Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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musées de peinture (suite)

Les musées de création récente

Dans les pays neufs, tels ceux de l'Amérique du Sud (création du musée de São Paulo en 1946) et ceux de l'Amérique du Nord, l'absence de passé national ainsi que le désir de mettre l'instruction au niveau de tous entraînèrent à la fin du XIXe s. et au début du XXe la création de musées qui comptent à l'heure actuelle parmi les plus importants du monde, dont ceux de Boston (Museum of Fine Arts), Detroit (Institute of Art), Cleveland (Museum of Art), Chicago (Art Institute), Philadelphie (Pennsylvania Museum of Art), New York (Metropolitan Museum).

   Issus des collections d'anciennes académies d'art ou de sociétés savantes, les musées américains ont souvent une vocation encyclopédique essayant de présenter toutes les formes d'art européen, américain ou asiatique. Une exception cependant est constituée par la National Gallery de Washington, créée en 1936 par Andrew Mellon, puis augmentée des dons de Samuel Kress, Chester Dale, Joseph E. Widener, et qui conserve une collection formée uniquement de peintures, une des plus importantes du monde par sa qualité et sa quantité.

   Deux traits sont typiques du goût américain ; le but pédagogique dévolu aux musées est plus encore accentué par la création de musées universitaires (Yale, Harvard), institution inconnue en Europe, sauf en Angleterre (Oxford, Ashmolean Museum ; Cambridge, Fitzwilliam Museum ; Londres, Courtauld Institute Galleries). Par ailleurs, l'absence de passé national lointain a orienté le goût de certains collectionneurs et de certains conservateurs vers l'installation de musées d'atmosphère, recréant une villa vénitienne (Boston, Isabella Stewart Gardner Museum) ou une villa romaine (Los Angeles, musée Getty), ou un monastère du Moyen Âge (Cloisters, département d'art médiéval du Metropolitan Museum, installé à Fort Tryon Park et inauguré en 1938). Une autre tendance dans les musées d'atmosphère est celle des " American Wings " : ainsi la section du Metropolitan Museum où sont recréées des pièces de l'époque coloniale américaine, section qui peut trouver son équivalent dans les musées d'art décoratif européens où sont reconstitués des intérieurs anciens.

Les musées et la peinture moderne

Les achats faits pour Paris par quelques conservateurs ouverts aux nouvelles formes de peinture n'avaient pour ainsi dire pas d'écho en province, et c'est seulement après la dernière guerre que le regret des occasions perdues a vraiment renversé la tendance d'une manière intéressante. Plusieurs dons ou legs importants, ces dernières années, ont même commencé à constituer en différents points des centres d'intérêt réel pour l'art récent (collections Besson à Besançon et Bagnols-sur-Cèze, Farel à Nantes, Granville à Dijon, Lévy à Troyes). À Saint-Tropez, le musée de l'Annonciade reste le témoin des séjours de Signac, Matisse et tant d'autres. Nice, où Matisse vécut, s'enrichit d'œuvres de ce dernier, de Chagall, de Cocteau ; une donation de tableaux de Dufy en 1963 complète cet ensemble moderne. Grenoble s'oriente depuis 1920 vers l'art moderne, lorsque Marcel Sembat, seul amateur français de Matisse à l'époque, fait un legs important des œuvres de celui-ci ; la collection de peinture moderne et contemporaine de la ville est d'une importance et d'une qualité exceptionnelles. Il faut mentionner également les beaux ensembles réunis par les musées de Saint-Étienne et de Marseille. Alors que la France fut le premier pays à installer un musée pour ses artistes contemporains, le musée du Luxembourg, fondé en 1818, les autres pays européens furent plus lents : création de la Neue Pinakothek de Munich en 1853, de celle de Berlin en 1876, de la Tate Gallery en 1897. Mais la France accumula un énorme retard à la fin du XIXe s., préférant l'Académisme à l'Impressionnisme, retard comblé en partie juste après la Seconde Guerre mondiale par la création du musée national d'Art moderne, qui s'efforce de suivre l'actualité de la peinture contemporaine, tout comme le Kunstmuseum de Bâle, la Tate Gallery de Londres et surtout les grands musées d'art moderne new-yorkais (Museum of Modern Art, Whitney Museum of American Art, Guggenheim Museum).

Les musées et le public

Deux problèmes se posent aujourd'hui au conservateur des musées de peinture ; ils trouvent peut-être leur solution dans ces sciences récentes que sont la muséographie et la muséologie.

   La muséographie tente de résoudre le premier problème : celui de la conservation des collections, qui inclut la gestion et la protection de ces dernières contre les nombreux facteurs de destruction.

   L'étude des tableaux dont le conservateur est responsable relève de sa mission muséologique ; étendre la connaissance de ces œuvres, en susciter le goût auprès du public restent l'aboutissement de cette mission. La présentation des œuvres et la fréquentation du public sont liées à ce dernier point.

   Aujourd'hui, on en revient à un " accrochage " plus dense des toiles, selon un goût contraire à la présentation très dépouillée d'œuvres sévèrement sélectionnées, d'après la Seconde Guerre mondiale, qui réagissait elle-même contre la présentation des tableaux sur plusieurs rangs, " en tapisserie ", du siècle dernier et du début du XXe s. ; on peut encore avoir un exemple d'un " musée-clinique " au Guggenheim Museum de New York, où les tableaux sans cadre reposent directement sur le mur nu et blanc.

La seconde moitié du XXe siècle : musées de peinture et création architecturale

Les musées sont depuis le début du XIXe siècle au centre de l'intérêt des architectes. Le mouvement " moderniste " a d'abord son essor aux Pays-Bas (Stedelijk Museum d'Amsterdam, musée de Rotterdam, puis musée Kroller-Müller d'Otterlo, œuvre d'Henry Van de Velde, inauguré en 1938) et en Suisse (Kunstmuseum de Bâle). L'Italie de l'immédiat après-guerre connaît un grand moment avec les personnalités d'Albini (musée de Gènes) et surtout Scarpa (Castelvecchio de Vérone, musée Correr de Venise, G. N. de Palerme), la réorganisation du Castello Sforzesco de Milan, des Offices de Florence ou de la galerie de Pérouse, l'installation du musée de Capodimonte à Naples ; enthousiasme prolongé plus près de nous par l'aménagement du château de Rivoli (Andrea Bruno). L'Allemagne, après la construction de la nouvelle Nationalgalerie de Berlin par Mies Van der Rohe (1968), voit un important mouvement de construction de musées : Neue Pinakotheke de Munich, musée Ludwig de Cologne, musée de Mönchengladbach (Hollein), musées de Francfort (id.), musée de Düsseldorf, Staatsgalerie de Stuttgart (id.), restructuration même des musées de Berlin. La Grande-Bretagne participe plus récemment au mouvement (musée de Glasgow, musée des docks de Liverpool), surtout dans les musées de Londres (ailes nouvelles de la N. G. par Venturi et de la Tate Gallery par Stirling). L'Espagne connaît encore plus récemment une fièvre d'aménagements de musées (centre Reina Sofia de Madrid, M. A. M. de Valence et de Barcelone). Les États-Unis participent à ce concert international, après des " gestes " comme le Guggenheim Museum de New York (Frank Lloyd Wright, 1959) : Kimbell Museum de Fort Worth (Cahn), Center for British Art et musée de l'Université, tous deux à Yale (id.), nouvelles ailes de la N. G. de Washington et du musée de Boston (I. M. Pei), nouveau Getty Museum à Los Angeles (Meier), M. O. C. A. de Los Angeles (Isosaki), musée de San Francisco (Botta). Le Canada (nouvelle N. G. du Canada) et le Japon (à partir du M. A. M. de Tokyo de Le Corbusier) voient aussi la construction de nouveaux musées de peinture d'une qualité architecturale exigeante.