Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
D

Davis (Stuart)

Peintre américain (Philadelphie 1894  – New York 1964).

Il quitta l'école à seize ans pour travailler, sous la direction de Robert Henri, à New York (1910-1913), assimilant ainsi l'apport du groupe des Huit au début de sa carrière. L'Armory Show, dans lequel il exposa 5 aquarelles alors qu'il n'avait que dix-neuf ans, joua un rôle considérable sur son développement futur en le mettant en contact avec l'avant-garde française et, plus particulièrement, avec Marcel Duchamp et Francis Picabia. Il fait sa première exposition personnelle en 1917 à New York, Sheridan Square Gal. En 1921, Davis réalisa un tableau intitulé Lucky Strike (New York, M. O. M. A.), dont la composition prend pour point de départ un paquet de cigarettes et qui, située dans la logique du Cubisme et de ses papiers collés, anticipe néanmoins sur les futures préoccupations du pop art. De 1920 à 1930 env., marqué par l'art de Braque et de Picasso, Davis cherche à intégrer dans ses compositions un coloris vif et des thèmes empruntés à la vie quotidienne (série des Fouets à œufs, [Egg Beaters], 1927-28). Il se rendit en 1928 à Paris, où il subit l'influence de Raoul Dufy et de Fernand Léger (Place Pasdeloup, 1928, New York, Whitney Museum of American Art) et, à son retour à New York, en 1930, il était en possession d'un métier personnel dans lequel sujets, événements, paysages, signes et symboles abstraits sont intimement liés et exaltés par une gamme chromatique intense. Après 1945, ses compositions aux formes stylisées, aux couleurs vives, qui traitent de thèmes américains, s'imposent par leur puissance décorative (Visa, 1951, New York, M. O. M. A.).

   Davis est avec O'Keeffe le meilleur représentant de l'art moderne aux États-Unis avant l'école de New York. Il est représenté à New York (M. O. M. A., Guggenheim Museum et Whitney Museum) et dans de nombreux musées américains. Il a bénéficié d'une rétrospective (New York, San Francisco, Boston) en 1992.

D'Azeglio (Massimo Taparelli)

Peintre italien (Turin 1798  – id. 1866).

Mieux connu pour son activité politique et littéraire, Massimo d'Azeglio fut aussi peintre et introduisit au Piémont une forme d'expression inspirée du " vérisme " septentrional et imprégnée d'esprit romantique. Poète délicat dans ses tableaux de paysage, animés souvent par des anecdotes (Ulysse et Nausicaa, Turin, Museo Civico), il fut moins heureux dans ses peintures historiques, reflet direct de son idéologie politique. Il exposa régulièrement entre 1831 et 1848, date à laquelle il abandonna pratiquement son activité picturale.

 
Son frère Roberto (1790-1862) , connu surtout pour avoir fondé, en 1830, la pin. de Turin, fut aussi peintre, dessinateur, illustrateur de livres et caricaturiste.

De Chirico (Giorgio)

Peintre italien (Vólos Thessalie, 1888  – Rome 1978).

Né en Grèce de parents italiens, il étudie d'abord à l'Académie d'Athènes ; mais c'est à Munich, entre 1906 et 1909, que s'effectue sa véritable formation artistique. La peinture d'Arnold Böcklin (le Triton et la Sirène, 1909) ainsi que les compositions de Max Klinger, le milieu symboliste de la capitale de la Bavière mais aussi la pensée de Nietzsche vont avoir une influence déterminante sur son développement (l'Énigme de l'Oracle, 1910). Il trouve son style dès 1912 : l'Incertitude du poète (1913) montre une composition rigoureusement dessinée qui joue sur la perspective et les lignes cernées, tandis que la lumière du soir donne leur densité aux formes, aux couleurs et aux ombres : sur une place bordée d'arcades sur un seul côté, un buste antique voisine avec un régime de bananes, tandis qu'un train express passe au loin. Dans Chant d'amour (1914, New York, M. O. M. A.), une tête antique en bas relief rencontre sur un mur pignon un gant de caoutchouc de taille disproportionnée par rapport au décor architectural. C'est une autre voie, ignorant impressionnisme, divisionnisme, fauvisme et cubisme, mais héritière d'autres traditions, qui s'impose à ce moment et propose avec ses compositions rigides, son jeu bizarre sur l'espace et la lumière et ses sujets ésotériques une poésie nouvelle. À Paris de 1911 à 1914, De Chirico fait la connaissance d'Apollinaire (Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire, 1914, Paris, M. N. A. M.) et de Picasso qui le mettent en rapport avec l'avant-garde artistique et littéraire. Apollinaire qui, dans les Soirées de Paris, parle de ses " paysages métaphysiques " qu'il a exposés au Salon des indépendants en 1913 puis au Salon d'automne. Cette peinture métaphysique va véritablement se développer après 1914 : De Chirico tente d'y exprimer des sentiments profonds et mystérieux qui trouvent leur forme dans la représentation d'objets rapprochés de façon incongrue et dans des décors architecturaux qui empruntent leurs espaces déserts aux places à arcades de Ferrare et de Turin. Ces visions oniriques vont être complétées par l'apparition de " mannequins " : le Prophète (1915, New York, M. O. M. A.) montre la place d'une ville représentée en perspective accélérée qui figure aussi une scène avec, à l'arrière-plan, une architecture qui représente également un décor, tandis que, sur le devant, un mannequin sans bras et assis, contemple un tableau un noir sur lequel se trouve dessinée une élévation de bâtiments mis en perspective. En 1917, De Chirico entreprend une longue série de répliques et de variantes sur le thème des Muses inquiétantes (une vingtaine de numéros). De Chirico va évoluer après 1920, en retournant notamment au thème et à la facture de la peinture classique. Il commence alors une série d'autoportraits puis adopte une attitude nettement polémique contre l'" esprit moderne " : les références littéraires, l'évocation des ruines romaines et de la Grande-Grèce (série des Dioscures, v. 1934) sont un prétexte pour lui à exercer une réflexion ironique et à mettre en évidence une exécution traduisant soit une facture enlevée, soit une forme précise. Dans ses œuvres les plus récentes, il reprend les thèmes de sa période métaphysique : le mannequin, la mythologie, mais aussi une symbolique surréaliste plus évidente, points de repère d'un univers définitivement clos. À partir de 1968, De Chirico s'intéresse aussi à la sculpture, transposant dans le bronze poli et doré le même répertoire iconographique.

   La postérité de Giorgio De Chirico est immense : il a exercé une influence considérable tout d'abord sur le peintre futuriste Carlo Carrà, qui sera l'autre grand artiste à représenter la peinture métaphysique, plus qu'Alberto Savinio. Après 1918, son œuvre sera véritablement découvert en Europe, en particulier en Allemagne par l'intermédiaire de la revue Valori Plastici, et elle aura une influence déterminante sur les créations des artistes dadaïstes à partir de 1920, tels que George Grosz, Raoul Hausmann, Rudolf Schlichter, Otto Dix, Max Ernst, puis sur les artistes de la Nouvelle Objectivité, tels qu'Anton Räderscheidt ou encore Georg Schrimpf, et jusque dans l'œuvre d'Oskar Schlemmer. Tous les artistes surréalistes seront ensuite marqués par ses images, tels que René Magritte, Salvador Dalí et Yves Tanguy.

   La première exposition du peintre, qui se fixa à Rome en 1938, eut lieu en 1936, à New York, et fut suivie de nombreuses autres manifestations à Paris et à Rome. Des rétrospectives lui sont consacrées aux Biennales de Venise de 1948 et de 1956, au Palazzo Reale de Milan en 1970, au musée Marmottan de Paris en 1975 et au M. N. A. M. de Paris en 1982. Parallèlement, Giorgio De Chirico déploya une activité scénographique et littéraire (Hebdomeros, Paris, 1929 ; Mémoires de ma vie, Rome, 1945). Ses œuvres sont conservées dans de nombreux musées notamment à Milan (Brera), Chicago (Art Inst.), New York (M. O. M. A.), Rome (G. A. M.), Hambourg (Kunsthalle), Paris (M. N. A. M.), au musée de Grenoble et dans de nombreuses collections particulières italiennes, françaises et anglaises.