Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
R

Renoir (Auguste) (suite)

Cagnes-sur-Mer

Il est à noter qu'une certaine évolution se remarque dans son œuvre après son installation définitive à Cagnes-sur-Mer, en 1903, où il se fait construire une maison sur le terrain des Collettes. Les figures qu'il peint dans ce jardin sauvage planté d'oliviers prennent une allure sculpturale, tandis que le rouge devient sa couleur prédominante, d'autant plus exacerbé que le peintre en prévoit le vieillissement. C'est également la couleur principale de ses nombreuses natures mortes, généralement de petites dimensions : les Fraises (musée de Bordeaux), Nature morte aux pommes (musée de Nice), Roses dans un vase (Paris, musée d'Orsay). Une particularité de cette époque est l'habitude prise par le peintre d'exécuter sur une même toile, à titre d'exercice, de nombreux sujets indépendants les uns des autres et de très petite taille. Les minuscules études que l'on trouve sur le marché proviennent souvent de toiles qui ont été découpées par la suite. Tandis qu'on doit glisser des pinceaux entre les doigts recroquevillés par la paralysie, le génie créateur de Renoir continue de se manifester. Poussé par Ambroise Vollard, qui lui conseille de s'essayer à la lithographie et à l'eau-forte, et dont il fait le portrait à de nombreuses reprises, Renoir s'oriente également vers la sculpture, demandant à ses aides, Guino et Morel, de modeler la terre sous ses indications. Une quinzaine de pièces ont été fondues, parmi lesquelles on remarque la Vénus Victrix (Cagnes, maison des Collettes) et le Jugement de Pâris (plâtre au musée d'Orsay, Paris). Dans la production particulièrement intense et abondante de la période de Cagnes, où dominent les petits tableaux, se détachent les Baigneuses (v. 1918, id.), l'une des dernières grandes compositions avant sa mort.

   L'œuvre de Renoir, plus rapidement que celle de ses amis impressionnistes, fut assez tôt achetée par divers amateurs. Elle s'est ainsi trouvée dispersée dans le monde entier et dans de nombreuses coll. part. Les ensembles les plus importants se trouvent au musée d'Orsay, au Metropolitan Museum, à la N. G. de Washington, à la Barnes Foundation de Merion, au Clark Art Inst. de Williamstown (États-Unis) et également à l'Ermitage. Une rétrospective a été consacrée à l'artiste (Londres, Paris, Boston) en 1985-1986.

rénovateur

Préparation à faible action décapante, utilisée pour le ravivage des vieux films de peintures, de vernis et de préparations analogues.

Renqvist (Torsten)

Peintre et graveur suédois (Ludvika 1924-Nacka 2007).

Il étudia à Copenhague sous la direction d'Aksel Jørgensen ainsi qu'à l'École supérieure des arts de Stockholm, où il commença sa carrière en 1950. Au cours d'un séjour en Angleterre (1951-52), il rencontra P. Nash, G. Sutherland et H. Moore. Ses premières peintures s'inspirent d'objets usuels, vus dans une perspective rapprochée et abrupte, avec des formes agressivement marquées et des couleurs arbitraires, d'une facture brutale et empâtée dans les contrastes : (la Maison chlorophyllée, 1952 ; la Chaussette tricotée). Au cours de ces années, il pratique aussi la gravure et donne, en 1952, une suite de gravures sur bois : Bêtes, paraphrase joyeuse et réaliste des bois gravés animaliers de Thomas Bewick. À partir de 1955, les éléments de la nature, tels que l'eau, les nuages, la terre, deviennent ses motifs de prédilection, qu'il interprète en un jeu de formes organiques et inorganiques (la Pluie, 1955, Stockholm, Nm ; l'Archipel de l'Odyssée, 1955), ou bien, souvent, il peint des vues rapprochées, macrocosmiques, de l'anatomie des phénomènes naturels (suite de gravures : Fragments de la Terre, 1960) ; il traduit aussi les reflets glissants et miroitants du torrent (Autel de fleuve, triptyque, 1962, Stockholm, Moderna Museet ; version gravée en 1960). Renqvist est l'un des meilleurs graveurs suédois contemporains. Il met au service d'une fantaisie visionnaire une technique libre et inventive : Émeute, suite inspirée par la crise hongroise de 1956 ; Globe, 1959, suggestive description de la création du monde. Professeur à l'académie de peinture Valand, à Göteborg, de 1955 à 1958, il a exercé une forte influence sur de nombreux artistes. Il est une figure de proue du vigoureux mouvement suédois néo-expressionniste des années 1950. Plus tard, Renqvist a déclaré qu'il trouvait intéressante la volonté de clarté formelle des concrétistes, sans toutefois s'intéresser à la dynamique de l'espace mais plutôt à la recherche d'une plus grande intimité.

   Ses dernières toiles datent des années 1960, et il est resté longtemps absent des expositions. À la fin de ces années, il revient comme sculpteur et déclare qu'il ne veut plus peindre. Il fait d'abord de petites sculptures en métal puis il aborde des formats plus grands et choisit le bois (Femme avec des jumeaux, 1968, Stockholm, Moderna Museet).

repeint

Ce terme désigne la restauration locale pratiquée pour remplacer ou marquer une partie altérée de la peinture originale ou encore pour modifier les détails d'une composition qui n'est plus au goût du jour. (Voir LABORATOIRE DE MUSÉE et RESTAURATION.)

repentir

Changement de composition au cours de l'exécution picturale. Les repentirs ne doivent pas être confondus avec les repeints, dus à une main différente de celle du peintre.

Repine (Ilia Iefimovitch)

Peintre russe (Tchougouïev 1844  – Kuokkala, auj. Répino, Finlande, 1930).

Issu d'une famille de colons ukrainiens, le plus doué et le plus célèbre du groupe des Peredvijniki est initié au dessin par un peintre d'icônes de la région de Kharkov. Arrivé à Saint-Pétersbourg en 1863, il fréquente l'école de dessin de la Société d'encouragement des beaux-arts, où il a pour professeur Kramskoï, l'inspirateur de la rébellion des élèves contre l'Académie des beaux-arts en 1863 et l'un des fondateurs des Peredvijniki. L'année suivante, il est admis à l'Académie, d'où il sort en 1871, doté d'une bourse pour la France. Il ne part qu'en 1873 pour Paris, où il travaille jusqu'en 1876 (Café parisien, 1875), entrecoupant son séjour de voyages en Italie. Il est à Paris en 1874 lors de la première Exposition impressionniste, qu'il juge intéressante du point de vue technique, mais parfaitement vide de sens. C'est pourquoi le sujet de son morceau de réception à l'Académie, exécuté pendant son séjour à l'étranger, a pour thème un vieux conte russe, Sadko, que le peintre charge de symboles. De retour en Russie, Repine s'installe à Moscou, où le mode de vie est plus conforme à ses goûts et plus propice à l'élaboration d'une peinture authentiquement russe. C'est là que, à partir de 1878, en compagnie de Polenov, de Sourikov et de Vasnetsov, il se joint au cercle de Savva Mamontov, tout en restant en rapports étroits avec Kramskoï et les Peredvijniki, avec lesquels il expose régulièrement. De 1878 à 1917, il participe à presque toutes les manifestations de la Société des expositions artistiques ambulantes, dont il est membre. Il se réinstalle à Saint-Pétersbourg en 1882, voyage (Hollande, Espagne, 1883), expose, fréquente peintres, musiciens, écrivains, princes, et connaît le succès. Lié avec le groupe de Mir Iskousstva à ses débuts, il participe aux premières expositions organisées par Diaghilev et fait partie du comité de rédaction de la revue fondée en 1898. Mais, malgré une admiration réciproque, la rupture intervient rapidement entre le partisan du réalisme didactique et le jeune groupe, que Repine accuse de dilettantisme. Le peintre se trouve alors à un moment crucial de sa carrière. Désireux d'instruire le peuple, il traite avec une minutie consciencieuse le moindre détail de ses tableaux de genre ou de ses scènes historiques, mais le souffle épique lui fait défaut, son inconstance à l'égard du sujet qu'il traite lui fait remplir des carnets de croquis qui restent à l'état d'esquisses (Au piano, 1905, Moscou, gal. Tretiakov, crayon et fusain), et bien des tableaux conçus à cette époque ne seront jamais terminés ou même entrepris malgré les conseils qu'il requiert auprès de Tolstoï, qui voit en lui l'exécuteur pictural de ses idées (la Manifestation du 17 octobre 1905, 1906, Moscou, Musée central de la Révolution). Cependant, directeur d'atelier à l'École supérieure près l'Académie des beaux-arts depuis 1894, Repine connaît un grand succès : son enseignement est recherché, car il laisse la plus grande liberté au développement individuel. Mais, dégoûté par la routine académique, contre laquelle il ne peut rien en dépit des promesses de réformes, il abandonne l'enseignement officiel en 1907 et se retire à Kuokkala, dans sa propriété " les Pénates ", où il vit la plupart du temps à partir de 1905. Sa dernière apparition publique à Saint-Pétersbourg a lieu en 1917, lors de la célébration de son jubilé.

   Excellent dessinateur, Repine laisse, outre de nombreux carnets de croquis, des toiles vigoureuses aux thèmes variés, marquées dès les premières années non seulement par ce réalisme parlant dont se réclamaient les Peredvijniki, mais aussi par un caractère profondément russe. C'est bien le même attachement à sa terre d'origine qui le guide, autant dans la conduite de son premier grand tableau les Haleurs de la Volga (1870-1873, Saint-Pétersbourg, Musée russe), compris comme une accusation contre l'absence de liberté, que dans son Sadko dans le royaume sous-marin (1876, id.), qu'on rapprocherait volontiers de l'art des symbolistes. Ce tableau ferait figure d'exception dans l'œuvre de Repine, peu porté au rêve, si lui-même n'avait expliqué le contenu symbolique de la légende : de même que Sadko, tombé dans l'étrange royaume de la mer, choisit parmi les fiancées de tous les pays une jeune fille russe, de même Repine, perdu dans l'étrange faune occidentale, se raccroche à l'idée de la terre russe. Cette double référence à une réalité mise en accusation et à une tradition vénérée explique autant le choix des sujets que le traitement, où perce la recherche de l'expression psychologique. Les exemples les plus célèbres sont Procession religieuse dans la province de Koursk (1880-1883, Moscou, gal. Tretiakov), Ils ne l'attendaient pas ou le Retour du déporté (1884, id.), Ivan le Terrible devant le cadavre de son fils (1885, id.), les Cosaques Zaporogues écrivant une lettre au sultan (1880-1891, Saint-Pétersbourg, Musée russe ; réplique à Moscou, gal. Tretiakov). D'excellents portraits de contemporains, assez académiques, tels Moussorgski (1881, Moscou, gal. Tretiakov), P. Tretiakov (1883, id.), L. Tolstoï (1887, id.), et des portraits plus libres de sa femme (Repos, 1882, gal. Moscou, Tretiakov) ou de ses enfants (Nadia Repina, 1881, Saratov, musée des arts Radichtchev) complètent une œuvre variée que devaient consacrer la commande officielle de la Séance solennelle du Conseil d'État (1901-1905, Saint-Pétersbourg, Musée russe) et l'admiration dont jouit le peintre en Russie. Repine est présent dans la plupart des musées russes, à Moscou (gal. Tretiakov) et à Saint-Pétersbourg (Musée russe). Ces deux musées ont d'ailleurs organisé les plus grandes manifestations consacrées au peintre (gal. Tretiakov, 1936, 1944, 1957-58).