Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Bréa (Louis)

Peintre français (v. 1450  – v. 1523).

Il se forma sans doute dans le cercle de Miralhet et de Durandi. Cependant, sa première œuvre certaine, qui est aussi son chef-d'œuvre, la Pietà de Cimiez (1475, église des Franciscains), ne doit rien à ses devanciers et trahit une culture complexe où domine la leçon d'Avignon, avec quelques apports italiens et flamands. Il travaille ensuite à Gênes (l'Ascension, église S. Maria della Consolazione), à Taggia, où sont conservés dans l'église des Dominicains plusieurs retables de sa main, et à Savone, en 1490, aux côtés de Foppa, pour le polyptyque de Giuliano della Rovere (église S. Maria di Castello). De ce moment de son activité semble dater une petite Pietà, au Louvre. L'influence de Foppa, bientôt conjuguée avec celle de Bergognone (Assomption, 1495, cathédrale de Savone), orientera Bréa vers l'esprit de la Renaissance. Ses tendres figures féminines doivent beaucoup aux Madones de Bergognone, mais, moins accomplies que leurs modèles, elles gardent une ferveur médiévale : Annonciation (1499, église de Lieuche). Après cette période de recherches, il trouve son équilibre dans une série d'œuvres composées de façon archaïque pour satisfaire le désir d'une clientèle routinière, mais embellies par une sérénité rêveuse et un sentiment de réserve que l'on note aussi chez le Piémontais Spanzotti. Collaborant avec G. Barbagelata et L. Fasolo, il se place nettement, après 1510, dans le sillage de la peinture ligure (Madone du rosaire, 1513, Taggia, église des Dominicains ; Vocation des justes, 1512, Gênes, S. Maria di Castello). Louis Bréa apparaît comme un trait d'union remarquable entre l'école de Provence et celles de l'Italie septentrionale, dont il a su combiner les exemples tout en conservant son caractère propre, marqué par une fidélité à un idéal médiéval de paix et d'harmonie.

   Sa manière fut propagée par ses frères Pierre et Antoine, et par le fils de ce dernier, Antoine, qui l'édulcora en cédant complètement à l'influence ligure et en tombant dans l'imagerie.

Bree (Mathieu Ignace Van)

Peintre flamand (Anvers 1773  – id.  1839).

Élève de l'Académie d'Anvers, il séjourna de 1794 à 1797 à Paris, où il reçut l'influence de Vincent et surtout de David, puis revint à Anvers. Cette formation néo-classique l'orienta tout d'abord vers des sujets antiquisants : Régulus retournant à Carthage (Bruxelles, M. R. B. A.). Puis, tout comme David, il se consacra aux grands moments de l'histoire napoléonienne, son œuvre la plus célèbre étant le Débarquement de Bonaparte à Anvers en 1803 (Versailles), tableau achevé en 1807 et qui fut précédé de nombreuses études dessinées (Louvre), lesquelles forment une consciencieuse galerie de portraits des notables anversois du tout début du XIXe s. Il se consacra aussi aux sujets historiques : Mort de Rubens (1827, musée d'Anvers), et fut le maître de Wiertz. Le cabinet des Dessins du Louvre possède de lui des portraits à la pierre noire de Bonaparte et de Soult.

   Son frère, Philippe Jacques (Anvers 1786 - Bruxelles 1871) , fut élève de Girodet à Paris et peignit les mêmes thèmes que Mathieu Ignace : Rubens entouré de sa famille peignant dans son jardin (1833, Bruxelles, M. R. B. A.), l'Abdication de Charles Quint (musée d'Anvers).

Breenbergh (Bartholomeus)

Peintre néerlandais (Deventer 1599/1600  – Amsterdam 1657).

C'est, avec Poelenburgh, l'italianisant par excellence que l'on cite toujours pour illustrer la grande vogue du paysage italien dans les Pays-Bas du Nord depuis le XVIe s. Fixé en 1620 à Rome, où il connaîtra Bril, il est de retour en Hollande en 1633 et dès lors travaille à Amsterdam. D'abord très marqué par l'école d'Elsheimer, de Jacob Pynas, puis de Bril et de Poelenburgh, il conserve dans ses peintures, dont les plus anciennes datent de 1622, des traits maniéristes. Il affectionne particulièrement, en les composant avec plus de souplesse que celles de Bril, des scènes narratives, animées de petits personnages et situées dans de vastes paysages de ruines pittoresques. Plus naturels, ses dessins des années romaines forment le meilleur de son œuvre, à la fois minutieux à la manière hollandaise et pourtant d'une écriture picturale large et vibrante qui n'est pas sans annoncer Claude Lorrain. Jusqu'à sa mort, il recopiera les motifs italiens de sa première période : Jésus guérissant un sourd-muet (probablement 1635, Louvre) représente la synthèse de son style historique d'évolution classicisante et de ses libres souvenirs de paysages italiens.

   Parmi bien d'autres musées où figurent des Breenbergh, citons ceux de Brest (Paysage avec Silvio et Dorine, 1634), de Karlsruhe (le Christ à Capharnaüm, 1637), de Kassel (Paysage avec saint Pierre et saint Jean), d'Amsterdam (Jacob et l'Ange), de Schwerin (deux Paysages).

Breitner (Georg Hendrik)

Peintre néerlandais (Rotterdam 1857  – Aerdenhout 1923).

Il pratiqua de bonne heure avec aisance le dessin et l'aquarelle (v. 1872, Amsterdam, cabinet des Estampes), se plaisant à représenter des chevaux et des scènes militaires (cavaliers et artilleurs), comme il le fit encore à La Haye, où il se rendit pour suivre (1876-1879) les cours de l'Académie (le Trompette des hussards jaunes, v. 1886, Utrecht, musée Van Baaren). Il entre en contact avec les peintres de l'école de La Haye, travaille en 1880 avec W. Maris et collabore au Panorama de Scheveningen d'Hendrik Mesdag. Dès cette période, Breitner veut être le témoin de son temps, volonté favorisée par ses lectures (Zola, Flaubert, Manette Salomon des Goncourt) ; en 1882-83, il rencontre Van Gogh et est peut-être influencé par lui dans le choix de certains thèmes réalistes et sociaux (scènes paysannes inspirées de Millet exécutées dans la Drenthe en 1883 et 1885). Un séjour à Paris (mai-nov. 1884), où il fréquenta l'atelier de Cormon, ne semble pas l'avoir beaucoup marqué. Plus que celles des impressionnistes, il connut les œuvres de Courbet, de Millet, de Corot et dut être intéressé par Manet. Comme Van Gogh à la même époque, il reste attaché à la peinture hollandaise du XVIIe s., copie Jan Steen, Rembrandt (la Leçon d'anatomie, 1885, Amsterdam, Stedelijk Museum). Le meilleur de son œuvre se situe entre 1885 et 1900 environ. Installé à Amsterdam en 1886, Breitner devient son interprète par excellence (scènes de la vie quotidienne, paysages familiers, gens du peuple : Deux Femmes, v. 1890, aquarelle, Otterlo, Kröller-Müller). Chef de file des " Impressionnistes hollandais " (Verster, I. Israels, S. Bisshop-Robertson), il a beaucoup utilisé la photo, par nécessité documentaire ou pour des effets de mise en page et de contrastes. Plus proche de celle de Hals que de celle des impressionnistes, auxquels l'apparentent surtout son modernisme et son intérêt pour le Japon, la technique audacieuse de Breitner est toute de suggestion expressive et procède par larges touches rapides ou frappes du couteau à palette (Soir à Amsterdam, musée d'Anvers ; Pont-promenade avec trois dames, v. 1897, Amsterdam, Stedelijk Museum). Ses autoportraits (1882 ; 1885-86, La Haye, Gemeentemuseum) témoignent d'une vision incisive dans la tradition réaliste néerlandaise, revue par l'instantané photographique. Sa palette ne rejette ni les noirs ni les bruns ; elle admet seulement une gamme un peu plus haute dans de belles et vigoureuses études de nus (Rotterdam, B. V. B. ; La Haye, Gemeentemuseum ; Amsterdam, Stedelijk Museum ; musée d'Anvers) et d'intérieurs (le Kimono rouge, 1893, La Haye, id.). Sa première rétrospective eut lieu à Amsterdam en 1901. Il évolua à ce moment vers un lyrisme plus objectif et paisible, peut-être sous l'influence de la photographie et stimulé par quelques voyages (1900, Norvège ; 1907, Belgique ; 1909, Pittsburgh, États-Unis). L'artiste est bien représenté dans les musées hollandais, particulièrement à Amsterdam et à La Haye. Le musée d'Orsay (Paris) conserve Deux chevaux blancs tirant des pieux à Amsterdam (v. 1897-1898) et Clair de lune.