Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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malades mentaux (expression picturale des) (suite)

Analyse statique et analyse dynamique des œuvres

Il apparaît de plus en plus nécessaire d'adjoindre à l'analyse objective des œuvres terminées, et à leur étude subjective au travers des commentaires de leurs auteurs à ce moment, une observation de leur création au fur et à mesure de son évolution et du comportement du malade au cours de celle-ci. Cette observation permet de saisir la dynamique du peintre et de son œuvre : motivations, attitudes, expressions, hésitations, modifications, remaniements, influences, etc. La comparaison de l'œuvre en devenir et " finie ", et de l'analyse de son auteur à ces différents temps est des plus précieuses pour la compréhension du phénomène création.

Expression picturale et thérapeutique

L'utilisation thérapeutique des expressions picturales est indissociable des études et des recherches les concernant, qui l'ont peu à peu permise.

Médium, communication et langage

Dans la mesure où l'on envisage un ensemble patient-œuvre-psychiatre, correspondant à une réalité, on peut considérer que la peinture, en tant qu'objet, a valeur de " médiation ", bien qu'elle ne soit pas que cela. Que le patient ait ou non le désir de communiquer avec l'autre (en l'occurrence le médecin), le fait même que son œuvre est prise en considération par cet autre, le situe dans une dynamique de communication. C'est le problème d'un nouveau langage qui est posé. Les œuvres prennent alors valeur de " message ". Il y a transfert d'une certaine information d'une personne (le malade peintre qui est l'auteur du message) à une autre (le psychiatre, à qui le message est explicitement ou implicitement destiné). Dans cette perspective, on retrouve bien le diagramme classique qui caractérise tout système de communication : source —canal de communication— destinataire.

   En fait, ce schéma topique se révèle, aussitôt formulé, insuffisant. Entre l'auteur et l'objet peinture, support de message, et entre celui-ci et le destinataire, se placent les phénomènes essentiels d'émission, d'élaboration et de réception du message, c'est-à-dire d'un codage de la création en formes et couleurs " signifiantes " et de son décodage.

Thérapeutique par l'expression picturale : créativité libre, enseignement, psychothérapie

La créativité libre, pratiquée en groupe avec des moniteurs spécialisés, apporte une dimension autre à la notion occupationnelle (sortir le malade de sa situation temporaire d'inactivité) de par la valeur qu'accorde immédiatement le patient à son œuvre, à la notion ergothérapique (obliger le malade à fournir un effort), de par son essence de création non rentable, fondée sur cette non-rentabilité ; à la notion sociothérapeutique (intégrer le malade dans un groupe), de par sa nature d'œuvre personnelle jouant un rôle primordial dans la confrontation avec autrui. Le plus souvent, l'apprentissage technique est refusé en vue d'obtenir les œuvres les plus libres et les plus spontanées possible.

   Un enseignement peut cependant parfois être donné par des professeurs soit dans un but de revalorisation individuelle, soit dans celui d'une rééducation ou d'une éducation, d'une meilleure réintégration sociale.

   La psychothérapie par l'expression picturale dépasse de loin le stade du bénéfice immédiat de la créativité en elle-même. L'œuvre s'enrichit de ce qu'elle est médiation explicite entre le patient et le thérapeute. Elle devient matériau par lequel l'inconscient, dans le jeu dynamique du transfert, se révèle dans une chaîne signifiante originale.

   Il est rentable d'utiliser ce mode de psychothérapie, où l'œuvre est un intermédiaire tangible aidant à la verbalisation chez des sujets incapables de soutenir une psychothérapie classique (tête-à-tête ou psychanalyse) de par un niveau intellectuel seulement moyen ou une affection mentale empêchant le contact direct (dissociation profonde ou, à l'opposé, névrose inhibitrice). Cette psychothérapie doit être fluide et adaptée ; elle doit faire place à une psychothérapie purement verbale si le besoin s'en fait sentir. La définition montre qu'elle peut —en dehors des cas où le patient est avant tout un sensoriel— ne servir que de starter ou n'être que phase de début d'une psychothérapie complète. Cela souligne qu'il n'y a nulle opposition entre psychothérapie verbale et psychothérapie par les expressions plastiques, mais bien plutôt jeu dialectique d'une psychothérapie globale. Les séances de psychothérapie sont soit individuelles, soit en groupe. Elles peuvent se faire soit pendant la création, soit à partir d'œuvres déjà créées. Dans ce premier cas, un rythme de séance est choisi : présence constante du psychothérapeute, présence en deuxième partie lorsque l'œuvre est déjà en cours, présence en début et en fin avec isolement du patient pendant l'acte créateur lui-même.

D'un centre d'expression picturale

Un tel centre doit avoir une vocation multiple et pouvoir répondre à des demandes diverses de la part des malades, médecins, chercheurs et étudiants grâce à une infrastructure adéquate. Les rôles essentiels relèvent de la psychothérapie (création libre, rééducation, psychothérapie individuelle et de groupe), de la documentation (bibliothèque-bibliographie, filmothèque-filmographie, iconothèque et clinithèque [automatisation documentaire]), de la recherche (clinique, psychologique, comparative, expérimentale), de l'enseignement (accueil-renseignements, cours-leçons, réunions de travail, expositions, stages).

Malassis (Coopérative des)

En 1965, un groupe d'artistes (Parré, Tisserand, Cueco et Fleury), participants au comité du Salon de la jeune peinture, décident de réagir contre un certain conformisme régnant alors au Salon. Après des expositions annuelles manifestes, ils créent, en 1970, sur ces bases contestataires (et rejoints par 2 autres artistes, Latil et Zeimert, qui n'y restera qu'un an) la coopérative des Malassis sous la forme d'une association. Les artistes de la coopérative (à laquelle tout un chacun peut adhérer en tant que membre passif), tout en continuant une pratique individuelle, effectuent un travail collectif dans une optique descriptive et réaliste proche de celle de la Nouvelle Figuration et tentent une analyse idéologique de la réalité environnante. Ils réalisent ainsi en 1971 l'Appartemensonge (critique symbolique d'un mode de vie conditionné et stéréotypé), en 1972 le Grand Méchoui et la décoration extérieure d'un centre commercial à Grenoble.