Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
J

Juan de Borgoña

Peintre peut-être d'origine française (actif en Espagne de 1494 à 1536).

On suppose qu'il séjourna en Italie ; il semble, en tout cas, avoir connu des œuvres florentines et lombardes. Il apparaît en 1494 à Tolède, où les fresques qu'il a peintes au cloître de la cathédrale ont disparu. Sa première grande œuvre est le retable du maître-autel de la cathédrale d'Ávila ; par un contrat signé en mars 1508, il s'engage à poursuivre les peintures entreprises par Pedro Berruguete et Santa Cruz 5 panneaux lui sont attribués : Annonciation, Nativité, Purification, Transfiguration, Descente aux limbes ; la composition habile et équilibrée, les architectures classiques et le traitement de la perspective révèlent l'influence des fresques florentines. C'est à Tolède que s'affirme le talent de l'artiste, qui, de 1509 à 1511, exécute les 15 fresques de la salle capitulaire de la cathédrale consacrées à la Vierge (cycle complet, de la Rencontre à la porte Dorée à l'Assomption) et au Christ (Descente de croix, Mise au tombeau, Résurrection, Jugement dernier). La série des portraits d'évêques et le décor floral du vestibule complètent cette décoration, qui fit de J. de Borgoña le peintre favori du cardinal Cisneros. Il exécuta d'autres travaux à la cathédrale de Tolède (retables des chapelles de la Trinité, de l'Épiphanie et de la Conception) ; en 1514, Cisneros lui commanda pour la chapelle mozarabe 3 grandes fresques, d'une composition assez monotone, décrivant la Conquête d'Oran. Après la mort du cardinal Cisneros (1517), son activité dans la cathédrale décroît. Il réalise alors des retables pour des églises du diocèse de Tolède (à Camarena, Villa del Prado, 1518-1523 et 1534-1535 ; Pastrana, 1535 ; Escalona, 1536) et des couvents (S. Catalina de Talavera, 1527-1530 ; S. Miguel de Los Angeles de Tolède, 1531-1536). L'art de la Renaissance italienne, que J. de Borgoña introduisit en Castille, trouva un écho chez ses successeurs Antonio de Comontes, Pedro de Cisneros, Juan Correa de Vivar et chez son fils Juan de Borgoña le Jeune. Par l'équilibre qu'il maintient entre un naturalisme de caractère nordique (qu'il doit peut-être à son origine française) et un goût, appris sans doute en Italie même, pour l'organisation rigoureuse des volumes et de l'espace, Juan de Borgoña rejoint d'autres Espagnols, tels que Pedro Berruguete ou Alejo Ferńandez. Il retrouve aussi certains peintres lombards (Spanzotti) ou provençaux (Lieferinxe) de la fin du XVe s.

Juan de Flandes

Peintre flamand ( ? v.  1465  –Palencia v.  1519).

Il entra en 1496 au service d'Isabelle la Catholique ; on ne connaît pas d'œuvres antérieures à cette date et l'on ignore dans quelles circonstances il arriva à la Cour, où la peinture des Flandres était appréciée.

   La première œuvre qu'on peut lui attribuer est une série de petits panneaux illustrant les Scènes de la vie du Christ et de la Vierge. Ces tableaux proviennent d'un retable peint entre 1496 et 1504 pour l'oratoire de la reine, en collaboration avec Michel Sittow. Des 47 tableaux mentionnés dans l'inventaire après le décès d'Isabelle la Catholique, 28 ont été retrouvés. À l'exception de 3 (Louvre ; Washington, N. G. ; coll. part. anglaise), qui sont dus à Michel Sittow, ces panneaux doivent revenir à Juan de Flandes. Ils sont actuellement dispersés entre le Palais royal de Madrid, qui en conserve 15, et divers musées (Louvre ; Washington, N. G. ; Londres, N. G. et Apsley House ; Detroit, Inst. of Arts ; Vienne, K. M. ; musées de Berlin et coll. part.). Les tons clairs, l'importance accordée au paysage et la minutie de la technique caractérisent ces scènes. Après la mort d'Isabelle (1504), le peintre abandonne la Cour et signe l'année suivante un contrat pour décorer le retable de la chapelle de l'université de Salamanque ; de ce premier ensemble, attesté par les documents, ne subsistent que 2 représentations de Saintes à mi-corps (Apolline et Madeleine), peintes en grisaille. Le retable consacré à saint Michel (Salamanque, musée diocésain) date de la même période. L'œuvre la plus importante, conservée sur place, est le grand retable de la cathédrale de Palencia (1505-1506 ; 12 Scènes de la vie du Christ). La plénitude du modelé rivalise avec la sculpture dans des essais de trompe-l'œil chers au réalisme flamand ; les visages sont parfois traités dans un style grimaçant, où le tempérament septentrional se plie aux exigences du pathétique espagnol.

   Pour le maître-autel de l'église S. Lazaro de Palencia, Juan de Flandes peignit un autre grand retable du même style ; 4 panneaux (Annonciation, Nativité, Adoration des mages, Baptême du Christ) sont à la N. G. de Washington ; les autres (Visitation, Jardin des Oliviers, Résurrection de Lazare, Ascension, Pentecôte), au Prado. Il faut encore signaler de la main de l'artiste une Décollation de saint Jean-Baptiste au musée de Genève et une délicate Pietà (fondation Thyssen-Bornemisza, Madrid), où apparaît clairement l'une des sources principales du style de l'artiste : l'influence de Hugo Van der Goes. On attribue également à Juan de Flandes divers portraits de la famille royale, notamment celui d'Isabelle la Catholique (Madrid, Palais royal) et celui d'une jeune fille (Jeanne la Folle ?), à la fondation Thyssen-Bornemisza de Madrid. L'artiste eut une influence considérable en Espagne, où il fit école. Son fils, Juan, également, demeura à Séville, sans que l'on puisse exactement déterminer sa production.

Juan de Juanes (Vicente Juan Macip Navarro, dit)

Peintre espagnol (Fuente La Higuera, région de Valence, av.  1523  – Bocairente, id.,  1579).

Il est le représentant le plus célèbre d'une famille qui compte trois générations d'artistes. Son œuvre est parfois difficile à distinguer de celle de son père, Vicente Macip, auteur du Retable de la Vierge (1530, cathédrale de Segorbe), l'un des premiers adeptes espagnols du style de Raphaël. Juan de Juanes traita les thèmes chers à la dévotion populaire : Sainte Famille, Sauveur à l'hostie, Ecce homo, Immaculée Conception (Valence, église des Jésuites), Cène (musée de Valence). Les tons clairs, émaillés, les formes estompées caractérisent son œuvre, d'une douceur empreinte de mièvrerie. Les modèles italiens, et spécialement lombards, que Juanes put connaître en Italie, sont constamment présents (Sainte Famille, Madrid, Acad. S. Fernando ; Noces mystiques du vénérable Agnesio, musée de Valence). Les tableaux qu'il peignit pour l'église S. Nicolas de Valence, en collaboration avec son père, tranchent par le traitement réaliste de la nature morte, la fraîcheur candide des paysages verdoyants et des nus (Paradis terrestre, Péché originel).

   Dans les scènes de la Vie de saint Étienne (7 au Prado avec une Cène), l'artiste interprète le style de Raphaël sur un mode mineur. Sa piété, comparable à celle de Fra Angelico, lui gagna la faveur d'un immense public ; après sa mort, ses trois enfants continuèrent à exécuter des images de dévotion.