Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

Parentino (Bernardo)
ou Bernardino Parentino
ou Bernardo da Parenzo
ou Bernardino da Parenzo

Peintre italien (documenté à Mantoue et à Padoue dans la seconde moitié du XVe siècle).

Originaire de Parenzo en Istrie, il se relie au courant pictural padouan, qui, né dans l'atelier de Squarcione, subit très fortement l'ascendant de Mantegna ; il a sans doute connu à Ferrare ou à Bologne l'œuvre d'Ercole de' Roberti, et certainement le milieu vénitien. Il fit carrière à Padoue après avoir travaillé à Mantoue au service de Francesco II Gonzaga et termina sa vie à Vicence. Son art, curieux, témoigne d'un style chargé, tout en plis et en gaufrements compliqués. Par son graphisme très affirmé, son goût anecdotique (Musiciens, Berlin), il n'est pas sans présenter des affinités expressives avec les peintres des Pays-Bas, comme dans la Tentation de saint Antoine (Rome, Gal. Doria Pamphili). Qu'il suive directement ou non l'exemple de Mantegna (Adoration des mages, Louvre), on retrouve dans ses œuvres, tel le Christ rédempteur entre saint Augustin et saint Jérôme (Modène, Gal. Estense), dans ses fresques fragmentaires du cloître de S. Giustina à Padoue (Vie de saint Benoît, 1489-1494), l'intérêt pour les formes anguleuses, présent chez tous les disciples de Squarcione ; mais une tendance à miniaturiser, la volonté narrative, un singulier mélange de réalisme et de symbolisme, atténuent la puissance des images dérivées de Mantegna. La subtilité de l'exécution et parfois un sentiment du fantastique fort original (Scène de miracle, Venise, coll. Cini) lui assurent cependant une place privilégiée dans l'univers poétique issu du " squarcionisme ".

Paret y Alcázar (Luis)

Peintre espagnol (Madrid 1746  – id. 1799).

Né d'un père dauphinois et d'une mère espagnole, ayant appris les " rudiments du dessin " auprès du joaillier français Duclos, vivant à Madrid, il se forma auprès d'Antonio González Velázquez à l'Académie San Fernando. Grâce à la protection de l'Infant don Luis de Bourbon, il séjourna trois ans en Italie. Rentré à Madrid en 1766, il obtint plusieurs prix de l'Académie et étudia avec le peintre français Charles de La Traverse, disciple de Boucher. Bien que non documenté, un voyage à Paris est possible.

   Sa carrière débuta sous les meilleurs auspices : des scènes de vie madrilène comme le Bal masqué (1766, Prado), influencé par l'Italie, ou le Magasin d'antiquités (1772, musée Lázaro Galdiano, Madrid), qui peut évoquer l'Enseigne de Gersaint de Watteau, révèlent la spontanéité de sa touche et la subtilité des tonalités, propres à donner une qualité d'atmosphère. Travaillant pour la Cour dès 1770 (le Repas de Charles III, Carrousel royal, 1770, Madrid, Prado), il se compromet pour l'infant don Luis et doit s'exiler à Puerto Rico (1775-1778) puis à Bilbao, où il se marie (1780). De cette époque datent le ravissant portrait de son épouse, Maria de las Nieves Micaela Fourdinies (Prado), habillée à la mode française et jouant de la serinette, et plusieurs peintures religieuses. Il envoie à l'Académie de Madrid son morceau de réception, la Prudence de Diogène (1780, Madrid, Acad. San Fernando). La mort de don Luis, qui le protégeait toujours, et la réalisation d'une série de vues des ports cantabriques dans l'esprit de Vernet, commandée par le prince des Asturies et officialisée par Charles III en 1786 (Vue de Fontarabie, musée de Caen ; Vue de l'Arsenal de Bilbao, 1784, Londres N.G.), lui permettent de regagner Madrid en 1787 après avoir décoré (toiles et fresque) la chapelle Saint-Jean-Baptiste de l'église paroissiale de Viana (Navarre). Vice-secrétaire de l'Académie, il reprend la chronique de la vie madrilène avec une œuvre d'envergure, le Serment de la Cour au prince des Asturies (1791, Prado), et de nombreuses petites scènes (le Rosaire, Palais royal).

   Ceán Bermúdez, en déplorant sa mort relativement précoce, regrette " le peu de parti qu'on a tiré de son habileté ". Paret est, en effet, dans l'Espagne de son temps, exceptionnel par sa culture (outre le français et l'anglais, il sait le grec et a traduit Lucien) comme par la diversité de ses dons : peintre de mœurs, mais aussi paysagiste, peintre religieux, portraitiste à l'occasion, illustrateur de Cervantès et de Quevedo, il est le témoin sans pareil d'une vie madrilène élégante et populaire, aimable et détendue, une sorte de Saint-Aubin espagnol, beaucoup plus influencé par la France que Goya, mais qui garde une vivacité et un charme très personnels et lui donnent sa place dans la peinture européenne du XVIIIe siècle. Une rétrospective lui a été consacré au musée de Bilbao en 1991.

Paris (Matthew)

Enlumineur anglais (Saint Albans 1217  – id.  1259).

Moine au monastère bénédictin de Saint Albans, il y travailla ainsi qu'à Londres ; il se rendit en Norvège en 1248-49. En 1235, il succéda à Roger de Wendover comme historiographe à Saint Albans. Il est connu comme auteur, scribe et artiste, et les Gesta abbatum font son éloge comme ferronnier, sculpteur et peintre, bien qu'aucun témoignage ne subsiste de ces dernières activités. Paris écrivit les Flores historiarum, une Chronica maior (Cambridge, Corpus Christi College) et une Historia Anglorum (British Museum) ainsi que les Vies des Offas, la Vie de saint Édouard (Cambridge, University Library) et les Vies des saints Alban et Amphilabus (Dublin, Trinity College Library). Ses manuscrits sont illustrés de dessins linéaires, dont certains sont en pleine page et d'autres dans les marges ; ils contiennent également des cartes, des emblèmes héraldiques et des diagrammes, qui témoignent de l'éclectisme de Paris.

Paris (école de)

On désigne sous le nom d'école de Paris l'ensemble des artistes d'origine étrangère qui vinrent, au début du XXe s., chercher dans la capitale des conditions favorables à l'épanouissement de leur talent et, en premier lieu, une rare liberté de l'expression, fruit de contacts incessants et d'une émulation féconde.

   Le rôle des impressionnistes est ici capital, non seulement pour la valeur stimulatrice de leur art hors des frontières françaises, mais surtout parce que Paris et ses environs sont les points privilégiés de leur inspiration commune. En 1886, Van Gogh découvrait à Paris les voies d'une conquête irréversible, et ce précédent illustre contient déjà l'ambiguïté qui est le caractère par excellence des maîtres de l'école de Paris : si la ville a permis à ces artistes de déchiffrer leur propre cœur et de donner forme à leur nostalgie créatrice, ceux-ci n'ont jamais pu (jusqu'à une date récente tout au moins) renier leurs origines.

   Depuis le début du XXe s., il y eut 3 grands mouvements, d'abord en direction des acropoles périphériques de la butte Montmartre et du Haut-Vaugirard dominant Montparnasse. Le premier porta les noms les plus célèbres. Ces peintres, d'ascendance israélite pour la plupart, venus d'Europe centrale et orientale surtout, fuyaient des conditions sociales cruelles et plus encore peut-être un milieu culturel ancestral hostile aux images. Le Polonais Eugène Zak fait un premier séjour à Paris en 1900-1901, puis s'y installe en 1904. Les arrivées se succèdent dès lors rapidement. Déjà précédé de sa réputation de dessinateur, Julius Pascin vient de Munich la nuit de Noël 1905, puis arrivent en 1906 le Livournais Amedeo Modigliani, en 1908 Léopold Gottlieb, en 1910 Marc Chagall et Moïse Kisling, venant l'un de Saint-Pétersbourg, l'autre de Cracovie. Pinchus Krémègne et Michel Kikoïne, élèves des Beaux-Arts de Vilna, arrivent en 1912, et leur condisciple Chaïm Soutine, l'année suivante. C'est en 1913 encore que vint à Paris le Japonais Foujita. Sauf Pascin, ces artistes sont fort démunis matériellement et se fixent surtout à Montparnasse, où ils élisent domicile dans les ateliers de la Ruche, tandis que Montmartre, dont l'occupation est légèrement antérieure, reste surtout le fief des cubistes, de la " bande à Picasso ", résidant au Bateau-Lavoir en 1904. Mais les rapports des nouveaux arrivés avec les cubistes influencèrent pourtant, plus ou moins, la formation de leurs styles respectifs, où la sensibilité à la couleur et l'imagination l'emportent en général sur le schéma intellectuel.

   Si l'art de Soutine fut parfaitement étranger au Cubisme, en revanche Modigliani et Chagall, puis, à un degré moindre, Pascin, Kisling et Zak en retinrent quelque temps la discipline ordonnatrice des formes. Seul Gottlieb conserva une acuité graphique qui évoque l'Expressionnisme autrichien (Kokoschka, Schiele). Mais, bien qu'ils soient plongés dans un milieu où l'objectivité traditionnelle est mise délibérément en doute, tous respectent la vraisemblance des images.

   La Première Guerre mondiale dispersera ce premier groupe. Restèrent en France Modigliani, Soutine, Krémègne, Kisling, Kikoïne, qui connurent alors leurs plus dures années. Le renouvellement de l'école de Paris durant l'entre-deux-guerres, depuis la mort de Modigliani (1920), se fit sous de tout autres auspices. Les conditions matérielles étaient plus favorables pour les peintres : le docteur Barnes, en faisant, à la surprise générale, un achat massif de tableaux de Soutine (1923), montrait la voie à des spéculateurs avisés. De Russie surtout affluaient des peintres juifs chassés par la situation politique difficile. Beaucoup avaient fait étape à Berlin, mais la conjoncture économique de l'Allemagne ne permettait plus à sa capitale de retenir un fort contingent d'artistes. Mané-Katz, à Paris en 1921, Zygmund Menkès et Max Band, arrivés en 1923 (année du retour de Chagall), sont passés par Berlin, ainsi qu'Abraham Mintchine, qui vécut en France les cinq dernières années de sa vie. Beaucoup moins novateurs que leurs aînés, ils sont plus aisément intégrés à la vie artistique, car ils bénéficient du soutien de leurs coreligionnaires, critiques ou directeurs de galerie. Leur art est trop marqué par le Néo-Réalisme assez banal de l'après-guerre, mais il est parfois pénétré d'intentions symboliques, nées du souci de maintenir une culture hébraïque vivante, notamment chez Mané-Katz, Menkès et Max Band. Le premier termina ses jours en Israël, les deux autres ont gagné, devant la menace nazie, les États-Unis, où ils sont demeurés.

   Un autre groupe de peintres originaires de Russie est resté en France. Constantin Terechkovitch est arrivé en 1920, André Lanskoy et Serge Charchoune en 1921, Jean Pougny en 1923, Serge Poliakoff, Philippe Hosiasson et Chapoval, disparu prématurément, en 1924, et Joseph Pressmane en 1926. Cette école russe de Paris fut aussi, comme la première, l'ambassadrice de la couleur. Maurice Blond vint de Lódź en 1924 et se joignit à l'école slave de Paris.

   La plupart de ces peintres ont trouvé dans l'Abstraction un champ d'activité où ils se sont illustrés, de même que des artistes venus à cette époque de Belgique (Lacasse, Vantongerloo), de Hollande (Geer et BramVan Velde), d'Allemagne (Hartung), du Portugal (Vieira da Silva), d'Espagne (Bores).

   Enfin, depuis la Libération, le concept d'école de Paris s'est élargi à l'excès, et les apports les plus divers lui donnent des frontières singulièrement mouvantes, les peintres ne s'établissent pas tous en adoptant la nationalité française, comme l'ont fait Zao Wou-Ki, Vasarely, Nicolas de Staël. " Résidents privilégiés ", la plupart restent en contact avec leur pays d'origine. C'est ou ce fut le cas notamment des Belges Alechinsky, Hecq, des Hollandais Appel, Corneille, Lataster, Bogart, du Danois Jorn, du Grec Prassinos, des Polonais Lebenstein et Maryan, des Yougoslaves Music et Velikovic, du Canadien Riopelle, des Espagnols Ubeda, Clavé, Arroyo et Hernandez, de l'Allemand Klasen.

   Cela s'explique par la rapidité accrue des communications, mais aussi par l'attrait de la clientèle américaine, qui fait des États-Unis l'un des principaux marchés des peintres, même si ces artistes se sont fait connaître à Paris même, où ils travaillent et vivent encore, partiellement du moins. La ville, jadis creuset d'une élaboration intense, est devenue plutôt l'une des plaques tournantes des courants de la peinture dans le monde.