemples de ces véritables natures mortes philosophiques, aux résonances singulièrement modernes, se trouvent dans les musées de Bâle et de La Fère (avec le même motif du buste de Sénèque). Notons encore une Scène de chasse dans un marais avec effets de couleur très raffinés, au musée de Dunkerque. Dans sa façon crispée de rendre le végétal, Withoos a beaucoup de rapports avec Begeyn et Ruysch.

 
Ses fils — Frans, Johannes et Peter (Amersfoort 1654 –Amsterdam 1693)  — ainsi que sa fille Alida (Amersfoort 1659 – Hoorn apr. 1715) , ont été également peintres, notamment de fleurs, fruits et insectes.

Witkiewicz (Stanislaw Ignacy) , dit Witkacy

Peintre, philosophe, théoricien d'art et dramaturge polonais (Varsovie  1885  – Jeziory, près de Sarny, Volynie,  1939).

Fils d'un peintre, architecte et critique d'art de talent, Stanislaw Witkiewicz, il fut initié à l'art par sa famille, réalisant, entre autres, dès 1899-1900, des photographies (paysages des Tatras, locomotives, portraits), technique qu'il utilisera fréquemment par la suite. À partir de 1904, il continua ses études à l'Académie des beaux-arts de Cracovie dans l'atelier de J. Mehoffer et de Van Stanistawski. Il effectua plusieurs voyages à l'étranger (en 1913, à Paris et en Bretagne), où, sous l'influence de Gauguin et après un séjour dans l'atelier de Slewinski à Pont-Aven, il peint des paysages en aplats. De retour en Pologne, il combat comme officier durant la Grande Guerre et il assiste en 1917, à Petrograd, à la révolution d'Octobre ; ces événements contribuent à renforcer son antiesthétisme et son pessimisme foncier. Lié avec les formistes dont il est le principal théoricien, publiant en 1919 les Formes nouvelles en peinture, il prit part à leurs expositions. Ses œuvres, très marquées par l'Expressionnisme, conservent cependant une note personnelle, visible dans ses compositions fantasques, où éléments anthropomorphiques et végétaux se mêlent à un bestiaire burlesque et convulsif : Tentation de saint Antoine (1921-22, musée de Cracovie), Composition fantastique (1923, id.). En 1925, rejetant l'idée d'une œuvre d'art sans destination au profit d'une œuvre considérée comme un objet usuel, il ne réalise plus que des portraits de commande, peints dans le cadre de la Firme des portraits, dont il est le seul artisan. À partir de 1930, c'est essentiellement à travers la philosophie et la conception d'un système, le " monadisme biologique ", que Witkiewicz s'exprime. À côté d'effigies réalistes, il a laissé des portraits expressionnistes et surréalistes, œuvres d'un automatisme psychique résultant de l'usage de la drogue (peyotl, cocaïne), signalé toujours sur le tableau, à côté de la signature. Son rôle génial et précurseur dans le domaine du théâtre contemporain (la Mère, les Trois Cordonniers) ainsi que dans la théorie de l'art est considérable. Ses œuvres se trouvent dans les musées de Cracovie, Varsovie et Slupsk, ainsi que dans de nombreuses coll. part. en Pologne. À l'annonce de la Seconde Guerre mondiale, qu'il considérait comme la preuve ultime et manifeste de la faillite de la civilisation occidentale, Witkiewicz se suicide en apprenant l'entrée des troupes soviétiques en Pologne.

Witte (Emmanuel de)

Peintre néerlandais (Alkmaar v. 1617  –  Amsterdam 1691 ou 1692).

Élève d'Evert Van Aelst à Delft, Emmanuel de Witte débuta comme peintre de portraits. En 1636, il est inscrit à la gilde de Saint-Luc d'Alkmaar ; il séjourne à Rotterdam en 1639-40, puis à Delft de 1641 à 1650, où il peint un tableau à sujet mythologique, Vertumne et Pomone (1644, Rotterdam, B. V. B.), dont le paysage fait penser à ceux de Poelenburgh. Il subit pendant cette période l'influence de G. Houckgest et de H. Van Vliet. En 1652-53, il est à Amsterdam, en 1654-55 à Delft, puis il s'installe à Amsterdam en 1656. Rien n'est venu confirmer l'affirmation de Houbraken selon laquelle il aurait eu un caractère difficile ; et, de même, il ne se serait pas suicidé.

   Si l'on met à part quelques scènes de genre, telles que l'admirable Intérieur au clavecin (1667, Rotterdam, B. V. B.) — qui évoque d'une façon précise l'art de Pieter De Hooch et dont le lumière, à la fois calme et forte, s'irise d'une poésie vermérienne — et divers Marchés aux poissons à Amsterdam (Londres, N. G. ; 1672, Rotterdam, B. V. B. ; Rijksmuseum ; Moscou, musée Pouchkine), Emmanuel de Witte apparaît comme un peintre spécialisé dans les vues d'intérieur d'édifices religieux. Ses motifs sont tantôt des églises gothiques — indifféremment catholiques ou protestantes —, traitées d'ailleurs avec assez de fantaisie pour que les éléments en soient empruntés à plusieurs édifices ou à plusieurs styles, comme dans l'Intérieur d'église du musée de La Fère (citons les deux Intérieurs d'église du Rijksmuseum, la Nieuwe Kerk d'Amsterdam, 1656, Rotterdam, B. V. B. et Rijksmuseum ; l'Intérieur d'église, 1668, Mauritshuis), tantôt des synagogues (Intérieur de la synagogue portugaise d'Amsterdam, Rijksmuseum) ou bien encore l'admirable Intérieur de la Nieuwe Kerk à Delft (1656, musée de Lille), chef-d'œuvre de luminosité et de contrastes où la tache rouge du manteau du visiteur du premier plan se détache sur le blanc des colonnes, caressées par une lumière subtile. Son iconographie est intéressante et s'oppose très fortement à celle de Pieter Saenredam. Il aime peindre les édifices religieux pendant les services ou, en tout cas, animés par des personnages : c'est qu'il est aussi un excellent peintre de figures et qu'il sait à merveille les insérer dans ses architectures. De Witte excelle également à rendre la lumière venant du dehors et à évoquer une atmosphère de calme et de silence que ne troublent pas, bien au contraire, de discrètes allusions à la réalité quotidienne : petits détails anecdotiques comme la présence de chiens ou de personnages conversant dans des églises conçues comme des intérieurs avec de subtils jeux de lumière sur les carrelages blancs et noirs. La qualité en quelque sorte moelleuse de sa lumière reste à peu près sans égale dans la peinture néerlandaise d'église, qui n'évite pas toujours la froideur de la minutie ni la sécheresse des mises en perspective d'un Saenredam et plus encore d'un Houckgeest ou d'un Van Vliet. À ce titre, de Witte doit être rattaché, dans l'école de Delft, au courant illustré par Fabritius, et, par sa poésie, surtout dans des toiles comme celles de Moscou et de Rotterdam (Intérieur au clavecin), mérite d'être nommé en face de Vermeer.