Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
C

Carrand (Louis)

Peintre français (Lyon 1821  – id. 1899).

Né dans une famille aisée, il débuta dans l'atelier du paysagiste Fonville, puis, préférant travailler sans autre maître que la nature, il partit pour l'Italie et le midi de la France. En 1865, des revers de fortune le contraignant à de modestes emplois, il ne put peindre qu'à ses moments de loisirs, dans la campagne des monts du Lyonnais : Collonges et Saint-Cyr-au-Mont-d'Or lui ont inspiré ses meilleures études. Ses premiers essais le rapprochaient des peintres de Barbizon, mais très vite il se détacha de l'étude des formes. Séduit par les théories optiques de Chevreul, comme son compatriote et ami Ravier, il s'appliqua, à l'aide de touches juxtaposées claires et argentées, à traduire les brumes et les effets de lumière (Paysages au soleil couchant, Louvre). En cela, il fut un précurseur direct des impressionnistes, sans avoir eu pourtant de contact réel avec eux. Il est largement représenté au musée de Lyon ainsi qu'aux musées de Bagnols-sur-Cèze et de Grenoble.

carreau (mise au)

Procédé permettant de reproduire à la même échelle ou à une échelle différente un modèle original peint ou dessiné. Pour " mettre au carreau ", on trace (à la sanguine, au charbon) des lignes verticales et horizontales, régulièrement espacées et se coupant à angle droit, sur toute la surface du modèle et on reproduit les divisions ainsi obtenues, ou carreaux, sur le support destiné à la copie. Pour ne pas endommager certains tableaux, on tend des fils entre les points de divisions ; le quadrillage n'est ainsi qu'apparent. Pour les mêmes raisons, le quadrillage des miniatures est exécuté sur un papier transparent (calque).

Carreño de Miranda (Juan)

Peintre espagnol (Avilès 1614  – Madrid 1685).

D'une famille noble asturienne, il vint à Madrid à l'âge de onze ans et entra dans l'atelier de Pedro de las Cuevas, puis travailla avec Bartolomé Román, imitateur de Rubens, mais disciple de Velázquez. Ses premières œuvres le montrent entièrement inféodé au style et à la technique des Flamands et dénotent déjà un sens de la composition classique, rare chez les maîtres espagnols. Le Saint François prêchant aux poissons (1646, Villanueva y Geltrú, musée Balaguer) et surtout l'Annonciation (1653, Madrid, hôpital de la Orden Tercera) décèlent des emprunts évidents à Rubens. L'ampleur des formes, l'aisance du dessin, l'éclat des couleurs, la lumière dorée ne doivent rien aux compatriotes de Carreño. Il semble bien que sa production ait augmenté considérablement entre 1650 et 1660, période où apparaissent de nombreuses toiles religieuses signées et datées. Carreño, qui assumait une charge officielle à la cour du roi Philippe IV, rendait souvent visite à Velázquez ; ce dernier, probablement entre 1655 et 1659, selon Palomino, lui proposait de l'aider pour la décoration du salon des Miroirs à l'Alcazar de Madrid. Carreño, qui possédait la technique de la fresque, entreprit deux compositions (disparues dans l'incendie de l'Alcazar en 1734). La coupole de S. Antonio de los Portugueses, exécutée sur un projet de Colonna et fortement retouchée par Giordano, ne permet pas d'évaluer avec précision la science de l'artiste dans ce domaine, de même qu'une coupole de la cathédrale de Tolède, entièrement repeinte au XVIIIe s. par Maella. En 1657, le maître asturien représentait le Songe du pape Honorius dans l'église du collège Saint-Thomas de Madrid ; cette composition, auj. disparue, avait suscité l'admiration du décorateur italien Michele Colonna, qui déclarait que Carreño était le meilleur peintre de la cour d'Espagne. Sa collaboration étroite et permanente avec Velázquez peut être considérée comme le tournant capital de son évolution ; c'est à ce moment-là que le peintre, sans renoncer à l'esthétique flamande, lui insuffle les sentiments de gravité et de passion qui lui donnent alors un cachet authentiquement espagnol. Seul véritable disciple de Velázquez, Carreño résolut, grâce à lui, les problèmes de lumière, d'atmosphère et d'espace d'une manière tout à fait novatrice. Cette transformation, déjà sensible dans le Saint Dominique (1661, musée de Budapest), devient évidente avec le chef-d'œuvre de Carreño, la Messe de fondation de l'ordre des Trinitaires (1666, Louvre), toile exécutée pour les moines trinitaires de Pampelune. Dans un espace clair et lumineux, défini suivant les conceptions de Velázquez, les personnages sont harmonieusement groupés ; le recueillement, l'expression extatique des visages surprennent par leur intensité ; les couleurs vives et riches — bleu, rouge, ors bruns —, appliquées avec vigueur, font penser au romantisme polychrome de Delacroix. Carreño réalise dans d'autres toiles de la même période un heureux compromis entre l'exemple de Velázquez, le souvenir de Titien et le style septentrional, auquel il demeure attaché : Sainte Anne (1669, Prado), l'Immaculée Conception (1670, New York, Hispanic Society), l'Assomption (musée de Poznań). En 1669, il fut nommé peintre du roi, et en 1671 " pintor de Cámara " ; il s'affirma dès lors comme portraitiste. Outre de nombreux portraits de Charles II enfant (Berlin ; Vienne, coll. Harrach ; Prado), où l'image qu'il a laissée du petit prince débile est saisissante, Carreño de Miranda a représenté à plusieurs reprises la Reine Marianne en costume de veuve (Prado ; Vienne, K. M.). Il a laissé également de prestigieuses effigies de hauts personnages de cour, tels que le Marquis de Santa Cruz (Madrid, coll. part.), le Duc de Pastrana et l'Ambassadeur russe Potemkine (Prado).

Carriera (Rosalba)

Peintre italien (Venise 1675  – id. 1757).

Elle débuta comme miniaturiste, mais se consacra bientôt à l'art du portrait, dans lequel elle excella. Son style régulier est d'une grâce vaporeuse dont l'usage exclusif du pastel facilite le rendu. Les seigneurs vénitiens, insouciants et galants, les étrangers voulant garder le souvenir de ce milieu devinrent bientôt ses meilleurs clients. La peinture de Rosalba fut influencée par celle de Gian Antonio Pellegrini, beau-frère de l'artiste et champion du rococo vénitien avec Ricci et Amigoni. À ce goût appartiennent les couleurs claires et aérées, le sfumato des formes, comme effrangées, la sensibilité mondaine et souriante, mais très cordiale et humaine, la grâce poudrée des dames et des chevaliers. Rosalba reçut des commandes du duc de Mecklembourg (1700), de Frédéric IV de Danemark (1709) et de l'Électeur de Saxe (1717). Tout au long de sa vie, elle fut très recherchée particulièrement par la cour de Dresde. En 1720, elle se rendit à Paris, où elle remporta un succès extraordinaire. Le Portrait de jeune fille (Louvre) laisse entrevoir dans la fraîcheur particulière de ses notes psychologiques ce qui rapproche l'artiste du goût français. Mais il faut noter, en revanche, que les portraitistes français ne furent pas insensibles à l'influence de l'artiste vénitienne. En 1723, elle fut à la cour d'Este à Modène, et en 1730 à Vienne. Sa vieillesse fut assombrie, à partir de 1746, par la maladie.

   Parmi les portraits d'hommes les plus remarquables de l'artiste, signalons celui du Comte Nils Bielke (1729, Stockholm, Nm), composé avec la légèreté typique de Carriera et selon la manière bien structurée de Fra Galgario, ou celui d'un Gentilhomme (Londres, N. G.), raffiné dans la disposition habile des différents plans. Parmi les portraits féminins se détachent ceux de la Danseuse Barberina Campani (Dresde, Gg) et de Caterina Barbarigo (id.), noble dame d'une coquetterie distinguée et dont les vêtements sont arrangés selon un jeu complexe de facettes.

   L'artiste est particulièrement bien représentée à Dresde (Gg). La Ca' Rezzonico et l'Accademia de Venise conservent également des ensembles de pastels.