Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
P

pigment

Substance à l'état sec, généralement en poudre fine, pratiquement insoluble dans les milieux de suspension usuels, utilisée en raison de certaines de ses caractéristiques, de son pouvoir colorant ou de son pouvoir opacifiant élevé, en particulier dans les préparations de peintures ou d'enduits de protection et de décoration.

   Le pigment chargé est un pigment auquel on a incorporé une ou plusieurs matières de charge (l'oxyde de zinc peut être chargé au sulfate de baryum, le lithopone au carbonate de calcium).

   Le pigment composé est un pigment auquel sont associées des substances auxiliaires, dont certaines matières de charge, pour des raisons exclusivement techniques : le carbonate de baryum précipité, le silicate d'aluminium colloïdal, la silice interviennent respectivement pour améliorer la dispersion des pigments, pour accroître la stabilité physique des peintures, l'aptitude au ponçage des feuilles.

   Le pigment métallique est un pigment à base de métaux ou d'alliages, presque toujours obtenu par procédé mécanique (pulvérisation d'alliages, tels que les bronzes spéciaux, et de métaux, tels que l'aluminium, le zinc, le cuivre, le plomb...), très exceptionnellement par procédé chimique (précipitation), utilisé soit en peinture de décoration (réalisation d'effets de bronzage), soit en peinture de protection (lutte contre la corrosion).

   Le pigment en pâte est une pâte obtenue par broyage de pigments avec certains liants de broyage.

   Le pigment laqué ou laque est obtenu par fixation d'une matière colorante organique, soluble, naturelle ou artificielle, sur un support généralement minéral.

   Le pouvoir colorant d'un pigment est la propriété qu'offre ce pigment à communiquer à son mélange avec d'autres pigments une couleur générale se rapprochant de sa couleur propre. Son pouvoir opacifiant est la propriété qu'il offre, mélangé dans un liant donné et pour une concentration donnée, de recouvrir uniformément la surface d'un support à contraste noir et blanc de manière que, dans les meilleures conditions d'observation et après séchage, l'œil moyen ne distingue les contrastes qu'avec une probabilité de 50 p. 100.

Historique

Les Égyptiens, 6 000 ans avant les Grecs, avaient recours à environ 7 types de pigment : un pigment blanc (sulfate de calcium, gypse ou, plus simplement, plâtre), un pigment noir (d'origine végétale ou animale, os calciné ou charbon de bois), des pigments jaune, rouge et brun (extraits des terres naturelles ou brûlées), un pigment vert (extrait du cuivre) et un bleu très résistant (obtenu, d'après Vitruve, en broyant du sable, des fleurs de natron et de la limaille de cuivre). Les Grecs et les Romains utilisaient 2 pigments supplémentaires (outre le blanc de céruse), dérivés du plomb : le minium (rouge vermillon) et le massicot. Ils connaissaient aussi le vert-de-gris, la terre verte (ou terre de Vérone) et se servaient de laques végétales et animales.

   Les pigments des peintres médiévaux étaient les mêmes que ceux des Grecs et des Romains : pigments stables à base de terres (ocre, jaunes, bruns, rouges) et pigments instables à base de plomb (cinabre, minium) ou de soufre et d'arsenic (orpiment), laques végétales ou animales et lapis-lazuli. Au XVe s., Cennino Cennini cite les couleurs naturelles communément adoptées : le noir (oxyde minéral, sarments de vigne calcinés, cosses d'amandes brûlées, noir de fumée), le rouge (sinopia, ou oxyde de fer rouge ; cinabre, à base de sinopia et de blanc ; cinabre, ou sulfure de mercure naturel ; minium, ou oxyde de plomb ; " sang de dragon ", ou laque résineuse ; laque de garance), le jaune (ocre jaune, ou oxyde de fer ; giallorino ; jaune de Naples, ou antimoniate de plomb ; orpiment, ou jaune composé de soufre et d'arsenic ; ariza, ou gomme-gutte), le vert (terre verte, ou protoxyde de fer ; vert azur, ou oxyde de cobalt ; vert-de-gris, ou acétate de cuivre), le bleu (outremer naturel, ou lapis-lazuli ; azur d'Allemagne, ou oxyde de cobalt).

   De nouveaux pigments ont été inventés depuis cette période : les principales innovations de la chimie des pigments remontent au XVIIIe s. Le blanc de zinc a fait son apparition en 1782, le bleu de cobalt en 1795. En 1828, on a fabriqué l'outremer artificiel ; en 1829, on a mis au point les jaunes de cadmium, le vert émeraude et les oxydes de chrome, et en 1859 est apparu le violet de cobalt. La palette des peintres n'a cessé de s'enrichir au cours du XXe s. ; de nouveaux pigments ont été découverts, tels que le rouge de cadmium, le blanc de titane et les oxydes de fer artificiels. Actuellement, les pigments organiques et inorganiques sont classés en 5 groupes.

Classification

Dans le premier groupe, on classe les pigments inertes à base de fer (oxydes de fer), naturels ou brûlés, solides à la lumière, insensibles aux émanations sulfhydriques, résistants aux alcalins et à l'usure ; parmi eux, on peut citer l'ocre jaune, l'ocre rouge, les ocres de ru, les ocres artificielles, les terres de Sienne (naturelle ou brûlée), la terre d'ombre, la terre d'Italie, la terre verte (vert de Kassel), le brun Van Dyck, le brun de Prusse, le minium de fer, le minium noir, le noir de fer, le fer micacé, le mica et le gris d'ardoise ; les pigments à base d'aluminium, le minium d'aluminium et les poudres d'aluminium ; les pigments à base de manganèse, le violet de manganèse, le violet minéral bleu, le vert manganèse, le bleu de manganèse ; les pigments à base de cobalt, le bleu de cobalt, le bleu ceruleum, le violet de cobalt, le rouge de cobalt, le safre, le smalt, l'azur (silicate de cobalt), le vert émeraude, découvert depuis une centaine d'années ; les pigments de charge, le blanc de craie, le blanc de baryte, le talc, le kaolin, le gypse. Au même groupe s'ajoutent les noirs minéraux (craie noire, noir de charbon, noir de terre) et de calcination (noir de fumée, de charbon de bois, de noyaux, d'os, de bitume).

   Dans le deuxième groupe, on classe les sulfures : les sulfures de cadmium (cadmium citron, jaune, orangé...), les sulfures de zinc (lithopone, blanc de zinc), les outremers (complexe de sulfure de sodium, silicate d'alumine et de soude) et les pigments luminescents (sulfures de zinc, de strontium, de cadmium activés par des phosphorogènes : manganèse, cuivre, cobalt).

   Dans le troisième groupe, on classe les pigments à base de plomb et de cuivre. Ils sont sensibles aux émanations sulfhydriques, peu résistants à la lumière. Tels sont le blanc de plomb, les jaunes de chrome, le vert Véronèse, le vert de Scheel, le vert malachite naturel et les bleus de cuivre, les bleus égyptiens ainsi que les bruns de Florence et de Breslau (relativement solides).

   Dans le quatrième groupe, on classe les pigments divers, tels que le bleu de Prusse et ses dérivés (bleu minéral, cinabre vert, verts anglais) ainsi que le pourpre de Cassius, le vermillon, qui noircit à l'air, et le cinabre.

   Le cinquième groupe rassemble les colorants organiques, artificiels et naturels. Le premier colorant organique artificiel, la mauvéine, a été découvert en 1856 ; en 1859, ce fut la fuchsine et, en 1869, l'alizarine, première synthèse d'un colorant naturel. Les couleurs d'aniline ainsi que les pigments préparés à partir de l'alizarine fixée sur de l'alumine ont remplacé de nombreux produits naturels. On se sert également de rouges laqués, de carmins naturels et de pigments entrant dans la catégorie des cyanides : le bleu monastrel et les verts dérivés de la quinoléine. Entrent dans la catégorie des colorants naturels le stil de grain, la laque de gaude (tige et feuilles de la gaude), le quercitron (écorce), la gomme-gutte (résine) et le jaune indien (le purry obtenu à partir de feuilles de mango fermentées dans de l'urine de vache).