Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
L

Le Brun (Charles) (suite)

Les dessins

Outre les peintures de chevalet, les peintures murales et les tapisseries, l'œuvre de Le Brun comporte aussi une admirable suite de dessins exécutés tout au long de sa carrière, généralement des études préparatoires de détail ou d'ensemble pour les compositions qu'il peignit ou les travaux décoratifs ou ornementaux qu'il dirigea. Le Louvre ne conserve pas moins de 3 000 dessins dus à l'artiste et à certains de ses collaborateurs immédiats, trouvés chez Le Brun à sa mort et qui entrèrent alors dans la collection royale.

   Des dessins importants de Le Brun se trouvent aussi dans les musées de Besançon, de Stockholm, d'Oxford (Ashmolean Museum) ainsi qu'à l'E. N. S. B. A. de Paris.

Les élèves de Le Brun

Le Brun eut tôt de nombreux collaborateurs qui travaillèrent à ses grandes entreprises décoratives et à l'exécution des cartons de tapisseries, d'abord pour Maincy, ensuite pour les Gobelins : parmi eux Baudrin Yvart, Louis Licherie, Verdier, Testelin, Houasse. À certains était dévolue une " spécialité " : à Van der Meulen les paysages, à Nicasius Bernaerts et Pieter Boël les animaux, à Monnoyer les fleurs et les feuillages, à Desportes les fruits. Si beaucoup de ses élèves suivirent fidèlement son enseignement (Verdier, Houasse, Licherie), d'autres, comme La Fosse, ou certains de ses collaborateurs, comme Jouvenet ou les Boullogne, se dégagèrent vite de son emprise pour affirmer leur personnalité propre ; le dogmatisme et le sectarisme de Le Brun professeur ont été en fait bien exagérés.

Le Clerc (Jean)
ou Jean Leclerc

Peintre français (Nancy v.  1585-1587  – id. 1632).

L'artiste, d'origine lorraine, part jeune pour l'Italie et y séjourne plusieurs années (av. 1617 – v. 1621). Il est l'élève à Rome de Saraceni (1617-1619) et adopte sa manière au point, assure Félibien, que certains tableaux de Le Clerc ont passé pour être de son maître. Il grave en 1619 la Mort de la Vierge de celui-ci et, la même année, le suit à Venise ; il termine et signe la grande composition laissée inachevée par le peintre italien à sa mort, en 1620, le Doge Dandolo prêchant la croisade (Venise, palais des Doges). Le Concert nocturne (Munich, Alte Pin. ; 2 autres versions, coll. part.) est généralement reconnu comme une œuvre italienne de Le Clerc. D'autres tableaux souvent donnés à Saraceni peuvent être de la main de Le Clerc en Italie : Reniement de saint Pierre (Florence, coll. Corsini), Annonciation (Feltre, S. Giustina), Scène de naufrage (Piazzola sul Brenta, Villa Contarini).

   De retour en Lorraine (av. mai 1622), le peintre contribue à y introduire une peinture nouvelle, marquée à la fois par Caravage et par l'art de Venise, dont l'étude pose le difficile problème de l'école lorraine v. 1620-1630 ; les liens qui unissent Le Clerc à Callot, La Tour et Deruet sont certains. Ses tableaux présentent de forts contrastes lumineux, avec des coloris stridents ou rares, des formes anguleuses modelées avec fermeté : art inspiré de Saraceni, mais d'une fièvre toute personnelle, compromis entre le maniérisme lorrain tardif et la nouvelle esthétique caravagesque. L'essentiel de l'œuvre lorraine est religieuse : Adoration des bergers (église Saint-Nicolas de Nancy ; musée de Langres), Saint François Xavier prêchant aux Indiens, Nancy, Musée historique lorrain, Banquet d'Hérode, parfois contesté, collégiale de Chaumont). On lui a longtemps donné 3 gravures (les Deux Moines, les Veilleuses, Sainte Madeleine) d'après Georges de La Tour : cette attribution est maintenant rejetée.

Le Corbusier (Charles Édouard Jeanneret, dit)

Peintre et architecte français d'origine suisse (La Chaux-de-Fonds, 1887  – Roquebrune-Cap-Martin, France, 1965).

Après avoir suivi un cours de gravure ornementale de montres à l'école d'art de La Chaux-de-Fonds (1901-1905), il séjourne successivement à Florence, Budapest, Vienne et travaille quelque temps à Paris chez l'architecte Auguste Perret. Puis, de 1910 à 1917, il voyage en Allemagne, Hongrie, Roumanie, Turquie et Grèce, d'où il rapporte de nombreuses aquarelles, exposées dès 1916 à Paris et à Zurich. Ayant déjà accompli en Suisse une œuvre d'architecte importante, il s'installe en 1917 à Paris et, l'année suivante, Auguste Perret lui fait connaître Amédée Ozenfant. C'est avec ce dernier que Jeanneret expose ses premières toiles à la gal. Gabriel Thomas (Paris) et publie le manifeste du Purisme, intitulé Après le Cubisme, auquel tous deux reprochent d'être décoratif et de n'avoir pas su se montrer en accord avec l'" esprit moderne ", c'est-à-dire la civilisation industrielle, caractérisée selon eux par l'utilisation des machines et le progrès de la science. Charles Édouard Jeanneret va chercher dans l'art des " invariants " qui seraient ce que sont les lois dans les sciences. Ses tableaux s'inspirent des méthodes de construction ainsi que de la finalité et de l'esthétique des machines industrielles. Ils établissent une " grammaire générale de la sensibilité " : les formes et les couleurs y sont simplifiées, les structures fondées sur l'angle droit et les " tracés régulateurs ". Le sujet reste présent sinon primordial : il traitera surtout de natures mortes réunissant des objets usuels, assiettes, verres, carafes, pipes, bouteilles, qui sont fonctionnels et produits en série de façon économique. Ainsi, leurs formes, simples et standardisées, peuvent s'assembler facilement tout en restant lisibles. Ces objets sont représentés selon des méthodes empruntées au dessin industriel, en utilisant le plan, l'élévation, la perspective cavalière avec les ombres projetées suivant les règles de la perspective. " On peut créer le tableau comme une machine. Le tableau est un dispositif à émouvoir. " (le Bol blanc, 1919, Paris, fondation Le Corbusier ; Nature morte aux nombreux objets, 1923, Paris, M. N. A. M.) Cette théorie a été développée et précisée par la pratique picturale au fur et à mesure, ainsi que par écrit dans une suite d'articles parus dans la revue l'Esprit nouveau, fondée par le poète Paul Dermée, Ozenfant et Jeanneret en 1920 : textes repris dans le livre la Peinture moderne (Paris, 1925), qu'ils publient ensemble et qui connaîtra un grand retentissement dans les milieux artistiques internationaux. Les activités d'architecte et d'urbaniste, mais aussi d'écrivain et de théoricien vont prendre le pas sur son travail de peintre et, vers 1926, Jeanneret abandonne peu à peu l'esthétique du Purisme en réintroduisant progressivement à la fois la figuration et une facture plus libre, tandis qu'il signe ses toiles " Le Corbusier " (à partir de 1928). Il tente un moment une curieuse synthèse entre le Surréalisme et le Postcubisme, et ses formes vont s'affirmer de plus en plus monumentales après 1937. Réfugié à Ozon (Pyrénées) durant la guerre, Le Corbusier se consacre presque exclusivement à la peinture, puis, durant de nombreux voyages (1947-1953), écrit, dessine et calligraphie (le Poème de l'angle droit, éd. Tériade, Paris, 1955). Il exécute de nombreuses peintures murales en rapport avec ses activités d'architecte (pavillon suisse de la cité universitaire, Paris, 1948-49). En 1952, il inaugure une longue série de " taureaux " où les figures de lignes noires ne coïncident plus avec les plans colorés (Taureau 6, 1954, Paris, M. N. A. M.) ainsi que de nombreux cartons de tapisserie qui ont été exécutés par les manufactures d'Aubusson et des Gobelins. La fondation Le Corbusier, à Paris, conserve des œuvres de l'artiste, dont l'intérêt a été bien souvent éclipsé par la notoriété de ses réalisations architecturales. En 1987, pour célébrer le centenaire de sa naissance, des manifestations et des rétrospectives ont été organisées dans le monde entier.