Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
O

Orrente (Pedro)

Peintre espagnol (Murcie 1580 Valence 1645).

Il semble avoir voyagé très jeune en Italie, ce qui lui permit de connaître l'art vénitien et peut-être les débuts du Caravagisme. À son retour, il travaille beaucoup à Murcie, à Valence et à Tolède. Dans cette dernière ville, il se lia d'amitié avec le fils de Greco ; à Valence, il fut en contact avec Ribalta, qu'il rappelle parfois. Son style le plus personnel se rattache manifestement à l'art italien. Il doit beaucoup aux Bassan, dont il retient aussi bien le goût pour les scènes pastorales (Jacob et Laban, Madrid, Acad. San Fernando) que les effets de lumière nocturne ou crépusculaire (Adoration des bergers, Prado). Son intérêt pour le clair-obscur le mène à quelques-unes des premières réussites ténébristes de la peinture espagnole (Saint Sébastien, 1616, cathédrale de Valence) ; et son goût de la mise en scène, allié à une observation réaliste des types humains et des objets familiers, le classe parmi les premiers maîtres naturalistes du XVIIe s. (Sacrifice d'Isaac, musée de Bilbao, v. 1616 ; Miracle de sainte Léocadie, 1617 cathédrale de Tolède). Son œuvre, particulièrement celle dont le caractère pastoral relève du courant bassanesque, fut abondamment copiée, et de nombreuses toiles lui sont attribuées, qu'on peut difficilement rattacher à son atelier.

Orsel (Victor)

Peintre français (Oullins, Rhône, 1795  – Paris 1850).

Orsel est difficile à classer, à la fois lyonnais et parisien, ingresque sans jamais avoir été l'élève d'Ingres, souhaitant mettre son art au service de la " propagation des idées chrétiennes " mais produisant des œuvres religieuses absconses. Il reçut de multiples influences. D'abord formé par le peintre troubadour Révoil à l'École des beaux-arts de Lyon, il monta à Paris pour étudier les peintures de David et entra en 1817 dans l'atelier de Guérin. Il suivit son maître en Italie et vécut dix ans à Rome (1822-1832) en contact étroit avec les nazaréens, surtout Overbeck, et y rencontra Ingres. Ses premières œuvres appartiennent au Néo-Classicisme tardif (Caïn maudit par Adam devant le corps d'Abel, Salon de 1824, Lyon, M. B. A.), mais son célèbre le Bien et le Mal (Salon de 1833, id.) peut passer pour nazaréen. Orsel sut très tôt regarder les primitifs italiens et le Pérugin. Son originalité réside surtout dans le recours à une iconographie religieuse abstraite. Aussi ses œuvres furent-elles peu appréciées : au populaire Vœu du choléra (1833-1852, Lyon, basilique de Fourvière) il convient d'opposer l'austère système allégorique peint laborieusement dans la chapelle des Litanies de la Vierge à Notre-Dame-de-Lorette (1832-1850). Grâce à ses élèves, tel Périn, ses commandes furent achevées après sa mort, et son œuvre, publié. Cet artiste exigeant peut être aujourd'hui considéré comme l'un des rénovateurs de la peinture religieuse en France au XIXe siècle.

Orsi (Lelio)

Peintre italien (Novellara 1508 ? –id.  1587).

Les documents permettent de suivre son activité de peintre à partir de 1536, à Reggio Emilia, où il est appelé pour décorer les arcs triomphaux érigés pour l'entrée d'Ercole II d'Este. En 1546, accusé de complicité dans le meurtre du comte Bojardi, il est banni de Reggio et se réfugie à Novellara, auprès d'Alfonso et Camillo Gonzaga, qu'il accompagne en 1553 à Venise, puis à Rome. Des fragments de fresques exécutées à cette époque à la Rocca di Novellara sont conservés à la Pin. Estense de Modène (Deucalion et Pyrrhée ; Rapt de Ganymède). La présence d'Orsi à Rome (fresque pour l'Oratorio del Gonfalone) est signalée de décembre 1554 à octobre 1555. En 1561-62, l'artiste peint à fresque l'intérieur de S. Maria del Carmine, à Novellara (détruite en 1773). À partir de 1567, il est de nouveau à Reggio, où il est chargé, en 1583, de fournir des cartons pour les fresques du chœur et de la coupole de S. Prospero, qui doivent être exécutées par Federico Zuccaro (projets peut-être achevés par le Bolonais Camillo Procaccini).

   Aucun document ne permet d'établir quelle a pu être la formation du peintre, mis à part la mention d'un certain Bernardino Orsi, apparemment un cousin, dont il existe une peinture signée et datée de 1501 dans la cathédrale de Reggio. Lelio Orsi passe également pour avoir été l'élève de Corrège ; en tout cas, il a été marqué par ses œuvres tardives, en particulier entre 1540 et 1555 (Sainte Marguerite, Crémone, Museo Civico ; Nativité, musées de Berlin), ainsi que par celles de Parmesan et de Mazzola Bedoli. Giulio Romano et plus tard Michel-Ange (dont il demandera des dessins d'après la Conversion de saint Paul de la chapelle Paolina au Vatican) semblent être les deux artistes qui ont exercé la plus grande influence sur son développement. La seule œuvre datée de Lelio Orsi est le dessin de la Madonna della Ghiara, daté de 1569, conservé dans l'église du même nom, à Reggio Emilia. On lui a attribué également une frise en grisaille, au château de Querciola (Reggio Emilia). Parmi les peintures les plus significatives de son génie singulier, épris de distorsions, de luisances étranges et d'une authentique poésie maniériste, on peut citer Saint Georges et le Dragon (Naples, Capodimonte), le Sacrifice d'Abraham (id.), les Pèlerins d'Emmaüs (Londres, N. G.), l'Apparition d'un ange à sainte Cécile et saint Valérien (Rome, Gal. Borghèse). On lui attribue une curieuse Allégorie de la Passion (Naples, Capodimonte) où le Christ est entouré d'une multitude de croix. Le Louvre, les Offices, les musées de Lille et de Besançon conservent une série de dessins de frise, à motifs humains et végétaux, d'une très belle qualité. Ses peintures sont en général de petites dimensions.

Ortolano (Giovanni Battista Benvenuti, dit l')

Peintre italien (Ferrare v.  1487  – mort après 1527).

Les renseignements permettant d'éclairer la carrière de l'artiste sont à peu près inexistants, et celui-ci a été pendant longtemps assimilé à Garofalo. La formation d'Ortolano à Ferrare, sous l'influence de Costa, se place dans le contexte des années 1510, période de renouveau classique. L'artiste subit aussi l'influence de Dosso Dossi et, plus généralement d'un certain giorgionisme (Adoration de l'Enfant, Baltimore, Walter A. G.). Ses premières œuvres sont fortement teintées de saveur locale. La Pietà de la P. N. de Ferrare, la petite Nativité du Louvre, sont nourries du souvenir d'Ercole de' Roberti. Ortolano tire de ses modèles, aux poses classiques, un parti illusionniste accentué par des éclairages rasants qui confèrent un accent naturaliste à ses œuvres. Il n'y a rien d'excentrique ou de romantique chez ce Ferrarais austère, qui tomberait dans l'académisme (Crucifixion avec des saints, Brera) si la couleur et la lumière ne venaient tout animer. Un sentiment religieux sincère, s'exprimant avec une simplicité terrienne, a fait comparer Ortolano à Moretto. Promoteur discret de la " peinture directe ", qui se développera au siècle suivant, l'artiste se situe, dans la Circoncision avec plusieurs saints (Rome, coll. Patrizi), " à mi-chemin entre Raphaël et Zurbarán " (R. Longhi). La Pietà de Naples (1521, Capodimonte) et la Sainte Marguerite (1524, Copenhague, S. M. f. K.), ses dernières œuvres datées, montrent l'artiste fidèle à son idéal de classicisme simplifié. Parmi ses meilleures œuvres, on peut encore citer : la Nativité (1527) de la Gal. Doria Pamphili à Rome, Saint Sébastien entre les saints Roch et Demetrius (Londres, N. G.), Saint Jean à Patmos (Venise, coll. Cini).