Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

Manguin (Henri)

Peintre français (Paris 1874  – Saint-Tropez 1949).

Il entre à l'École des beaux-arts en 1894 où il fréquente l'atelier de Gustave Moreau et se lie d'amitié avec Matisse, Puy, Rouault et surtout Marquet. Il débute au Salon de la Société nationale des beaux-arts en 1900, expose à partir de 1902 au Salon des indépendants, puis est admis au Salon d'automne, où il figure, en 1905, dans la fameuse " cage aux fauves ". Coloriste aux tons acides, il prend rarement, à l'égard de la réalité sensible, les mêmes libertés que ses amis (14 – Juillet à Saint-Tropez, 1905) ; s'il transpose, c'est modérément, sans perdre de vue la vérité objective qu'il ressent directement. Calme et équilibré, son art exalte imperturbablement la joie de vivre (paysages, scènes familières, natures mortes, nus). Il travaille principalement à Paris et, dès 1905, à Saint-Tropez et en Provence, tout en voyageant beaucoup tant en France qu'à l'étranger (Italie, Suisse, Allemagne). On lui doit aussi quelques portraits : Maurice Ravel (1902, Paris, M. N. A. M.), Jean Puy (1905, New York, M. O. M. A.). En 1909, il fait la connaissance de Vallotton et de Charles Montag, qui l'introduisent auprès de grands amateurs suisses, notamment les Hahnloser. Il est représenté au musée des Beaux-Arts de Neuchâtel (la Coiffure, 1904), à l'Ermitage (Saint-Tropez 1905 ; l'Allée à Saint-Tropez), au Petit Palais de Genève, fondation Ghez (Nature morte aux huîtres, 1908), à la fondation Pierre Gianadda de Martigny (la Femme à la grappe, villa Demière, 1905) et à Saint-Tropez (musée de l'Annonciade). Outre le portrait de Ravel, le M. N. A. M. de Paris conserve de lui un Paysage de Saint-Tropez (1907). Manguin est également l'auteur de lumineuses aquarelles.

manière anglaise

En gravure, ce nom est donné au mezzotinte et parfois au vernis mou.

manière noire

En gravure, nom donné au mezzotinte et parfois à la lithographie exécutée au grattoir.

maniérisme

Le terme apparaît pour la première fois chez l'historien Luigi Lanzi (1792) pour désigner le style qui règne dans la peinture italienne pendant la période s'étendant du sac de Rome (1527) à l'avènement des Carrache. L'adjectif " maniériste " est plus ancien et se rencontre d'abord chez un Français, Fréart de Chambray (1662). L'emploi de ces deux termes est, chez ces auteurs, lié à une interprétation entièrement négative du style de cette époque. Une réhabilitation progressive s'amorce au XIXe s. grâce aux théoriciens qui s'efforcent de clarifier la signification et la portée du concept " maniérisme " et grâce, surtout, aux études critiques dédiées aux artistes qualifiés de " maniéristes ".

Études et théories

Au XVIe s., les termes " maniériste " et " maniérisme " n'existent pas. En revanche, le terme " maniera " apparaît dans le traité de Cennini (v. 1390) et chez Vasari (Le Vite), qui l'emploie pour parler du style d'un artiste (" maniera " de Giotto) et désigne par " bella maniera " les qualités de grâce, d'harmonie, d'imagination, de fantaisie et de virtuosité qui, selon lui, constituent l'apanage de la " maniera moderna ", c'est-à-dire du style des artistes de son temps, qu'il juge supérieurs à tous les autres.

   Puis les réticences des historiens envers les imitateurs de Raphaël et de Michel-Ange, initiateurs de cette nouvelle mode artistique, se firent jour : elles furent exprimées avec une grande force par Pietro Bellori (1672), qui s'éleva contre ceux qui, en abandonnant l'étude de la nature, ont vicié l'art par la pratique de l'imitation. Cette idée est reprise, en particulier, par le Bolonais Malvasia (1678) et le Florentin Baldinucci (1681). Lorsque Lanzi écrit (1792), il ne fait que s'inspirer de ces interprétations négatives : il emploie, en effet, le terme " maniérisme " pour désigner un art qu'il définit comme une altération du vrai, sans aucune originalité propre, puisqu'il est fondé sur l'imitation et la répétition. Cette position devait être celle des historiens jusqu'au XIXe s.

   Cependant, à la suite des travaux de Gurlitt (1884), qui décrit une Renaissance tardive avec Michel-Ange, et de ceux de Riegl (1908), qui insiste sur le caractère original de l'art décoratif créé par des maniéristes, Dvořák (1918) affirme, le premier, l'autonomie d'un style maniériste, caractérisé par son subjectivisme et son expressionnisme, sa tendance au dramatique, sa fantaisie et son animation ; grâce à lui, l'idée de son originalité et celle de son importance sont devenues évidentes : Lili Fröhlich-Bum (1921) décrivit la recherche de l'art pour l'art issue du Parmesan comme différente de la tendance au Baroque issue de Michel-Ange, et son rayonnement international dans toutes les branches de l'activité artistique.

   On s'est alors efforcé de situer le Maniérisme par rapport à la Contre-Réforme (Pevsner, 1921-1928), au Baroque (Weisbach, 1919-1934) ou, encore, au Classicisme. W. Friedlaender, en 1915, montra que le Maniérisme était le style anticlassique par excellence, dont il voyait l'origine autour de Pontormo, Rosso et Parmesan, en révolte contre l'idéal d'harmonie de la Renaissance. Il définit ainsi un premier Maniérisme, dont les prémices peuvent, d'ailleurs, être trouvées dans les œuvres tardives de Michel-Ange. Plus tard (1930), il s'attachera à définir, à la suite de ce premier Maniérisme et après une phase d'imitation, une réaction antimaniériste proche de la Renaissance et dont la conception esthétique et les thèmes préludent, par exemple avec Barocci, à l'art du XVIIe s. Il avait ainsi fragmenté le Maniérisme en plusieurs phases, idée qui sera reprise par F. Antal (1927), S. J. Freedberg (1961) et G. Briganti (1961). Antal distinguait une phase " classique " à l'intérieur même du Maniérisme ; Freedberg décrivait un premier et un second Maniérisme, qu'il différenciait de la " haute Renaissance ", où il en retrouvait cependant les fondements. Briganti, en reprenant l'idée de Longhi sur l'origine de ce phénomène artistique, compta, de même, trois générations de la " maniera ". C'est sur ce concept même de la " maniera " que se concentrent certaines des recherches les plus récentes : Shearman (congrès de New York, 1961-62), en approfondissant le sens historique du terme " maniera ", définit son idéal artistique de perfection formelle et de virtuosité et le distingue nettement du Maniérisme.

   Smyth a aussi éclairé la signification du terme " maniera ". Il a défini les éléments qui composent une figure " maniériste " en soulignant que, parmi d'autres influences (Michel-Ange, Néo-Gothique, art allemand), elle est liée au relief antique. Ces essais d'interprétation ont été facilités par la recherche systématique des historiens sur les artistes travaillant entre 1527 et 1600. Ils ont, au début surtout, porté sur l'art italien, et l'Histoire de la peinture italienne d'Adolfo Venturi, les études de H. Voss, de R. Longhi, de G. Briganti (1940), de L. Becherucci (1944), de P. Barocchi (1951), pour n'en rappeler que quelques-unes, ont révélé nombre d'œuvres mal connues ou parfois même complètement ignorées. Puis on a étendu la portée de ces conquêtes à tout l'art européen (école de Fontainebleau, école des anciens Pays-Bas).

   Parallèlement aux recherches sur les caractères formels du Maniérisme, l'attention s'est portée sur ses causes : à côté d'explications d'ordre sociologique (Antal, 1948 ; Hauser, 1954 ; F. Würtemberger, 1962), qui d'ailleurs s'opposent aux théories qui voient dans le Maniérisme une tendance permanente de l'esprit humain, donc relativement indépendante des contextes sociaux (E. R. Curtius, 1947 ; G. R. Hocke, 1957), on a proposé des explications d'ordre stylistique (influence du Gothique, de Dürer, de Donatello, de l'antique) ou, encore, littéraires et philosophiques (rôle des académies, des mécènes, des cours, de l'Église et des ordres religieux).

   Au XXe s., les résultats de ces travaux ont été rendu accessibles à un large public grâce à une série de grandes expositions (Naples, 1952 ; Amsterdam, 1955 ; Manchester, 1964 ; Paris, 1965-66). Le terme " maniérisme ", devenu à la mode, fut utilisé d'une façon excessive, au point de désigner tout le mouvement pictural du XVIe s. après la mort de Raphaël (1520) jusqu'au début du Classicisme ou du Baroque.

   La tendance actuelle est de considérer à part le courant de la " maniera " (Rosso, Parmesan, Perino del Vaga) avec son idéal formel recherché, en relation avec l'art des créateurs de la Renaissance, Léonard, Raphaël et Michel-Ange. Il précède une Renaissance tardive dont le style est apparenté, par son vocabulaire, à la Renaissance et à la " maniera ", mais est souvent bien différent dans ses intentions et ses formes (Vasari et son école), où apparaît une tendance à la répétition stéréotypée qui aboutit, à la fin du siècle, à l'art sclérosé des maniéristes romains (autour du Cavalier d'Arpin, par exemple), contre lequel la réaction classique ou baroque fut nécessaire. Le style " maniériste " est donc bien loin d'être uniforme, et sa diversité est frappante (Maniérismes lombard, émilien, romain, génois, napolitain), comme son extension, car il envahit pratiquement toute l'Europe. Aussi certains historiens préférent-ils, aujourd'hui, pour étudier cette période — qu'ils situent, selon le titre même de l'exposition de Manchester de 1964, " between Renaissance and Barock " —, ne plus parler de " Triomphe du Maniérisme " (titre de l'exposition d'Amsterdam en 1955), mais bien de " Maniérismes ", dont les types sont aussi divers que les régions ou les pays où ils se sont exprimés.