Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
S

Savery (les)

Peintres flamands.

 
Jacob I (Courtrai v.  1565  – Amsterdam 1602/1603). La présence de cet élève de Hans Bol est attestée en 1591 à Amsterdam. On connaît de lui nombre de dessins à la plume, fins et soignés, qui révèlent une grande affinité avec l'œuvre de Pieter Bruegel le Vieux (Londres, V. A. M. ; Paris, Inst. néerlandais ; Berlin, cabinet des Estampes ; Amsterdam, cabinet des Estampes), ainsi que quelques peintures de paysage, d'animaux et de genre, telle la Fille de Jephté (Rijksmuseum). Jacob I est le père de Jacob II (Amsterdam v. 1592 – id. apr. 1627).

 
Roelandt (Courtrai 1576 – Utrecht 1639). Il accompagna son frère aîné, Jacob I, à Amsterdam vers 1591, où il subit sans doute l'influence de Gillis III Van Coninxloo. En 1604, il était à Prague au service de l'empereur Rodolphe II et retrouvait des artistes flamands tels que Aegidius Sadeler, Georg Hoefnagel et Spranger. L'empereur le chargea de parcourir le Tyrol et d'en ramener des dessins, qui furent ensuite gravés par Sadeler et Matham et dont beaucoup subsistent encore (Albertina ; Paris, Inst. néerlandais et Louvre ; Stockholm, Nm ; Berlin, cabinet des Estampes) ; il lui donna aussi l'occasion de dessiner d'après nature les animaux entretenus dans son " jardin zoologique ". Ainsi, l'œuvre de Savery se trouve-t-elle définie : à part une Mise à sac de village (1604, musée de Courtrai), une Marche de cavaliers hongrois (Louvre), un Intérieur d'étable (1615, Rijksmuseum) et quelques tableaux de fleurs, prodigieux de poétique précision (1603, musée d'Utrecht), d'animaux (Rotterdam, B. V. B. ; musée d'Anvers) et de kermesses, elle est consacrée à la peinture de paysages fantastiques inspirés du Tyrol, animés de bêtes et d'oiseaux sauvages ou domestiques (Vienne, K. M. ; Ermitage ; Rijksmuseum ; Munich, Alte Pin. ; musées de Prague, de Bruxelles, de Hambourg, de Hanovre, de Courtrai, de Gand, de Verviers ; Hampton Court) et que soutient parfois le prétexte d'un épisode biblique ou mythologique : Élie nourri par les corbeaux (1634, Rijksmuseum), l'Arche de Noé (Dresde, Gg, et musée de Varsovie), le Paradis terrestre (Berlin-Est, Bode Museum, et Vienne, K. M.), Orphée charmant les animaux (Louvre ; musées d'Anvers et de Göttingen ; Mauritshuis ; Vienne, K. M.). Son style, délicieux, présente à travers les siècles quelque parenté avec celui du douanier Rousseau.

   Après la mort de l'empereur en 1612, Savery passa quelques années à Vienne, à Munich et à Salzbourg, puis revint aux Pays-Bas. En 1618, il était à Amsterdam et à Haarlem, et, l'année suivante, il se fixa enfin à Utrecht, où il mourut fou en 1639. Il eut comme élèves Willem Van Nieulandt, Gillis Hondecoeter et A.Van Everdingen.

Savinio (Alberto) , pseudonyme d'Andrea De Chirico

Peintre et écrivain italien (Athènes 1891  – Rome 1952).

Il fut musicien et homme de lettres avant d'être peintre, et se forma, comme son frère Giorgio, à Athènes et à Munich. À Paris en 1914, il rencontre Picasso, Breton, Apollinaire, Cendrars et Cocteau, et collabore aux Soirées de Paris, puis, après la guerre, à la Revue surréaliste. Dans le recueil de poèmes le Chant de la mi-mort, il aborde le premier le thème du " mannequin ", motif clé de la peinture métaphysique, dont il fut l'un des fondateurs. Son roman, Hermaphrodite, paraît à Florence en 1918. Théoricien d'art, Savinio écrit dans les revues La Voce, La Ronda et Valori plastici, dans laquelle est publié un célèbre essai sur l'esthétique de la Peinture métaphysique. Il commence à peindre à Paris en 1927. Parti de l'expérience métaphysique et de principes très proches de ceux de De Chirico, il se tourne rapidement vers le Surréalisme. Étroitement lié à André Breton, il est en Italie le principal propagateur des idées du mouvement surréaliste et apparaît comme son interprète le plus significatif. Dans sa peinture, les thèmes freudiens se mêlent continuellement à des références littéraires ou mythologiques dans un climat onirique où alternent l'ironie et l'intellectualisme. Elle est issue de la démystification ironique de tout un répertoire archéologique : le Sommeil de la déesse (1930) ; l'Annonciation (1932, Milan, G. A. M.) ; Auto-portrait en hibou (1946, Turin, G. A. M.). Deux rétrospectives de l'œuvre de Savinio ont été organisées, en 1952 et en 1967, à Rome (G. A. M.), ainsi qu'à la Biennale de Venise de 1954. Ses tableaux sont conservés dans les G. A. M. de Rome, de Turin, de Milan.

Savoldo (Giovan Gerolamo)

Peintre italien (Brescia v.  1480/1485  – Venise apr.  1548).

Bien qu'ayant vécu hors de sa ville natale, Savoldo, dont la poésie subtile, quoique réaliste, n'a rien de provincial, montre un attachement évident à ses origines, au même titre que Romanino ou Moretto, ses illustres compatriotes. Longtemps compris dans l'école vénitienne, souvent confondu avec Girolamo da Treviso, abusivement classé parmi les " giorgionesques académiques " (Repos pendant la fuite en Égypte, Dubrovnik, Pinacothèque ; le Berger à la flûte, Brescia, pinacoteca Tosio Martinengo), il doit, bien au contraire, être considéré à la lumière de ses liens profonds avec la Lombardie. Il fut probablement formé par Foppa et dut certainement réagir à la présence toute proche de Léonard de Vinci à Milan. Parmi les rares points de repère sûrs, son inscription parmi les peintres florentins en 1508 est particulièrement importante pour la compréhension des premières œuvres empreintes de " toscanismes " . Savoldo semble aussi, comme en témoignent son Prophète Élie de Washington (N. G.) et ses Tentations de saint Antoine de la Timken Art Gal. de San Diego et du musée Pouchkine de Moscou, avoir bien connu la peinture nordique. Il a probablement subi l'influence de Dürer, soit directement, soit par l'estampe, et il est également sensible au langage lombardo-vénitien de Lotto.

   Mis à part un probable séjour à la cour de Francesco II Sforza dans les années 1529-1535, c'est à Venise qu'il séjourna le plus souvent, peut-être en raison de l'insécurité politique et sociale de sa patrie ; il y resta au moins entre 1520 et 1548. À aucun moment, son art ne paraît aliéné par la lagune. Sa première œuvre datée est la Vierge à l'Enfant parmi six saints (1521, Trévise, église S. Niccolò). L'artiste se détache peu à peu du monde formel et poétique qu'il exprimait avec un impressionnisme délicat digne de Foppa dans l'Archange et Tobie (Rome, Gal. Borghèse) pour adopter des modèles titianesques, par exemple dans l'Adoration des bergers de Turin (Gal. Sabauda), tout en recherchant sur un mode très personnel les effets de draperie sous une lumière claire : Madeleine (Londres, N. G. ; Florence, Pitti.). Si des affinités avec Giorgione existent dans le sentiment intime de l'homme et de la nature : Portrait, dit " Gaston de Foix " (Louvre), Jeune Paysan (Los Angeles, The Paul Getty Museum), c'est de Lotto que Savoldo se rapproche plutôt par son tempérament imaginatif. Il est, comme celui-ci, un admirable portraitiste (Portrait de dame en sainte Marguerite, Rome, Gal. Capitoline ; Portrait de jeune guerrier, Washington, N. G. ; Portrait d'homme, Brera). Mais il s'engage très tôt sur une voie fort originale de recherches luministes, utilisant, pour ses effets argentés soigneusement étudiés, une palette sobre, aux tons froids, qui n'a plus rien de commun avec les Vénitiens. Par bien des aspects, Savoldo anticipe sur son siècle, qu'il s'agisse du grand retable, la Vierge en gloire avec des saints (Brera), par certains côtés plus proche d'un Néerlandais du siècle suivant que de Bellini, ou des œuvres de dimensions plus modestes, où il multiplie les éclairages nocturnes, les découpages inattendus, les apparitions étranges de têtes paysannes : ses multiples Adorations des bergers (1523, Hampton Court ; Washington, N. G. ; Brescia, Pin. Tosio Martinengo) trouveront un prolongement direct chez Caravage et ses disciples du Nord. Une exposition lui a été consacrée en 1990 (Brescia, Francfort).