Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

Maître de la Vierge entre les Vierges
ou Maître fe la Virgo inter Virgines

Peintre néerlandais (actif à Delft dans le dernier quart du XVe s.).

On désigne sous ce nom un peintre dont l'œuvre a été regroupée autour du tableau du Rijksmuseum d'Amsterdam représentant la Vierge entre les vierges. La localisation de son activité à Delft a pu être établie à la fois par la parenté qui relie son style à celui d'enluminures en grisaille typique de la production des ateliers delftois et par les dessins qu'il a donnés pour l'illustration de livres édités notamment dans cette ville. Son art est caractérisé par des visages que l'accent dramatique a rendus caricaturaux. Ses figures féminines, comme celles qui apparaissent dans le tableau qui a servi à le dénommer, sont sans grâce et présentent des visages plats et anguleux. L'âpreté de son style surprend dans des scènes comme celle-ci, qui pourrait être toute de charme, ou dans l'Adoration des mages (musées de Berlin), qui transpose dans une version pathétique une composition de l'école de Haarlem. Par contre, elle sied et devient dramatique dans les thèmes du désespoir, comme la Déposition de croix (Liverpool, Walker Art Gal.), toute de douleur grimaçante, la Déploration du Christ (hôpital d'Enghien, Belgique) ou encore la Mise au tombeau (Saint Louis, Missouri, City Art Gal.), curieusement composée en deux groupes séparés par la trouée d'un paysage. Elle domine dans la plus grande œuvre qui nous soit parvenue de ce peintre, le Triptyque de la Crucifixion (Barnard Castle, Bowes Museum), qui réunit autour du Portement de croix, de la Crucifixion et de la Déposition une foule agitée, nerveuse, dont l'enroulement maniéré des draperies accentue le caractère passionné. Cet art est d'ailleurs servi par une palette sobre où dominent bruns et gris, que réchauffent et font vibrer quelques tonalités éclatantes, tels un rouge strident ou un vert acide. Il reste que l'œuvre actuellement réunie sous le nom donné à ce maître est d'une qualité si diverse que l'on peut penser qu'elle rassemble la production de plusieurs maîtres, sans doute tous delftois et, par là, d'inspiration très voisine. Il en va peut-être de même pour les gravures sur bois, qui sont également très nombreuses : elles figurent dans une quinzaine d'ouvrages publiés entre 1483 et 1500 par Jacob Van der Meer, Christian Snellaert et Eckert Van Homberch à Delft, et également par Gheraet Leu à Anvers. Toute cette production reste l'expression la plus âpre de l'art hollandais du XVe s.

Maître de l'Adoration du Christ de Vienne (Meister der wiener Anbetung)

Peintre autrichien (actif v. 1420).

Ce peintre de panneaux de petites dimensions doit son nom à l'Adoration de l'Enfant (Vienne, Österr. Gal.). On attribue à la même main 4 panneaux de la Passion (autref. coll. Durrieu), une Sainte Marguerite (Vienne, autref. coll. Bondy) et une Adoration des mages (musée de Budapest). Son style présente des rapports étroits avec la peinture du sud de la Bohême entre 1370 et 1390 (Trěboň). La critique voit généralement en lui un peintre important qui fut le maître du peintre dit Hans von Tübingen et du Maître de la Présentation. G. Schmidt place sa période d'activité vers 1420, mais lui refuse en revanche toute influence sur ses contemporains.

Maître de l'Annonce aux Bergers

Peintre italien (actif à Naples entre 1630 et 1660).

Il est considéré comme l'une des personnalités les plus remarquables et les plus intéressantes de la peinture napolitaine entre 1630 et 1640 ; on manque encore toutefois, aujourd'hui, d'informations pour l'identifier. Son nom provisoire vient du sujet d'un tableau du musée de Birmingham, l'Annonce aux bergers, sujet qu'il a souvent traité et qui lui permet, en des compositions denses et dramatiques, de décrire des types populaires fortement individualisés et des moutons, peints avec un sentiment naturaliste intense. Certains critiques proposent toutefois de l'identifier avec Bartolomeo Bassante (v. 1618-1638). Ont été avancés également les noms de Giovanni Do et de Nunzio Rossi. Le Maître de l'Annonce aux bergers se rattache au renouveau du courant naturaliste dans lequel s'illustrèrent, à Naples, apr. 1630, des artistes comme Guarino, Falcone et Francesco Fracanzano. Plus qu'aucun autre de ces artistes, il révèle une connaissance approfondie des œuvres de jeunesse de Velázquez et évidemment de celles de Ribera. Ses œuvres sont conservées dans les musées de Capodimonte et de San Martino à Naples, au Fogg Art Museum de Cambridge (Mass.), aux musées de Besançon, Nantes, Munich, São Paulo, Rimini, Aix-en-Provence (Jacob et Laban), ainsi qu'à Florence (fondation Longhi).

Maître de l'Évangéliaire de Vyšehrad

Peintre tchèque (av. 1085).

Il appartint, semble-t-il, au monastère bénédictin de Břevnov, près de Prague, vers 1085. On le désigne d'après son œuvre, l'Évangéliaire de Vyšehrad (v. 1085, Prague, bibl. universitaire), sommet de l'enluminure romane en Bohême, et qui contient notamment 26 pleines pages enluminées. D'après le texte, cet évangéliaire aurait été écrit et peint pour le couronnement du premier roi de Bohême, Vratislav II (15 juin 1085). D'autres manuscrits proviennent du même atelier : le Codex poltoviensis (Cracovie, bibl. Czartoryski), l'Évangéliaire de Gniezdno ou Codex aureus (Gniezdno, bibl. capitulaire) ; ils contiennent certaines scènes inhabituelles dans l'iconographie de l'époque (Généalogie du Christ, Résurrection des morts). Le Maître de l'atelier est une personnalité importante parmi les enlumineurs de l'Europe centrale ; son style présente des analogies avec celui de l'école bavaroise, surtout avec celui de Ratisbonne.

Maître de Liesborn

Peintre allemand (v.  1445  – av.  1500).

Cet artiste anonyme, peintre westphalien le plus important et le plus fécond de la seconde moitié du XVe s., est ainsi désigné en raison des 5 retables qu'il exécuta après 1465 pour le monastère des Bénédictins de Liesborn près de Lippstadt. De ces retables, seuls subsistent des fragments du retable de la Passion, du maître-autel (conservés à la N. G. de Londres et au musée de Münster). Les 14 éléments de ce retable, qui fut effroyablement mutilé lors de la sécularisation des biens du clergé en 1807, ne forment pas, comme on l'avait longtemps supposé, un retable à volets, mais un panneau fixe. On reconnaissait au centre le Christ en croix avec saint Côme et saint Damien, la Vierge, saint Jean l'Évangéliste, sainte Scolastique et saint Benoît, à gauche 4 registres consacrés à l'Annonciation, la Nativité, l'Adoration des mages et la Présentation au Temple, à droite 4 autres registres, représentant vraisemblablement des scènes postérieures à la Crucifixion.

   Seuls les panneaux de l'Annonciation et de la Présentation (Londres, N. G.) sont intégralement conservés, alors qu'il ne subsiste que quelques fragments des 2 tableaux de gauche et du registre central ; les panneaux de droite ont complètement disparu. La date de 1465, qui, selon les archives, est celle de la consécration des 5 autels, avait longtemps été considérée comme étant aussi celle à laquelle fut achevé le retable, mais le style aussi bien que le donateur indiquent qu'il ne peut être antérieur aux années 1470. Nous ne possédons aucune indication précise concernant l'origine, l'apprentissage et les voyages du peintre, dont le vaste atelier devait se trouver à Soest. Il appartient à la génération de Koerbecke et du Maître du Retable de Schöppingen, dont il fut sans doute l'élève, à en juger par l'influence que ce maître exerça sur son art. Il se distingue cependant de ses aînés par son souci de la perspective, qui constitue la base de ses compositions, et par la minutie avec laquelle il s'efforce de saisir le caractère individuel de chaque objet. Mais son art est avant tout caractérisé par une majestueuse sérénité, qui révèle un contemporain du Maître de la Vie de Marie de Cologne. S'il avait déjà adopté les formules réalistes de la génération de Koerbecke, sa prédilection pour les formes fluides et le coloris délicat le rapproche davantage de la peinture westphalienne de l'époque de Conrad von Soest. Le réalisme de Koerbecke a ici perdu tout élan ; sans le renier, le Maître de Liesborn s'y réfère simplement. La majesté sereine revêt dans son œuvre une signification particulière. À la différence des panneaux plus anciens, le fond d'or au rayonnement magique joue dans ses retables un rôle important.

   Bien qu'attaché à la tradition locale de Westphalie et de Cologne, le maître puise, à l'instar de tous ses contemporains, aux sources flamandes. Ses modèles sont Van der Weyden et surtout Bouts et Memling, avec lesquels il a plus d'affinités. Cette influence se fait jour non seulement dans l'emprunt de thèmes et de compositions, mais aussi dans les combinaisons de sa palette. Ses paysages et certains traits essentiels du style de ses figures sont autant de réminiscences de l'art des Pays-Bas.

   Outre les fragments de l'ancien retable de Liesborn, il subsiste encore quelques autres œuvres. Citons notamment le petit retable de la Résurrection (musée de Nuremberg, et Londres, N. G.), peint pour le couvent franciscain de Sainte-Claire, et une Crucifixion aux multiples personnages, panneau central d'un assez grand retable conservé dans l'église Notre-Dame de Soest. Il existe aussi une série d'autres retables qui semblent être de la main d'élèves ou de peintres ayant travaillé dans le même atelier.

   À ceux-ci se rattachent le retable de la Crucifixion de Lünen, celui du Noli me tangere de Münster (Landesmuseum), qui provient de Soest, et un triptyque de la Crucifixion en l'église Saint-Jacques de Lübeck, qui fut offert par un bourgmestre du nom de Brömbsen.

   Aucun des retables n'est daté. Si l'on suppose que le retable de Liesborn fut réalisé au cours des années 1470, les autres sembleraient remonter aux années 1480 et 1490.