Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Blaue Reiter (Der) en français, " le Cavalier bleu " (suite)

Signification du Blaue Reiter

Les manifestations du Blaue Reiter, par le domaine culturel très vaste qu'elles recouvraient, offrirent avant 1914 le panorama le plus complet des buts et des moyens de l'art moderne et anticipèrent sur ses destinées. En Allemagne même, le Blaue Reiter, mouvement le plus important après Die Brücke, s'oppose en tout point à celle-ci, bien qu'il l'ait relayée dans son besoin d'émancipation. Il est européen, alors qu'elle était imprégnée de tradition germanique ; la technique de prédilection n'est plus la gravure sur bois, mais plutôt l'aquarelle (pratiquée par Kandinsky, Marc, Macke et Klee), qui, au lieu de ramasser les effets, les allège. D'autre part, tout en favorisant le passage de la réalité à l'Abstraction, la référence à la musique (la couleur était fréquemment assimilée au son) situe également le Blaue Reiter dans le climat spirituel issu du Symbolisme, dont il sut apaiser la nostalgie de l'expression de l'invisible, grâce en partie aux innovations purement techniques des écoles contemporaines, du Néo-Impressionnisme au Cubisme.

Blechen (Karl)

Peintre allemand (Cottbus  1798  – Berlin  1840).

En 1822, il abandonna une carrière bancaire pour faire ses études de paysagiste, qu'il poursuivit à l'Académie de Berlin (1822-1824). Au cours d'un voyage à Dresde en 1823, il rencontra Dahl et sans doute Friedrich, et fut influencé par leur conception du paysage. Influencé par K. F. Schinkel (1824, Munich, Westfälisches Landesmuseum), il travailla ensuite comme décorateur pour le Königstädtisches Theater de Berlin (1824-1827). Peu à peu, il élabore une vision personnelle de la nature aussi éloignée de celle des védutistes que de celle des Nazaréens : plaines roussies, collines désolées surmontées de ciels opaques sont les éléments de paysages changeants (Ravin, 1828, Hanovre, Niedersächsisches Landesmuseum), habités d'une " indicible terreur ". Son art, très marqué par un séjour en Italie (1828-29), s'enrichit de nouveaux motifs, tandis que son coloris s'intensifie et charge ses visions d'une intensité dramatique (le Gibet sous l'orage, 1835, Dresde, Staatliche Kunstsammlung). Ses nombreuses études à l'aquarelle, où il développe un chromatisme vibrant, influencent sa peinture. Il fut nommé professeur de la classe de paysage de l'Académie de Berlin (1831-1835), mais fut atteint en 1836 d'une maladie mentale. Cet artiste, qui fut de son vivant méconnu, apparaît aujourd'hui comme le premier représentant en Allemagne d'un certain style de paysage à la fois subjectif et réaliste (Vue sur des toits et des jardins, 1835, musées de Berlin), dont Adolf von Menzel qui réalisa quelques œuvres dont la touche très libre annonce l'Impressionnisme, à Berlin, fut le continuateur le plus notoire.

   Karl Blechen est représenté dans de nombreux musées allemands, et notamment dans les musées de Berlin (Parc de la villa d'Este), la Gg de Dresde (Église gothique en ruine, 1826), la Kunsthalle de Hambourg, le W. R. M. de Cologne, la Staatsgal. de Stuttgart (Dans le parc de Terni, 1828-29), ainsi qu'à Winterthur.

Bles (Herri Met de)

Peintre flamand d'origine mosane (Bouvignes, près de Dinant, v.  1510  – ?  1555).

Van Mander le mentionne en précisant que son nom est un sobriquet : " Herri à la houppe ". Serait-il Henri de Patinir, reçu franc maître en 1535, neveu de Joachim ? On ne connaît de Bles aucune œuvre signée ou attestée par une pièce d'archives. Peintre de paysages animés de scènes diverses, il est proche de la conception de Patinir, ce que montrent des œuvres comme la Sainte Famille (musée de Bâle), le Paysage avec les travaux de la mine de cuivre (Offices), Moïse et le buisson ardent (Naples, Capodimonte). Mais, à la différence de Patinir, Bles anime volontiers l'espace démesuré de ses compositions en y insérant des scènes d'histoire aux personnages multiples, qui introduisent dans l'harmonie générale, bleu-vert-brun héritée de Patinir, des notes colorées très vibrantes. Si l'on n'est pas sûr qu'il ait réellement terminé ses jours à la cour des ducs d'Este à Ferrare, on sait qu'il a séjourné en Italie, où il est connu sous le nom de Henri de Dinant ou sous le surnom de Civetta (" chouette ") en raison de la chouette que, d'après Van Mander, il introduisait dans ses compositions ; celle-ci figure à côté de son autoportrait gravé en 1600 par Ph. Galle. Cet emblème, d'ailleurs choisi par d'autres artistes, se retrouve dans un groupe de tableaux voisins, tels le Paysage avec le bon Samaritain (1577 ?, Namur, Musée archéologique), le Paysage avec les travaux de la mine (musée de Budapest), le Paysage avec la fuite en Égypte (Copenhague, S. M. f. K.), la Prédication de saint Jean-Baptiste (Dresde, Gg, et Vienne, K. M.). On y remarque les caractères qui lui sont propres : touches peu liées, palette chaleureuse, compositions aux multiples détails où le fantastique le dispute à un réalisme certain qui annonce la tradition des paysages flamands de la seconde moitié du XVIe s.

Blocklandt (Anthonie Van Montfoort, dit)

Peintre néerlandais (Montfoort 1533/34  – Utrecht 1583).

Élève de son oncle Hendrick Van Montfoort à Delft et de Frans Floris à Anvers v. 1550-52, il revint en 1552 en Hollande, puis alla en 1572 en Italie, en passant très probablement par Paris. Revenu la même année aux Pays-Bas, il se fixa à Utrecht, où on le trouve inscrit à la gilde de Saint-Luc en 1577 ; il fut le maître de Cornelis Ketel et de Michiel Jansz Mierevelt. On conserve de lui quelques rares tableaux religieux ayant échappé aux troubles iconoclastes du XVIe s., tels le Triptyque de l'Assomption, peint en 1579 pour Sainte-Marie d'Utrecht, actuellement conservé dans l'église de Bingen sur le Rhin, Joseph devant le Pharaon (1583, musée d'Utrecht), Jacob recevant la tunique de Joseph (musée diocésain de Kreising), l'Adoration des bergers (Budapest, musée)le Martyre de saint Jacques (musée de Gouda), et un volet à double face comportant à l'extérieur Saint Philippe sur un fond de paysage, ce qui est assez rare dans l'œuvre du peintre, et, sur le côté intérieur, le Baptême du Christ (musée de Lille). Blocklandt reste très proche des romanistes flamands tournés vers une sorte d'académisme issu de l'atelier de Floris, tels Marten de Vos et Frans I. Pourbus, mais son voyage en Italie et sa connaissance de Vasari, de Salviati, de Polidoro da Caravaggio, des Zuccari et surtout de Parmesan ont joué un rôle décisif ; c'est à ce dernier qu'il a emprunté son goût pour l'élongation et la flexibilité des silhouettes sinon pour un raffinement chromatique largement contrebalancé par le souci de rhétorique ; introduisant largement à Utrecht le maniérisme toscan et émilien, il a influencé ainsi toute la génération de maniéristes néerlandais de la fin du XVIe s., celle de Bloemaert, de Mierevelt et de Wtewael. La gravure a joué pour lui, comme pour Floris, un rôle très actif de diffusion qui a beaucoup contribué à accroître son importance. Philipp Galle, entre autres, fut l'un de ses principaux graveurs.