Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Oever (Hendrick Ten)

Peintre néerlandais (Zwolle 1639  – id.  1716).

Resté très ignoré, peut-être à cause de son activité provinciale, il mérite d'être connu dans la mesure même où sa situation marginale a renforcé une originalité pleine de saveur. Élève d'une portraitiste, Eva Van Marle, il débute lui-même comme portraitiste local et, en tant que tel, bien modestement (son plus ancien tableau daté est de 1670). Puis il gagne Amsterdam, apprend chez son cousin Cornelis de Bie et se fait connaître assez vite (dès 1663, il dessine son portrait dans l'Album amicorum du professeur Heyblock d'Amsterdam, aux côtés de Van der Neer et de Van de Cappelle). Après la mort de C. de Bie, en 1665, on retrouve Oever à Zwolle, où il se marie en 1675. À côté d'une abondante production de portraitiste, dans la manière mondaine en vogue à Amsterdam dans la seconde moitié du siècle, sous l'influence de Van der Helst, certains portraits de Prédicants de Zwolle (Zwolle, Grootekerk) restent d'une belle et prenante rigueur ; ce sont surtout les paysages d'Oever qui méritent attention, souvent confondus avec ceux d'Albert Cuyp ou de Potter, aux signatures plus flatteuses, ou encore d'Ossenbeek ou de Joris Van der Hagen ; ils sont pourtant exceptionnels dans leur parti pris insolite d'immenses étendues sous une lumière insistante qui cisèle les choses, comme dans le très curieux Paysage aux environs de Zwolle (Édimbourg, N. G.), avec des baigneurs au premier plan, longtemps attribué à Cuyp, mais en fait signé et daté de 1675, presque irréel dans sa précision figée et limpide. D'autres paysages non moins poétiques sont à signaler à l'Inst. of Arts de Detroit (faussement signés Potter, 1645), au musée de Twenthe, et au musée Bredius de La Haye, où le Coin de bois avec ruine (signé) a la densité fouillée d'un Courbet. Un tableau original au musée de Zwolle, la Carcasse de porc, visiblement inspiré du Bœuf écorché de Rembrandt, présente, en mineur, les mêmes qualités.

Oiticica (Hélio)

Artiste brésilien (Rio de Janeiro 1937 – id. 1980).

Pionnier de l'art concret brésilien dans le milieu des années cinquante, influencé par le constructivisme et les travaux de Malévitch, Hélio Oiticica explore progressivement l'espace de la peinture en introduisant le spectateur dans des environnements tridimentionnels qui constituent chaque fois des lieux d'expérimentation " corporelle " de la couleur. Ses premiers monochromes quittent la surface du plan pour devenir des Reliefs spatiaux, puis des Pénétrables. Dans l'esprit festif du Brésil des favelas, l'activité artistique d'Oiticica prend la forme plus éphémère de performances lors de séances de danse rituelle effectuée avec des Parangolés (1964), " habits de lumière " assemblant des tissus de récupération. Il s'agit pour l'artiste de créer les conditions d'un nouvel hédonisme, de faire de l'art un authentique espace de liberté pour le corps débarrassé des contraintes sociales coercitives. C'est le contexte d'apparition de la série des New-Yorkaises, série de maquettes et d'environnements labyrinthiques réalisés à New York où il s'est installé au cours des années 70 (1970-1978). Une importante rétrospective de son œuvre a été présentée à Paris (Galerie nationale du Jeu de Paume) en 1992.

O'Keeffe (Georgia)

Peintre américain (Sun Prairie, Wisconsin, 1887  – Santa Fe, Nouveau-Mexique, 1986).

Élève de William M. Chase, puis d'Arthur W. Dow, G. O'Keeffe se révolte vite contre l'Académisme et l'imitation des peintres européens. En 1916, alors qu'elle enseigne le dessin dans une petite ville du Texas — selon la méthode orientale de disposition du noir et du blanc —, elle fait la connaissance de son futur mari, le photographe et marchand new-yorkais Stieglitz. Celui-ci expose la même année quelques-unes de ses esquisses au fusain, à sa galerie 291. L'espace de ses toiles se remplit très tôt de gigantesques fleurs en premier plan, technique sans doute issue, bien qu'elle s'en défende, de l'art de son mari. Mais, par ce procédé, elle ne s'écarte du réel que dans la mesure où l'objet, isolé, devient symbolique (Tache noire n° 2, 1919, Buffalo, coll. Levick ; Iris noir, 1926, Metropolitan Museum). Les paysages du Nouveau-Mexique, où elle s'établira en 1940, la marquent profondément ; mais ses peintures de collines désolées et infinies sont toujours marquées d'un symbole mystique dont le rôle plastique est parfois étonnant : ainsi Croix noire (1929, Chicago, Art Inst.), où l'espace de la toile est asymétriquement divisé par une gigantesque croix indienne en " premier plan ". Comme pour les précisionnistes, la ville et ses gratte-ciel seront l'un de ses thèmes favoris pendant plusieurs années (New York la nuit, 1929, Lincoln, Sheldon Gal.). Cependant, durant cette même période, O'Keeffe peint l'une de ses plus remarquables toiles, Lake George Window (1929, New York, M. O. M. A.). Pour la première fois, l'objet — la fenêtre — est littéralement transposé sur la toile sous un angle de vue frontal et selon une absolue symétrie axiale, délibérée. Avec ses stricts plans à angles droits, l'artiste semble déjà soulever le problème de la surface même de la toile, tel qu'il sera posé par la génération d'après 1945. Après une importante rétrospective à l'Art Inst. de Chicago (1943), l'évolution de Georgia O'Keeffe se poursuit par des toiles où la référence au réel n'est jamais exclue, mais rendue insolite par l'intrusion de formes géométriques pures (Patio avec nuage, 1956, Milwaukee, Art Center). Les fréquents voyages aériens qu'elle effectue au cours des années 60 lui inspirent une série d'œuvres — basées sur les rivières vues de haut — dans laquelle les formes sont encore plus simplifiées et la lumière plus éclatante. D'importantes rétrospectives de son œuvre ont eu lieu à New York (Whitney Museum en 1981 et Metropolitan Museum en 1984).

Oldenburg (Claes)

Artiste américain d'origine suédoise (Stockholm 1929).

Considéré comme l'un des représentants les plus brillants du pop art américain, Oldenburg passa la majeure partie de son enfance et de son adolescence aux États-Unis. Il étudia à l'université Yale (1946-1950), puis à l'Art Inst. de Chicago (jusqu'en 1954), exposa dès lors dans des galeries locales, mais son œuvre ne prit un tournant décisif qu'après son arrivée à New York en 1956. Fort impressionné par le spectacle de la rue, Oldenburg fut l'instigateur, à côté d'artistes tels que Dine, Samaras ou Kaprow, des premiers happenings. La plupart de ces événements parathéâtraux prirent place à la Judson Gall., qui joua alors un rôle décisif dans le lancement de jeunes artistes partageant une même et nouvelle esthétique. En 1959, Oldenburg y exposa " The Street ", une série d'objets en carton et papier mâché inspirés par l'environnement urbain, qui rappellent dans une certaine mesure les créations de l'Art brut prônées par Jean Dubuffet. Plus originaux encore furent les objets du " Magasin " (The Store, 1961, présenté pour la première fois chez Martha Jackson, lors de l'exposition Environments, Situations, Spaces). Le réalisme de ces œuvres est contredit à la fois par leurs proportions souvent gigantesques et par leurs surfaces, ruisselantes et bariolées, évocatrices, sur un mode parodique, des taches, des " drips " ou de l'automatisme de l'Expressionnisme abstrait (Red Tights, 1961, New York, M. O. M. A.).

   Prenant les objets les plus familiers, ceux de la cuisine ou de la salle de bains notamment, Oldenburg les agrandit, les déforme, leur inflige d'autres consistances (Giant Soft Fan-Ghost Version, 1967, musée de Houston), les métamorphose et établit entre eux d'étranges équations (Autoportrait, 1970). Depuis 1965, Claes Oldenburg a conçu une série de projets de monuments fantastiques, où la notion d'environnement n'est plus limitée par les murs de la galerie mais s'affronte directement à l'espace urbain (Proposed Colossal Monument to replace the Washington Obelisk, Washington D. C. : Scissors in Motion, 1967, New Canaan, Conn., coll. Philip Johnson).

   Les carnets de croquis d'Oldenburg et ses grands dessins composés en pleine page, — esquisses ou dessins d'ingénieur —, font varier les significations des objets groupés par analogie formelle au gré de sa virtuosité. Le Stedelijk Museum d'Amsterdam et le M. N. A. M. de Paris ont montré une exposition de ses dessins en 1977. Une rétrospective lui a été consacrée (Washington, N. G. of Art) en 1995 suivie par une exposition (New York, Bonn, Londres) en 1996.