Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
G

galeries peintes (suite)

France

La galerie du XVIIe s. conserve la triple fonction des galeries du XVIe s., celle de salle destinée aux réceptions et aux fêtes, celle de promenoir et celle de lieu d'exposition pour les collections. La vie mondaine, qui se développe, la naissance de grandes fortunes allaient contribuer à la multiplication des galeries. C'est là qu'est concentré le luxe. Les rois donnèrent l'exemple, suivis très vite par les princes, les ministres, les financiers, les magistrats, la bourgeoisie. Les hôtels, les châteaux de quelque importance veulent avoir leur galerie, à Paris ou en province. La capitale en posséda un fort grand nombre. Installées plutôt dans les ailes que dans le corps central du bâtiment, elles en occupent en général la largeur. Autant de galeries, autant de conceptions différentes. Variété de la structure : les galeries sont éclairées d'un ou de plusieurs côtés, par les longs ou les petits côtés ; elles sont voûtées ou couvertes d'un plafond à caissons. Parfois au nombre de deux dans le même château, elles se répondent, se succèdent ou se superposent : Paris offre au XVIIe s. de nombreux exemples de cette dernière solution. Variété de la distribution : elles sont enserrées entre 2 cabinets, sont conçues pour elles-mêmes ou alors conduisent à une chapelle. Variété de l'iconographie : sujets mythologiques, allégoriques, portraits, épisodes historiques récents ; s'il y a de nombreux compartiments à remplir, il faut choisir en conséquence une histoire qui se prête à un cycle. Variété du décor enfin : tout juste construite, la galerie est livrée aux peintres ; ces derniers peignent à fresque ou à l'huile sur toile (plus fréquemment) des paysages ou des scènes secondaires à la partie inférieure, tandis que les trumeaux et le plafond sont consacrés à un thème développé en de nombreux épisodes ; il n'y a pas toujours correspondance de sujet entre les trumeaux et le plafond.

Le début du siècle. Henri IV et Marie de Médicis

Des édits contre le luxe interdisent les galeries somptueuses aux ornements dorés. Seul le roi bâtit. Henri IV confie à une équipe d'artistes franco-flamands le soin d'aménager les intérieurs du Louvre, de Fontainebleau et de Saint-Germain-en-Laye.

   Bien peu de chose subsiste de l'œuvre du peintre décorateur Toussaint Dubreuil, premier peintre du roi. L'artiste a peint les " emblêmes et devises " des lambris de la galerie d'Ulysse à Fontainebleau, sous les compositions de Primatice et de Nicolò ; il a peint v. 1600, à la galerie des Cerfs du même château (en place, mais fortement restaurée), 15 grands tableaux représentant des vues à vol d'oiseau des maisons royales, alternant avec la collection royale des bois de cerf ; le plafond est orné des chiffres dorés d'Henri IV et de Marie de Médicis et d'attributs de chasse. Le même principe de décoration était appliqué à la galerie des Chevreuils (Fontainebleau), détruite par Louis-Philippe. Nous possédons encore moins de renseignements sur les décorations des galeries du Roi et de la Reine à Saint-Germain-en-Laye.

   Au Louvre, Dubreuil collabore v. 1600, avec Jacob Bunel, au décor de la Petite Galerie (brûlée en 1661 ; actuelle galerie d'Apollon). Aux trumeaux figuraient des " grands portraits " des rois et des reines de France peints par Pourbus, Bunel et sa femme, Marguerite Bahuche. Nous n'en connaissons plus qu'un seul vestige, le portait de Marie de Médicis par Pourbus (Louvre). À la voûte, divisée en compartiments, étaient associées des scènes des Métamorphoses d'Ovide et de l'Ancien Testament. Particulièrement célèbre était une Gigantomachie célébrant, sous le voile de l'allégorie (Jupiter foudroyant les Titans), la victoire du roi sur la Ligue ; Sauval décrit avec admiration une figure de géant debout qui semblait percer la voûte, rappel, semble-t-il, de Giulio Romano et des figures plafonnantes du Primatice.

   Ambroise Dubois réalisa la décoration de la galerie de Diane dans l'appartement de la reine à Fontainebleau ; détruite au XIXe s., elle nous est maintenant seulement connue par des descriptions, des aquarelles de Percier et quelques fragments du décor original, une vingtaine de tableaux restaurés transportés dans la galerie des Assiettes sous Louis-Philippe. La voûte offrait un ensemble de compositions mêlées parmi des fonds d'arabesques ; Dubois célébra les victoires du roi et montra au-dessus des cheminées le roi en Mars et la reine en Diane. À Nancy, Jacques Bellange travailla pour les ducs de Lorraine à 2 galeries, la galerie des Cerfs, avec la représentation d'une chasse, et la galerie Neuve, toutes deux disparues.

Rubens et la galerie Médicis

Dans le palais récemment construit par Salomon de Brosse pour Marie de Médicis (actuel palais du Luxembourg), 2 galeries offraient leurs murs pour la décoration, dans des ailes parallèles et perpendiculaires au corps central du bâtiment et entourant la cour d'honneur. Marie de Médicis commanda à Rubens 2 suites de 24 tableaux pour ces galeries. Rubens ne devait terminer que la galerie de droite (1622-1625, détruite au XVIIIe s.), dite " de Médicis ". Quant à la décoration de la galerie Henri-IV, qui par son programme iconographique devait constituer une introduction à la galerie voisine, elle ne devait jamais aboutir. J. Thuillier à souligner en quels termes se posait pour Rubens la décoration à réaliser : une vingtaine de tableaux occupant l'espace des trumeaux entre les fenêtres ; en effet, Salomon de Brosse avait prévu un plafond plat " à sollyves et poultres dorées et peinctes ". Solution presque archaïque, qui refusait le décor de la voûte. L'Italie, pour ce système français, n'avait jamais proposé de solutions. Rubens résout les difficultés du programme iconographique et peint 24 toiles (Louvre), réalisant un chef-d'œuvre de " peinture politique " dans la narration d'événements récents et délicats, comme la mésentente de la reine mère avec son fils Louis XIII. La galerie de Thorigny-sur-Vire, peinte par Vignon en 1651, s'inspire de la galerie de Rubens pour le système du décor.

1625-1640. Simon Vouet

Le rétablissement de l'économie, v. 1620-1625, favorise l'éclosion de somptueuses galeries, que tout château se devait de posséder. Simon Vouet, revenu de Rome en 1627, allait être le décorateur auquel firent appel les grands mécènes. Les nombreuses galeries qu'il a peintes — une dizaine — ont toutes disparu. C'était l'essentiel de son œuvre en France. Certes, leur iconographie est connue : sujets mythologiques à la galerie du château de Chilly (Lever du soleil et Lever de la lune, v. 1630-31) et à celle de l'hôtel Bullion (Histoire d'Ulysse, 1634-35), sujets allégoriques à la galerie des Objets d'art du Palais-Cardinal et à la galerie supérieur de l'hôtel du chancelier Séguier ; portraits, de Suger à Richelieu, à la galerie des Hommes illustres au Palais-Cardinal (en collaboration avec Philippe de Champaigne, v. 1632). Mais que penser du système de décoration ? Faut-il voir une évolution des 4 Vertus cardinales (v. 1637) de Versailles, ornant probablement à l'origine des compartiments octogonaux d'un plafond, à la fameuse voûte de la " librairie " du chancelier Séguier ? Vouet part du champ restreint du plafond à caissons, où il installe des toiles dans des compartiments en stuc sculptés par Sarrazin (qui est présent à Chilly et à l'hôtel Bullion), puis il se libère du plafond " à la française " pour annoncer, vers 1640, les solutions de Perrier et de Le Brun.

1640-1665. Le Louvre et l'hôtel Mazarin

Poussin, Romanelli et Le Brun, des dernières années du règne de Louis XIII († 1643) jusqu'au début du règne de Louis XIV (1661), travaillent au Louvre et à l'hôtel de Mazarin. La genèse de la décoration de la Grande Galerie du Louvre est bien connue. Le roi confie cette décoration à Nicolas Poussin, revenu de Rome en 1640 : construite par Henri IV, la Grande Galerie a été créée pour servir de passage entre le Louvre et les Tuileries ; longue de 266 m, c'est une des plus grandes galeries du monde. Avant l'arrivée de Poussin, Lemercier y a déjà travaillé, mais il voit arrêter les travaux qu'il avait commencés. Poussin choisit pour sujet de la voûte la vie héroïque d'Hercule. À la voûte, au-dessus de chaque fenêtre, se dressaient 2 atlantes encadrant un médaillon et soutenant un fronton circulaire ; les actions d'Hercule, peintes en grisaille simulant les bas-reliefs, s'inscrivaient dans les médaillons et dans des cartouches rectangulaires. Des moulages en plâtre des bas-reliefs de la colonne Trajane et de l'arc de Constantin (projet postérieur au départ de Poussin ?) devaient être insérés au milieu de la voûte. Sur les murs était appliqué un ordre de pilastres corinthiens de bois doré entre lesquels Fouquières devait peindre des Vues de diverses villes de France. La réalisation fut abandonnée avant que le quart n'en fût achevé ; il fut détruit par la suite. Poussin avait élaboré un système classique où le décor respecte la surface architecturale sur laquelle il est apposé. Trop tôt disparu, il n'exercera pas d'influence.

   Le cardinal Mazarin, qui avait loué l'hôtel du président Tubeuf (auj. B. N.), confia à Mansart la construction de 2 galeries superposées, la galerie basse (" Mansart ") et la galerie haute (" Mazarine "), pour l'installation de ses collections. Il fit appel pour la décoration à Romanelli plutôt qu'à Vouet (1646-47). Du décor de la galerie basse subsistent seulement les niches et la partie centrale de la voûte, décorée par Grimaldi d'une colonnade peinte à l'huile et de grisailles représentant des scènes antiques. La galerie haute offre le mélange intéressant de Paysages, peints par Grimaldi dans les embrasures des fenêtres et dans les niches sur le mur opposé, et de peintures mythologiques à la voûte ; celle-ci est couverte d'un réseau de compartiments, rectangulaires au centre, ovales de chaque côté, à cadres de stuc en partie doré que Romanelli a meublé de fresques, sans raccourcis illusionnistes. Les compartiments sont ici plus larges que d'habitude et leurs formes simples donnent à la voûte un aspect unifié. L'iconographie offre un mélange de scènes tirées de l'Histoire romaine et des Métamorphoses d'Ovide.

   La galerie d'Apollon remplace la galerie des Rois, brûlée en 1661. Elle est relevée aussitôt par Le Vau, et la décoration est confiée à Le Brun en 1663. Longue de 60 m et large de 9,50 m, la galerie ne prend jour que par les 12 fenêtres donnant sur le jardin de la Reine et sur la Seine. Le plafond, intérêt majeur de la galerie puisque l'actuelle décoration des murs date d'une reconstitution complète du XIXe s., une voûte, est divisé en tableaux de forme et de dimensions différentes ; au centre, un rectangle incurvé par la voûte, où Le Brun devait peindre le Triomphe d'Apollon (exécuté seulement par Delacroix en 1849) ; de chaque côté, dans le sens de la longueur, des tableaux ovales, encadrés de panneaux où Gontier peignit des arabesques, puis un octogone et un cul-de-four peu profond. Le Brun ne réalise que 2 peintures, Diane ou la Nuit, et le Triomphe des eaux (ce dernier en tapisserie feinte). De chaque côté de la partie centrale alternent d'autres tableaux et des médaillons représentant les Occupations des mois, que peignit Jacques Gervaix et que J.-B. Monnoyer entoura de fleurs, ainsi que des stucs représentant des dieux, les signes du zodiaque, les Muses, des captifs, sculptés par Marsy et Regnauldin. Les trumeaux étaient couverts d'arabesques, les portes étaient ornées de trophées sculptés et dorés.

Les galeries privées au milieu du XVIIe siècle

Les galeries prolifèrent, mais beaucoup d'entre elles seront détruites. Qui se souvient des galeries qu'Errard peignit au château du Dangu chez Sublet de Noyers (Histoire de Tobie, 1643) et avec Loir à l'hôtel de La Ferté-Sennecterre, des galeries de Fresnes, du Plessis-Guénégaud (Loir et Anguier), de l'hôtel de Lionne à Paris ? Évoquons les galeries dont nous connaissons le mieux le décor, parfois conservé : celles de l'hôtel de La Vrillière (1645), de l'hôtel Lambert (v. 1630-1658) et de l'hôtel de Bretonvilliers (1663). Dans l'âge d'or de ces galeries parisiennes, celle de l'hôtel de La Vrillière est une des premières en date. Louis Phélypeaux de La Vrillière fit construire par François Mansart, à Paris, dans le quartier du Palais-Royal, un fastueux hôtel particulier (1635-1638), aujourd'hui siège de la Banque de France, dont la galerie pouvait rivaliser avec celles des plus grands seigneurs de son temps (Mazarin, Séguier, Richelieu...). Les dimensions (50 X 8 m) en sont plus imposantes que celles de la galerie Farnèse. En 1645, le décor de la voûte fut confié à un " Romain ", François Perrier. Pour l'iconographie et le schéma du décor, Perrier s'est souvenu de la galerie, beaucoup plus petite, qu'il avait peinte, avec Grimaldi et Ruggieri, à Rome au palais Peretti-Almagia. Il décora le plafond sur le thème de Junon et Éole avec une suite de " quadri riportati ", selon les règles de l'école des Carrache ; les Quatre Éléments, disposés transversalement et installés dans des cadres flanqués par des satyres et des " ignudi ", encadrent une fresque centrale consacrée au Triomphe du Soleil. Si l'idée de galerie est traditionnelle, la décoration est tout à fait nouvelle, en particulier celle des murs, où le propriétaire, Louis de La Vrillière, organisa autour d'un tableau " moderne " qu'il venait d'acheter, l'Enlèvement d'Hélène (1631) de Guido Reni, une collection de tableaux italiens dus à Guerchin, Pierre de Cortone, Poussin, C. Maratta et A. Turchi. Au total, dix tableaux d'" histoire " de grandes dimensions (chacun 250 X 265 cm environ) étaient l'ornement majeur de cette galerie décorée de lambris et de stucs dans les tons blanc et or, le tout distribué dans une rigoureuse symétrie. Lors d'une exposition tout à fait remarquable (Seicento, Paris, Grand Palais 1988-1989), le décorateur italien Pier Luigi Pizzi a tenté la recréation nécessairement schématique de l'ordonnance de cette galerie, avec la présence des tableaux aujourd'hui dispersés, qui se situe dans la droite ligne du décor romain (galerie Farnèse ou chapelle Sixtine). En effet, nous ne jugons plus aujourd'hui cet ensemble que par des copies ; de même, le réseau décoratif de la voûte a été modifié au XVIIIe s. par Robert de Cotte. Cette galerie fut celle d'un homme de goût (antiques dans les niches, etc.), d'un mécène, d'un amateur avisé qui possédait à la fin de sa vie quelque trois cents tableaux.

   La date de la décoration de la galerie de l'hôtel Lambert n'est pas connue de façon précise (v. 1630-1658). Elle constituait à son époque la réalisation la plus ambitieuse d'illusionnisme baroque qui fût exécutée en France. La galerie, construite par Le Vau en 1640, est basse et éclairée par 8 fenêtres cintrées, donnant sur le jardin (long côté) et la Seine (petit côté). Le Brun l'a dédiée au thème d'Hercule, dont les exploits sont répétés sous des formes habilement variées. Aux murs, les trumeaux sont ornés d'une série de médaillons ovales et octogonaux de stuc bronzé et doré, sculptés par Van Obstal et représentant les Travaux d'Hercule ; en face alternent des tableaux de P. Rousseau (architectures dans des paysages) et les médaillons de Van Obstal, placés au haut du trumeau, supportés par des termes et couronnés par des angelots. La plinthe est ornée de motifs de rinceaux et de contre-courbes. À la voûte, Le Brun peint un cadre architectural illusionniste, divisant la surface en 4 parties ; dans 3 de celles-ci, l'architecture feinte est comme une fenêtre ouvrant la galerie au ciel ; mais l'impression d'un espace unifié ouvert au-delà de celui de la galerie est rompue par le centre, où Le Brun a peint deux tapisseries en trompe-l'œil soulevées par le vent. Pour unifier les différentes compositions, il a imaginé des figures volantes peintes sur les doubleaux (motif pris au plafond " Barberini " de P. de Cortone) et placées entre le spectateur, la voûte " réelle " des tapisseries et l'espace imaginé derrière la voûte. Une autre originalité du système réside dans la façon dont il a donné de la hauteur à sa galerie, relativement basse. L'architecture illusionniste crée l'impression que les murs de la galerie continuent au-dessus de la corniche, et le peintre augmente l'illusion de verticalité dans la voûte en plaçant des ornements de stucs feints (" ignudi ") contre l'extension supposée du mur. Un jeu d'illusionnisme aussi complet, l'emploi à la voûte de tapisseries feintes qui violent les règles de la perspective, l'utilisation de nombreux points de vue viennent à l'encontre des théories de Bosse, ami du mathématicien Desargues, partisan convaincu de la " mise en perspective géométrale ", soutenant l'application des procédés géométriques pour la grande peinture décorative, en un mot défenseur de la logique dans le parti décoratif. Le Brun refuse de soumettre l'art à la géométrie et crée des décors reflétant sa sensibilité aux prestigieux modèles italiens.

   Bénigne Le Ragois, propriétaire de l'hôtel de Bretonvilliers, passa la commande du décor à Sébastien Bourdon (1663 ; détruit au XIXe s.). La galerie avait un peu plus de 33 m de long, 6 m de large et 8 de hauteur ; des 2 longs côtés de la galerie, un seul était percé de fenêtres, donnant sur le jardin. Tout le décor était peint, murs et voûte, et à fresque. Les 7 trumeaux sur le jardin étaient consacrés à l'évocation des Sept Arts libéraux (peints en grisaille), les 7 faux trumeaux, en face, aux Trois Vertus théologales et aux Quatre Vertus cardinales (peintes également en grisaille) ; au-dessus, précise Guillet, se trouvait " un tableau de coloris dont le sujet convient en particulier à chaque vertu et à chaque art " (gravé). Guillet ne précisant pas quel était le décor sur les travées en face des fenêtres, on pense qu'il devait y avoir, parti habituel de ce temps, comme à l'hôtel Lambert ou à la galerie Mazarine, de grands paysages. On suppose, sur une phrase de Guillet, que des pilastres d'ordre ionique, peints en trompe-l'œil et s'élevant du sol à la corniche, encadraient les allégories. À la voûte, 9 compositions retraçaient la Légende de Phatéon, séparées par des arcs soutenus à chaque extrémité par des termes accouplés, placés au-dessus de la corniche. Brice a analysé l'aspect italien de cette galerie : " Les côtés, au lieu de menuiserie, sont couverts de peintures à fresque qui occupent longtemps les curieux par l'extrême plaisir qu'ils ont de voir dans ces pièces, ce que l'on va chercher en Italie avec tant d'empressement... "

   Deux autres exemples montrent, au milieu du siècle, le prestige de l'Italie et de la galerie des Carrache du palais Farnèse. Aux Tuileries, la galerie des Ambassadeurs offrait au plafond des copies exécutées d'après les Carrache sous la direction de Charles Errard (1665-66). De même, le cardinal-archevêque de Lyon commanda à Pierre Mignard (pour une galerie ?) des copies d'après les " quadri riportati " des Carrache.

   La province offre, dans ses nombreuses galeries, des exemples variés ; là aussi, beaucoup de destructions empêchent d'écrire l'histoire des galeries peintes. Le château de Beauregard possède une galerie historique de 363 portraits disposés, au-dessus du lambris à hauteur d'appui, sur 3 rangées ; à la partie inférieure alternent emblèmes, natures mortes et panneaux d'arabesques (exécuté v. 1635). Toulouse avait, au Capitole, 4 galeries, aménagées de 1674 à 1685 sous la direction de Jean-Pierre Rivalz. Dans l'une d'elles (qui n'est pas la galerie des Illustres), il avait restauré 44 portraits de capitouls et peint 2 dessus-de-porte. La galerie de peinture fut décorée de 1684 à 1723 de compositions sur l'histoire de Toulouse, inspirées des dessins de La Fage, et peintes par Bon Boullogne, Jouvenet, Coypel et Antoine Rivalz.

   Le château de Tanlay possède, au premier étage, une galerie, réduite à 21 m de long après l'incendie de 1761, et qui a été décorée par des artistes italiens de camaïeux gris en trompe-l'œil qui représentent des caissons, des rosaces, des bas-reliefs et des scènes de la mythologie antique.

   On peut relever deux cas d'utilisation de " quadratura " : le Lyonnais Sarrabat avait peint une galerie avec arcade ouvrant sur une perspective ; d'autre part, au château de Charentonneau, près de Paris, la galerie avait son plafond peint " d'ornements feints " et ses murs de fausses statues antiques alternant avec des paysages. La variété des exemples cités montre la diversité des partis adoptés.

La fin du XVIIe siècle. La galerie des Glaces

Les galeries de cette époque relèvent principalement du domaine de la Couronne. La réalisation de la galerie d'Apollon au château de Saint-Cloud, par Mignard (1677-1679), précède de quelques années sa rivale, la galerie des Glaces de Versailles ; la galerie d'Apollon fut exécutée pour Monsieur, frère du roi, et fut détruite en 1870. Précédée du salon de Mars, elle avait un long mur percé de 13 fenêtres auxquelles des niches répondaient en face ; aux murs des médaillons et des tableaux des maisons royales ; à la voûte divisée en compartiments, la partie centrale, consacrée au thème d'Apollon, était entourée de grands tableaux sur les Saisons et de 8 groupes de figures peintes en camaïeu, stuc et bronze. Les contemporains furent émerveillés par la galerie, que nous ne connaissons plus que par des gravures de J.-B. de Poilly, les tapisseries des Gobelins (les Saisons) et quelques dessins de Mignard. Des tableaux sur les trumeaux et au-dessus des niches montrent l'intérêt de Mignard pour les parois latérales, alors que, pour Le Brun, le problème de la galerie se pose avant tout en termes de décoration de voûte.

   La réalisation de Clagny est de la même époque (1677-1681) ; ce château, aujourd'hui détruit, fut construit non loin de Versailles par Jules Hardouin-Mansart pour Mme de Montespan. Dans l'aile gauche, et seulement sur la moitié de sa largeur, se trouvait la galerie, enserrée entre deux salons. Le Mercure galant de 1686 nous apprend que " la voûte est ornée de divers compartiments, qui renferment des quadres où doivent être des tableaux qui représentent l'histoire d'Énée ". Le projet, qui aurait dû être exécuté par La Fosse, ne fut jamais réalisé. Le Hongre avait fourni les modèles de la corniche en stuc, des captifs et des trophées ornant les pendentifs qui soutiennent la voûte.

   Œuvre de Jules Hardouin-Mansart et de Le Brun (1678-1684), la galerie des Glaces se développe entre les deux avant-corps de Le Vau, où Mansart installa les salons de la Paix et de la Guerre. Longue de 76 m, elle est ouverte sur le jardin de 17 portes-fenêtres en plein cintre auxquelles répondent en face des glaces installées dans des arcades. Le reflet des jardins dans les miroirs donne l'illusion d'une double série de fenêtres. Mansart donna aux longs côtés un décor architectural, par un système de pilastres et de niches. La galerie de Clagny se caractérisait aussi par un fort parti architectural, et L. Hautecœur a pu écrire de la galerie des Glaces : " Cette décoration, Mansart aurait voulu la tirer des seules formes architecturales et avait songé à laisser partout apparaître la pierre. " Mais le roi fit appel à Le Brun pour la décoration : celle-ci est une illustration de tous les hauts faits du règne, depuis 1661 jusqu'en 1678. Le tableau central représente le Roi qui gouverne par lui-même (1661) et le Faste des puissances voisines. De part et d'autre, 10 compositions racontent les faits militaires du souverain depuis 1671. Les premier exploits du roi sont peints dans 12 ovales et 6 carrés aux angles abattus, traités en camaïeux verdâtres sur fond d'or, tous encastrés dans les architectures feintes et séparant les compositions dans le sens de la largeur (L'ordre est établi dans les finances, le Peuple soulagé dans la famine). Les médaillons sont entourés d'" ignudi " qui supportent des frontons circulaires. L'histoire se poursuit dans les 2 salons qui entourent la galerie. Dans cette dernière, la décoration sculpturale est plus sobre que dans la galerie d'Apollon, où trophées, guirlandes, soleils ne dépassent pas la corniche ; à peine les médaillons et les camaïeux sont-ils entourés d'un modeste cadre de stuc doré ; tous les autres cadres sont peints. C'est le triomphe du trompe-l'œil, du faste servi par une invention originale et puissante. La galerie des Glaces, sorte de modèle de galerie princière, eut un immense retentissement et fut souvent imitée ou copiée (notamment par Louis II à Herrenchiemsee, près de Munich). Mignard réalisa à Versailles à partir de 1685 le décor du plafond de la Petite Galerie (détruite en 1752) sur le thème d'Apollon et Minerve.

   De la galerie que Jacques IV Gabriel construisit pour Mademoiselle au château de Choisy, on sait seulement qu'elle fut décorée vers 1686 par Le Hongre, Blanchard et Lemoyne. Au Trianon de marbre (1687), Mansart construisit une galerie dans une aile perpendiculaire. Le désir de l'union la plus étroite possible avec la nature domine les aménagements intérieurs de Trianon. La galerie, située entre le salon frais et le salon des jardins, entourée de jardins, fut décorée de 3 paysages de J.-B. Martin l'Aîné et de E. Allegrain et de 21 toiles de Cotelle (1688-89), en général des vues du parc de Versailles.