Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Byss (Johann Rudolf)
ou Johann Rudolf Bys

Peintre d'origine suisse (Coire  1660  – Würzburg  1738).

Il fut formé à Soleure par son père Joseph, aux côtés de ses trois frères. Selon son propre témoignage, il parcourut l'Allemagne, la Hollande et l'Angleterre avant de venir s'installer en 1689 à Prague. Il fut d'abord directeur de la galerie de tableaux du comte Czernin, mais son activité picturale devint très vite importante et influença le jeune Peter Brandl. En 1704, il se rendit à Vienne pour exécuter des fresques commandées par la famille impériale. En 1707, il séjourna à Rome. En 1713, il devint peintre de la cour du prince-évêque à Bamberg. À partir de 1716, il dirigea la décoration de diverses résidences, en particulier celle de Pommersfelden ; il rédigea le premier catalogue de musée allemand pour la galerie de ce château. De 1723 à 1731, il travailla tour à tour à Vienne, Breslau, Göttweig et Göllersdorf, puis dirigea la décoration intérieure de la Résidence de Würzburg. Le style rococo illusionniste de ses grandes décorations, qui reflète aussi le goût bolonais et romain, contraste assez fortement avec ses natures mortes en trompe-l'œil (Buste d'enfant dans une niche décorée de fleurs, 1695, Augsbourg, Staatsgalerie) où Byss apparaît comme l'émule des grands peintres de fleurs flamands, Daniel Seghers et Rachel Ruysch en particulier. Sa prédilection pour les couleurs locales prononcées et son goût du détail le font apparaître comme le dernier représentant d'une tradition fortement archaïsante.

byzantine (peinture) [330-1453]

Le 11 mai 330, l'empereur Constantin Ier le Grand inaugurait solennellement Constantinople, qu'il avait fondée sur les rivages du Bosphore, sur l'emplacement de l'ancienne colonie grecque de Byzance. Lui-même et ses successeurs dotèrent la " Nouvelle Rome " de nombreux édifices religieux et civils, mais, pendant les premiers siècles de son existence, Constantinople ne semble pas avoir joué un rôle dans la formation de l'art chrétien. C'est à Rome, jusqu'à l'écroulement de l'empire d'Occident (476), dans les grandes cités hellénistiques de l'Orient — Antioche, Éphèse, Alexandrie — et en Palestine, sur les Lieux saints, que l'art chrétien prit naissance et se développa. Avec la consolidation de l'Empire sous la dynastie justinienne et tout particulièrement sous le règne de Justinien (527-565), Constantinople commença à occuper une place de premier plan et devint bientôt le centre principal où s'élaborèrent les idées et les formes de l'art impérial et de l'iconographie chrétienne. Il est vrai qu'aucun exemple de la peinture monumentale de cette première période n'est conservé à Constantinople même, mais on peut se faire une idée du caractère de cet art par les vestiges qui subsistent dans d'autres villes de l'Empire, à Thessalonique, au mont Sinaï et à Ravenne, ainsi que par les produits d'arts mineurs dont la provenance constantinopolitaine est certaine, comme les plats d'argent marqués de poinçons avec le portrait de l'empereur.

L'esthétique byzantine

L'art byzantin tel que nous le connaissons est essentiellement un art religieux. Les palais impériaux, les demeures des grands dignitaires de l'Empire ont tous été détruits et seules quelques descriptions, assez sommaires, ont préservé le souvenir de leur décor. Mais, en dehors des éléments purement ornementaux, l'art profane lui-même avait subi l'influence de l'art religieux. Cela est vrai surtout pour l'art symbolique du pouvoir impérial. Tout en conservant les thèmes consacrés par la tradition antique, " on se propose, dès la fin du VIe s. et surtout à la veille de la crise iconoclaste, de substituer une iconographie symbolique chrétienne aux formules romaines habituelles " (A. Grabar). Et en ce qui concerne les formes et l'esthétique, cet art obéit aux mêmes règles que l'art religieux. Tout en faisant la part des modifications stylistiques introduites à des périodes et dans des régions différentes, on peut dégager certains traits essentiels de l'esthétique byzantine.

   Un de ces traits est l'écart entre l'image et la réalité. La figure humaine est " dématérialisée ", on en atténue le poids et le volume, en même temps qu'on limite le mouvement. Les personnages, graves, solennels, tendent de plus en plus à être représentés de face, toute la vie étant concentrée dans le regard intense, dirigé vers le spectateur. On élimine également tout ce qui est accidentel ; les compositions se situent dans un monde à deux dimensions qui est sans rapport avec le monde matériel. Les théories sur le caractère et la fonction de l'image religieuse, intermédiaire sensible entre le fidèle et l'intelligible, ont sans doute beaucoup contribué à créer ce langage artistique, mais déjà dans l'Antiquité des auteurs comme Plotin avaient développé des idées analogues, expliquant que certaines images regardées avec les " yeux de l'esprit " pouvaient montrer l'invisible. Par ailleurs, une tendance vers l'" abstraction " s'était manifestée dans l'art de la basse Antiquité, surtout dans les provinces orientales, où elle a été poussée beaucoup plus loin. À Byzance, héritière des traditions gréco-romaines et où le culte de l'Antiquité demeure toujours, le caractère " abstrait " n'atteint jamais le même degré que dans les œuvres orientales. Le canon classique continue à être observé, les personnages, drapés à l'antique, conservent, même lorsqu'ils sont de face, certains traits de la pose classique. C'est aussi à l'héritage antique que l'on doit les compositions claires et harmonieuses ainsi que la manière de grouper les figures autour d'un axe central. Certains thèmes s'inspirent même des compositions antiques, tels le Christ-Bon-Pasteur, assis entouré des brebis, ou David jouant de la lyre, entouré d'animaux, qui imitent les représentations d'Orphée charmant les bêtes.

   Cette survivance de la tradition antique est donc un autre trait caractéristique de l'art byzantin. On verra plus loin que les différentes " renaissances " byzantines se distinguent par une influence plus grande des modèles antiques, mais il faut aussi insister sur ce fait que, contrairement à l'Occident, le lien avec l'Antiquité n'a jamais été rompu à Byzance. Il importe de rappeler également qu'il n'y a pas eu solution de continuité dans l'activité artistique de Constantinople par suite d'invasions ou de conquêtes. Cette activité a été plus ou moins intense suivant les périodes, mais les ateliers n'ont jamais disparu. Même pendant la période iconoclaste, on continua à représenter des thèmes profanes. C'est ce qui explique la supériorité technique des œuvres exécutées à Constantinople ou par des praticiens provenant de cette ville.

   Le goût des matières précieuses, de la couleur s'observe partout, qu'il s'agisse de mosaïques à fond d'or, d'émaux, d'objets d'orfèvrerie ou de miniatures et d'icônes, peintes également sur un fond d'or. La somptuosité des églises pourrait surprendre à première vue, lorsqu'on songe aux idées religieuses, mais cette somptuosité même était un hommage rendu à la divinité, dont la demeure devait égaler, sinon surpasser par sa richesse, celle de l'empereur, vicaire du Christ. L'art byzantin étant donc essentiellement un art religieux, l'influence du dogme et de la liturgie a été prépondérante dans sa formation. C'est dans les programmes des édifices religieux que cette influence se laisse le mieux observer.

Les programmes iconographiques

IVe-VIIIe siècle

Une lettre écrite vers la fin du IVe s. par saint Nil, en réponse à une demande que lui avait adressée l'éparque Olympiodore pour une église qu'il venait de fonder, conseillait à ce dernier de faire peindre l'image de la croix dans l'abside et de figurer des deux côtés de la nef des scènes empruntées à l'Ancien et au Nouveau Testament " afin que les illettrés, qui ne peuvent lire les saintes Écritures, s'instruisent par le regard ". Ce rôle d'édification de l'image est aussi préconisé par les grands docteurs de l'Église, qui font valoir que la vue, plus prompte que l'ouïe, permet de mieux saisir le sens des événements rapportés par l'Évangile. Pendant cette même période, un autre système de décoration s'élaborait dans les " martyria ", édifices construits sur les reliques d'un martyr, et surtout dans les monuments élevés sur les Lieux saints de la Palestine, qui commémoraient des événements marquants de l'histoire du salut. On y représentait ces événements, par lesquels Dieu s'était manifesté aux hommes, soit dans une apparition momentanée (théophanie), soit par les actes de son pouvoir surnaturel. Aux visions de l'Ancien Testament s'ajoutaient les épisodes de la vie du Christ — enfance, miracles et Passion —, qui correspondaient aux différents aspects des thèmes théophaniques. Alors qu'en Occident le plan basilical des églises favorisa souvent le maintien des cycles narratifs, par exemple le récit de l'Ancien Testament à Sainte-Marie-Majeure à Rome, ou celui du Nouveau Testament à Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne, il semble qu'en Orient, dès cette époque, on ait donné la préférence au programme dérivé du décor des martyria, qui comprenait les visions de l'Ancien Testament et les épisodes de la vie du Christ considérés comme des théophanies. Mais un système unique ne s'était pas encore imposé. Ainsi, à l'église de Peruštica, des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament étaient juxtaposées, tandis qu'à Saint-Démétrius de Thessalonique la dévotion personnelle s'exprimait par une série de mosaïques, en forme d'ex-voto.\IXe-XIe siècle. L'église de plan cubique surmontée par une coupole a été comparée à un microcosme, sa structure rappelant celle de l'Univers, et un type de décor qui nous est connu surtout par des descriptions des IXe-Xe s. tendait à mettre en relief ce symbolisme de l'univers chrétien. L'église, lit-on dans ces interprétations symboliques, est le ciel terrestre qu'habite le Dieu céleste. De la coupole, c'est-à-dire du ciel, le Christ " semblait surveiller la Terre et en méditer l'ordonnance et le gouvernement ". Et sur cette Terre, figurée par les parties de l'édifice au-dessous de la coupole, étaient représentés les prophètes, les apôtres, les martyrs et les saints évêques. Ces différents groupes sont ceux-là mêmes qui, d'après ces mêmes écrits, symbolisent l'Église " préfigurée dans la personne des patriarches, annoncée dans celle des prophètes, fondée dans celle des apôtres, consommée dans celle des martyrs et ornée dans celle des évêques ". Mais l'univers chrétien annoncé par les prophètes ne pouvait être établi que par l'Incarnation ; aussi l'image de la Vierge, instrument de l'Incarnation, occupait-elle une place importante à l'abside.

   Ce type de décor, d'un caractère plutôt abstrait, se fondit avec un autre, qui connut une grande fortune. L'image du Christ pantocrator, maître de l'Univers, représenté en buste, et celle de la Vierge continuent à occuper la coupole et l'abside ; les différentes catégories de personnages sacrés eux aussi sont maintenues, mais l'économie du salut est figurée par un choix de scènes évangéliques liées à l'Incarnation, à la Passion et à la Résurrection, sacramentellement renouvelées par chaque messe. On trouve dans des documents liturgiques des listes de " grandes fêtes ", celles du Seigneur et celles de la Mère de Dieu. Le choix varie parfois d'une liste à l'autre, et ces différences sont encore plus sensibles dans l'art monumental, car le nombre de représentations dans une église était subordonné aux espaces disponibles. Il n'en demeure pas moins que le programme qui s'imposa à partir du XIe s. comprenait les principaux événements de la vie du Christ et aussi la dormition de la Vierge, et qu'au début les miracles et la prédication du Christ en étaient exclus. À la Cène, rarement représentée, on préféra la Communion des apôtres, qui en est l'interprétation liturgique ; derrière l'autel, où le prêtre célèbre le sacrifice eucharistique, on figura le Christ, debout lui aussi derrière l'autel, donnant le pain et le vin aux apôtres.

   Dans les églises de forme basilicale et surtout dans les provinces, comme en Cappadoce, les procédés anciens se maintinrent plus longtemps : les théophanies continuèrent à décorer l'abside, et le cycle narratif fut déployé sur les parois, sans que l'on cherchât à mettre en évidence les scènes qui correspondaient aux fêtes de l'Église.