Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Bonnat (Léon)

Peintre français (Bayonne 1833  – Monchy-Saint-Éloi, Oise, 1922).

Bonnat fut d'abord élève de Madrazzo, à Madrid, où habitaient ses parents, puis de Cogniet, à Paris. Il n'obtint que le deuxième prix de Rome, en 1857, mais, grâce aux subsides alloués par sa ville natale, il séjourna, trois années durant, auprès des pensionnaires de la Villa Médicis. Il en rapporta des études prises sur le motif d'une spontanéité et d'une liberté d'exécution que le peintre " arrivé " ne connaîtra plus (musée de Bayonne). Bien qu'il y ait étudié les peintres de la Renaissance italienne, c'est l'influence des peintres espagnols qui l'emporta sur son art, et plus précisément celle de Ribera, qu'il démarqua dans ses œuvres religieuses : le Rachat des galériens par saint Vincent de Paul (1865, Paris, église Saint-Nicolas-des-Champs), Job (1880, musée de Bayonne), et dans ces décorations murales, Martyre de saint Denis (1885, Panthéon). Cependant, l'immense réputation de l'artiste auprès de ses contemporains découla de son talent de portraitiste, et, hormis une période, brillante mais brève, où il sacrifia à l'orientalisme à la suite d'un voyage en Égypte, en Palestine et en Turquie (Chez le barbier oriental, 1872, Moscou, musée des Beaux-Arts-Pouchkine), il se consacra à la représentation des personnalités de son temps. À trente-cinq ans, il était déjà célèbre ; l'impératrice Eugénie l'honorait de sa protection, puis la IIIe République le haussa au faîte de la gloire. Ce fut alors la longue série de ses portraits, parfois solennels et conventionnels, mais si représentatifs d'un aspect de la société de l'époque, et qui ont une valeur de témoignage. Posèrent devant lui les femmes du monde les plus recherchées, Madame Pasca (1874, Paris, musée d'Orsay), Madame Stern (1879, musée de Bayonne), la Comtesse Potocka (1880, id.), Madame Cahen d'Anvers (1891, id.), et combien de célébrités dont les traits sont dorénavant liés pour nous à l'image qu'il en donna, Thiers (1877, musée de Bayonne), Victor Hugo (1879, Versailles), le Cardinal Lavigerie (1888, id.) ou Renan (1892, musée de Tréguier). La qualité de ses toiles est irrégulière, le bitume en a souvent assombri la tonalité ; malgré cela, il en émane une certaine grandeur due à la rigueur de son style et à sa science du clair-obscur. En dépit de son académisme et d'un métier exercé dans une tradition figée, il était lié d'amitié avec des artistes d'avant-garde, tels Manet et surtout Degas. La fortune considérable qu'il sut édifier lui permit de rassembler une des plus importantes collections de son temps, antiquité, sculptures, peintures et plus de 2 000 dessins, maintenant partagés entre le Louvre et le musée de Bayonne, qu'il créa avant d'en faire son légataire universel. Les admirateurs d'Ingres, de Géricault et de Delacroix y trouvent des séries d'œuvres majeures essentielles à l'histoire de ces maîtres.

Bononi (Carlo)

Peintre italien (Ferrare 1569  – id. 1632).

Élève du Ferrarais Bastarolo, qui mourut jeune, il se lie aux Carrache, principalement à Ludovico, dont il se sent plus proche. Doué d'un exceptionnel sens pictural, il assimila la leçon des Vénitiens et s'intéressa au naturalisme de Caravage, qu'il connut au cours d'un séjour à Rome entre 1605 et 1610. On lui doit une série de tableaux religieux d'une grande vigueur (la Vierge de Lorette et trois saints, musée de Toulouse ; les Noces de Cana et l'Ange gardien, Ferrare, P. N. ; la décoration de S. Maria in Vado, à Ferrare ; Saint Louis de Toulouse conjurant la peste, Vienne, K. M.). Se distinguant des Bolonais par une plus grande liberté d'esprit, il conserva toujours une certaine fantaisie romanesque typiquement ferraraise, sans jamais céder à la tendance dominante représentée en Émilie, apr. 1620, par Guido Reni et ses nombreux disciples.

Bonsignori (Francesco)

Peintre italien (Vérone v.  1460  – Caldiero, Vérone, 1519).

Il débuta à Vérone sous l'influence de F. Benaglio. Bien que des références aux Vénitiens comme Giovanni Bellini et surtout Alvise Vivarini ainsi que l'étude de la construction rigoureuse d'Antonello soient évidentes dans ses premiers travaux (Vierge à l'Enfant, 1483, et Pala del Bovo, 1484, Vérone, Castel Vecchio) et qu'il ait adhéré au plasticisme incisif de Mantegna, il garda, à l'égard de ses inspirateurs, une liberté d'interprétation certaine. À partir de 1487, il travailla pour Francesco II de Gonzague comme décorateur (à Mantoue, à Marmirolo et à Gonzaga) sous la direction de Mantegna et comme portraitiste de cour (Portrait d'homme, 1487, Londres, N. G.). Marqué ensuite par la " maniera dolce " de Costa (Christ au Calvaire, v. 1510, Mantoue, Palais ducal ; Saint Sébastien, v. 1510-1514, Curtatone, Santuario delle Grazie), il s'efforça d'introduire, dans ses dernières œuvres, le goût monumental qui s'affirmait au début du XVIe s. (Beata Osanna Andreasi, Mantoue, Palais ducal) et dont il fut sans doute le premier divulgateur à Vérone, où, malgré de fréquentes absences, il n'avait jamais cessé de travailler.

Bonvin (François)

Peintre français (Vaugirard 1817  – Saint-Germain-en-Laye 1887).

Fils d'un garde champêtre, il reçut son premier enseignement de peintre dans des cours du soir gratuits. L'influence de Granet, dont il suivit les conseils, et plus encore celle des Hollandais copiés au Louvre se rejoignent dans son œuvre. Il se plut à la représentation de scènes de genre conventuelles (le Réfectoire, 1872, Orsay), de scènes d'école ou d'intimité domestique empreintes de recueillement, voire de mélancolie. Une touche plus hardie marque ses natures mortes (Orsay), où il exprime davantage de personnalité et de subtilité. Ami de Courbet, il s'associa par l'esprit au mouvement réaliste sans y prendre part. Frappé de cécité, il mourut dans la détresse.

Bor (Paulus)

Peintre néerlandais (Amersfoort v.  1600  – id.  1669).

D'une famille catholique, en Italie de 1620 à 1626, il appartint à Rome à la Bent, dont il fut peut-être l'un des fondateurs et où il portait le surnom d'Orlando. De retour à Amersfoort en 1628, il participe à la décoration du château de Honselaarsdijk pour le compte du prince Frédéric-Henri d'Orange-Nassau sous la direction de Jacob Van Campen ; il décora aussi la Huis-tenBosch. Fortement influencé par Orazio Gentileschi, il s'affirme comme l'un des représentants du Caravagisme utrechtois les plus attachants par le charme poétique de sa simplicité narrative, d'autant plus prenante qu'elle est naïve, par la douceur de son modelé, par son coloris clair et calme, où les gris et les blancs, dominant, mettent en valeur des formes courbes et vraiment monumentales (Allégories du Metropolitan Museum et du Rijksmuseum ; Allégorie de la Logique (?) du musée de Rouen (donation Baderou). La Jeune Bohémienne espagnole (1641, musée d'Utrecht), épisode tiré d'une nouvelle du poète néerlandais Jacob Cats (1637), est l'excellent exemple de ce caravagisme si particulier à Bor, où le réalisme est curieusement tempéré et poétisé par des tendances romaines académiques. L'influence du milieu rembranesque des peintres d'histoire de Leyde et d'Amsterdam s'est d'ailleurs assez vite conjuguée chez Bor avec les données proprement caravagesques, comme en témoignent la Déposition de croix du musée d'Utrecht, l'Adoration des mages de la Société historique " Flehite " d'Amersfoort ou les Filles de Pharaon retrouvant Moïse enfant du Rijksmuseum ; on noterait ainsi des points communs entre Paulus Bor et Salomon de Bray ou Pieter de Grebber. Sa peinture est variée : il peignit aussi des portraits (Portrait de Dame, château de Buckeburg), et une Nature morte extraordinaire (1630, loc. inconnue, unique dans son œuvre).