Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
M

Maso di Banco

Peintre italien (Florence, première moitié du XIVe s.).

Le problème Maso – Giottino – Stefano

Les recherches tendant à définir la personnalité de Maso ont compté parmi les plus complexes de ces cinquante dernières années dans le domaine de la peinture florentine du XIVe s. Mais elles ont offert en outre l'occasion d'étudier et d'individualiser d'autres peintres. Ghiberti cite en effet parmi les élèves de Giotto, après Stefano et Taddeo Gaddi, Maso, qu'il loue beaucoup et à qui il attribue, entre autres, les fresques de la chapelle Bardi di Vernio à S. Croce de Florence. D'autre part, certains documents mentionnent un " Maso di Banco " qui peut être identifié avec le Maso de Ghiberti, puisqu'ils concernent les fresques déjà citées de S. Croce, au sujet desquelles ce peintre entra, en 1341, en conflit avec ses clients. Ghiberti lui assigne également une activité de sculpteur. Vasari, par contre, ignore complètement Maso et attribue à Giottino les œuvres que lui assignait Ghiberti. On peut identifier ce " Giottino " comme étant Giotto di Maestro Stefano, qui est signalé un peu plus tard dans le siècle, ce qui doit évidemment le distinguer de Maso, qui appartient à une génération antérieure. En outre, compliquant encore ce problème, certains documents parlent, à propos des œuvres qui oscillent ainsi entre Maso et Giottino, d'un certain Stefano, sans autres précisions.

   Après toutes ces confusions, les œuvres respectives de ces trois artistes ont été distinguées par la critique grâce à Offner (1929) ; la personnalité de Maso s'est clarifiée, et son catalogue s'est enfin établi, cohérent dans son unité ; par voie de conséquence en est découlé celui de Giottino. D'autre part, Longhi (1951) a posé les bases de l'identification de " Stefano " dont la personnalité artistique correspond sans doute à la personnalité historique de Puccio Cappana.

Les œuvres de Maso

Pour identifier les œuvres de Maso, on a procédé au moyen d'analogies stylistiques en partant des fresques mentionnées de la chapelle Bardi di Vernio à S. Croce (Florence), représentant des Scènes de la vie de saint Sylvestre et la Résurrection d'un membre de la famille Bardi, et on a réuni tout un groupe cohérent : la lunette peinte à fresque avec le Couronnement de la Vierge, également à S. Croce (Opera del Duomo), un polyptyque dispersé entre Berlin (Madone ; 2 autres panneaux détruits en 1945) et le Metropolitan Museum (Saint Antoine de Padoue), et un autre polyptyque (Madone et 4 saints) à S. Spirito à Florence. Il faut ajouter un petit triptyque portatif (Brooklyn Museum), la Madone à la ceinture (Berlin), le Couronnement de la Vierge (musée de Budapest) et la Dormition de la Vierge (Chantilly, musée Condé), ces 3 derniers petits panneaux constituant peut-être à l'origine le tabernacle de la chapelle de la Ceinture au dôme de Prato. Citons enfin des fragments de fresque avec des têtes de saints et d'anges dans les embrasures des fenêtres de la chapelle du Castel Nuovo de Naples (1329-1332) et d'autres fragments (Héraclius porte la Croix à Jérusalem) à S. Francesco de Pistoia. Maso occupe une place à part parmi les élèves de Giotto, d'autant plus importante que son activité se déroula certainement assez tôt dans la première moitié du siècle. Il eut, en fait, un rôle prédominant dans la formation de peintres tels que Giottino, Giovanni da Milano, Puccio di Simone, Giusto de' Menabuoi, Nardo di Cione. D'autre part, au lieu des échanges culturels dont on parle toujours dans le sens Sienne-Florence, il faudrait sans doute, au contraire, plutôt mettre l'accent sur les Lorenzetti, en particulier sur Pietro.

   La peinture de Maso présente deux qualités fondamentales : l'approfondissement des recherches volumétriques de Giotto et la subtilité radieuse de son chromatisme, si vibrant de lumière qu'on a pu appeler Maso le Piero della Francesca du trecento.

Masolino da Panicale (Tommaso di Cristofano Fini, dit)

Peintre italien (Panicale in Valdarno 1383 ?  – ? vers 1440 ).

Il est possible qu'il ait été orfèvre dans sa jeunesse et, ainsi que le signale Vasari, le " meilleur bronzier " auquel Ghiberti ait eu recours pour ses travaux de la porte sud du baptistère de Florence. En tout cas, il n'est inscrit à la corporation des " Medici e speziali " de Florence qu'en 1423, date à laquelle il signe la Madone d'humilité (musée de Brême), œuvre qui, en fait, a peu de rapport avec Ghiberti. En effet, il utilise un rythme linéaire plus souple et plus large, une construction moins stricte, moins calculée et moins académique que ne le fait Ghiberti. D'autre part, il témoigne surtout des qualités de peintre dans l'emploi d'un chromatisme délicat et intense, d'un modelé qui se fait plus dense dans les sombres et qui se fond dans les clairs non pour insister sur le jeu des ombres et des lumières, mais pour rendre la qualité des choses, comme l'avait déjà réalisé Giovanni da Milano. Cette vision, colorée et tendre, avait sa tradition dans le Gothique international en Toscane et se retrouvait chez Lorenzo Monaco et, plus encore, chez des artistes comme le Maître de la Madone Straus, Starnina (le Maître du Bambino vispo), le Maître de 1419 ; elle était chargée, en outre, des fantaisies des nouveaux venus à Florence, tels Arcangelo di Cola en 1419 et Gentile da Fabriano en 1422.

   Le 2 novembre 1424, Masolino terminait la décoration à fresque de la chapelle de la Compagnie de la Croix (ou de S. Elena à l'église S. Agostino d'Empoli), dont il ne reste auj. que les " sinopie ", quelques fragments de décor et les Saints de l'intrados de l'arc d'entrée. Dans une lunette d'une autre partie de l'église, d'importants restes d'une Madone à l'Enfant avec deux anges et un fragment avec un groupe de Jeunes Filles en prière semblent antérieurs à la décoration de la chapelle et même à la Madone de Brême. Par ses évidents rappels de Lorenzo Monaco et du Maître du Bambino vispo, dans une exceptionnelle gamme chromatique, tout à la fois vive et délicate, la Madone de la collection Contini-Bonacossi de Florence (auj. aux Offices) apparaît plus ancienne encore ; sans doute s'agit-il de la contribution la plus haute de la peinture florentine au Gothique international. Les Têtes qui subsistent de la chapelle de la Croix à S. Agostino d'Empoli sont, au contraire, très proches de la Madone de Brême ; quelques-unes, cependant, montrent un clair-obscur plus synthétique et plus net qui fait naturellement penser à la première collaboration de Masolino et de Masaccio à la Vierge et sainte Anne des Offices. Là, la monumentalité de la Madone, les formes massives de l'Enfant Jésus, définies par l'emploi d'un clair-obscur qui semble pétri de terre, révèlent la brusque intrusion d'une personnalité impatiente d'apporter ses idées nouvelles et insoucieuse de la recherche raffinée de Masolino au sein de la tradition gothique.

   Longhi est parvenu à déterminer d'une manière définitive les interventions de Masaccio (la Madone et l'Enfant, ainsi que l'ange, en haut à droite) et celles de Masolino (sainte Anne et les autres anges) dans cette composition. Cette distinction a permis d'éclaircir le problème de la collaboration des deux artistes dans la chapelle Brancacci (Florence, église du Carmine), dont la décoration dut être commandée à Masolino par Felice Brancacci, peu après son retour à Florence, en février 1423. Au XVIIIe s., la voûte a malheureusement été repeinte, et un autel massif a été établi sur la paroi du fond. À Masolino revient la Tentation d'Adam et Ève, sur le pilastre droit de l'entrée, la Résurrection de Tabitha (à l'exception de la place et des édifices du fond), sur la paroi de droite, et la Prédication de saint Pierre, sur la paroi du fond. Adam et Ève chassés du paradis, sur le pilastre gauche de l'entrée, le Paiement du tribut (à l'exception de la tête du Christ), sur la paroi de gauche, le Baptême des néophytes, sur la paroi du fond, sont l'œuvre de Masaccio. La restauration menée depuis plusieurs années à la chapelle Brancacci a permis la découverte de nouveaux fragments de la frise décorative (avec deux têtes féminines de Musolino). Aux côtés de Masaccio, Masolino (dont les rapports avec l'église du Carmine sont attestés par des documents datés de 1425) tente de donner à ses figures une portée plus ample et plus monumentale et de faire tourner leur volume grâce à un jeu de clair-obscur plus accusé. Mais il n'atteint guère le but recherché, et ses distributions d'ombre n'apparaissent que comme une sorte de bronzage des peaux. Il obtient sans doute les meilleurs effets dans la fresque avec la Pietà, peut-être un peu lourde (auj. au musée de la collégiale d'Empoli), et dans le Triptyque Carnesecchi de l'église florentine S. Maria Maggiore, dont il ne reste actuellement que le panneau de droite avec Saint Julien (Florence, museo diocesano), une reproduction photographique de la partie centrale avec la Madone et l'Enfant, qui a été dérobée à l'église de Novoli, et un panneau de la prédelle au musée de Montauban. Là, Masolino use d'un clair-obscur filtré et diffus (vêtements, tête de l'Enfant Jésus, mains gauches de la Vierge et de saint Julien) ; les résultats obtenus font penser à un Masaccio adouci. Le triptyque était sûrement en place en 1426 et dut être exécuté avant le 1er septembre 1425, date à laquelle Masolino s'est rendu en Hongrie.

   De retour en juillet 1427, il dut, entre 1427 et 1431, terminer à Rome les fresques d'une chapelle à S. Clemente (Scènes de la vie de sainte Catherine et de saint Ambroise ; Annonciation ; Crucifixion ; Évangélistes ; Docteurs de l'Église) et le triptyque à double face de S. Maria Maggiore.

   Mais, là encore, la présence de Masaccio complique l'analyse des œuvres. En effet, il est l'auteur des Saints Jérôme et Jean-Baptiste (Londres, N. G.) du polyptyque, et il est sans doute intervenu d'une part dans l'exécution de l'un des deux autres panneaux de ce polyptique (Philadelphie, Museum of Art, coll. Johnson) et, d'autre part, dans celle dans l'exécution des soldats, en bas à gauche, dans la Crucifixion de S. Clemente. Une certaine différence de style entre les parties exécutées par Masolino lui-même suggère un premier voyage commun de Masolino et de Masaccio à Rome en 1425. En fait, l'ensemble de la Crucifixion est d'une sobriété et d'une profondeur exceptionnelles par rapport à d'autres scènes, comme celle de la Décapitation de sainte Catherine, où l'on remarque même une nette tendance à l'anecdote ; le panneau du polyptyque avec les Saints Matthieu et Libère (Londres, N. G.) paraît voisin des fresques de la chapelle Brancacci si on le compare aux scènes centrales du polyptyque de S. Maria Maggiore (Assomption, Fondation de S. Maria Maggiore, Naples, Capodimonte), si raffinées et élégantes. Cette hypothèse est encore renforcée par le fait qu'en avril de la même année le cardinal Branda Castiglione, commettant de Masolino et titulaire de l'église romaine de S. Clemente, passait par Florence pour retourner, peu après, à Rome, où il travaillait aux côtés du cardinal Rinaldo Brancacci, frère de Felice, commettant de la chapelle de l'église du Carmine. Après avoir exécuté, sans doute à cette époque, la Madone de l'humilité (Munich, Alte Pin.) et deux Annonciations (Washington, N. G.), Masolino peint en 1432, à l'église S. Fortunato, à Todi, la fresque avec la Madone entre deux anges, dont est proche l'admirable cycle des fresques du baptistère de Castiglione Olona (Scènes de la vie de saint Jean-Baptiste, Évangélistes, Docteurs de l'Église, Dieu le Père), certainement réalisées avant celles de la voûte du chœur de la collégiale (Scènes de la vie de la Vierge), qui furent achevées par Paolo Schiavo et par Vecchietta, probablement après la mort du peintre.

   Ici, la culture de la fin du Gothique international, l'expérience masaccienne, une connaissance certaine de la perspective, une nouvelle méditation de Gentile da Fabriano sont autant d'éléments fabuleux qui recomposent une vision heureuse et colorée des hommes et des choses, des architectures et des paysages, figurés dans les tendres couleurs d'un chromatisme clair et rayonnant. Cet héritage artistique servit de base à la révision de la poétique de Masaccio, qu'opérèrent, par la suite, Domenico Veneziano et Piero della Francesca.