Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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quadratura

L'usage de simuler sur les murs, à l'aide de la perspective, des décors scéniques qui prolongent artificiellement l'espace réel était déjà connu de l'art classique. Cet artifice fut repris à la Renaissance, mais il se développa tout particulièrement aux XVIIe et XVIIIe s., où il devint l'objet d'une véritable spécialisation.

   Dans les traités de peinture italiens du XVIIe s., le terme de quadratura est parfois employé pour définir la " veduta ". Les peintres qui pratiquèrent cette spécialité furent appelés " quadraturisti ".

Quaglio (les)

Famille de peintres italiens, originaires de Laino, dans le val d'Intelvi.

Ses plus importants représentants sont Giulio II et Domenico II.

 
Giulio II (Laino 1668-id. 1751) fut l'élève de Franceschini à Bologne et compléta sa formation par des voyages à Parme et à Venise, assimilant les grandes traditions décoratives de Corrège et de Véronèse. Il a laissé des décors de fresques à Udine (Cappella del Monte di Pietà, S. Chiara et nombreux palais), à Bergame (S. Agata, 1700) et à Laibach (cathédrale), où il eut pour collaborateur son élève Carlo Carloni.

 
Domenico II (Munich 1786 – Hohenschwangau 1837) , peintre de théâtre, membre de l'Académie de Munich et de celle de Berlin, fit de nombreux voyages en Italie, en France et en Europe centrale, d'où il rapporta beaucoup de dessins d'architecture, choisissant ses sujets en fonction d'un goût délibérément romantique, comme l'atteste sa série des cathédrales gothiques. Il contribua, d'autre part, à expérimenter et à diffuser la technique nouvelle de la lithographie. En 1832, il fut chargé par le prince Maximilien de reconstruire le château de Hohenschwangau, pour lequel il donna aussi des projets de décors.

Quartararo (Riccardo)

Peintre italien (Sciacca 1443  – Palerme 1506).

Il a surtout travaillé en Sicile (Palerme, Trapani, Agrigente) et à Naples et est l'un des artistes les plus influencés par Cristoforo Scacco, dont il put connaître les œuvres durant son séjour à Naples entre 1489 et 1492, années particulièrement significatives pour le maître véronais. Mais, en dehors de sa manière lombarde tirée justement de Scacco, il faut noter la composante nordique de sa formation, à mettre en parallèle avec la présence d'artistes espagnols et flamands contemporains en Sicile et dans la région napolitaine : le goût précieux et analytique pour le détail, la qualité cristalline et lumineuse de la matière picturale en sont la preuve évidente.

   Parmi les œuvres les plus significatives de Quartararo, citons la Vierge et l'Enfant (Palerme, coll. Santocanale), exécutée en 1491 durant la période napolitaine du peintre et où se fondent les influences d'Antoniazzo Romano et de C. Scacco, et le Couronnement de la Vierge (Palerme, G. N.), un des plus nobles exemples de toute la peinture méridionale où prévalent les éléments nordiques et espagnols.

Quarton (Enguerrand)
ou Enguerrand Charreton

Peintre français originaire du diocèse de Laon (connu en Provence de 1444 à 1466).

Son nom picard était Charreton ou Charretier (et non Charenton), latinisé en Provence en Carton ou Quarton. Sa naissance doit se situer aux alentours de 1415 et son éducation vers 1430-1440. À en juger par les nombreux éléments gothiques de son style, c'est dans le nord de la France qu'il a dû être formé. À la sculpture des cathédrales, il doit l'esprit monumental de sa composition et certains de ses types. En même temps, son art est inconcevable sans la connaissance de celui de Van Eyck, de Campin (le Maître de Flémalle) et de Van der Weyden ; la Picardie des années 1430-1440, qui évoluait dans l'aire de l'État bourguignon, devait faciliter ce contact. Grâce à l'exemple de leur réalisme total, Quarton est un artiste pleinement " moderne " au milieu du XVe s., sensible à la surface des formes selon leur matière, aux traits distinctifs d'un visage ou d'un paysage, aux aspects fascinants, car fraîchement découverts, de la vie citadine. Mais, toute cette richesse du détail, l'artiste la soumet aux forces de synthèse qui lui viennent tant de la France du Nord que de la France du Midi. La séculaire tradition gothique lui a légué le maniement des grandioses arabesques linéaires, à la fois expressives et décoratives. La Provence l'a nourri de sa lumière et de ses paysages, qui lui ont dicté un modelé abrupt, souligné d'une ombre brève, des volumes simplifiés taillés par facettes. Elle mit également Quarton en face d'un peintre comme lui venu du Nord, formé par l'art eyckien et tournaisien, et affecté par le Midi au point d'être le premier à formuler la stylisation " cubiste " provençale : l'auteur du Retable de l'Annonciation, exécuté à Aix entre 1443 et 1445, au moment précis où Quarton habitait cette ville. Toute cette réceptivité tend à prouver que le Picard arriva en Provence relativement jeune. On rencontre Quarton en 1444 à Aix, en 1446 à Arles, en 1447 en Avignon, qu'il ne quittera plus jusqu'en 1466, date à laquelle il est mentionné pour la dernière fois. La date de sa mort nous échappe. Nous connaissons 7 contrats passés entre Quarton et divers clients, noblesse, riche bourgeoisie, clergé et confréries. Ces contrats concernent de grands retables comportant des prédelles et des dais (1446-47, 1452, 1453-54, 1461, 1462-1464 et 1466) ainsi qu'une bannière de procession (1457-58). Deux des peintures décrites par les documents ont été préservées et permettent, par voie de comparaison, de rendre à l'artiste deux œuvres non documentées.

La " Vierge de miséricorde " (Chantilly, musée Condé)

Ce retable a été commandé en 1452, en Avignon, à Quarton et à Pierre Villate, du diocèse de Limoges, par Pierre Cadard, seigneur du Thor, qui désirait faire représenter aux pieds de la Vierge de miséricorde ses parents décédés, accompagnés de leurs saints patronymiques, les deux saints Jean. Le contrat parle également de prédelle sans en préciser le sujet. La question se pose de savoir si le panneau de Chantilly est l'œuvre commune des deux artistes ou de l'un d'eux exclusivement. L'examen du tableau montre qu'il est d'une seule main, et la comparaison avec le Couronnement de la Vierge, dont Quarton est le seul auteur documenté, prouve qu'il s'agit de ce dernier. Il convient donc de conclure que Villate exécuta la partie la moins importante du retable, la prédelle perdue. Aucune œuvre de Villate, artiste important dont la carrière s'étendit jusqu'en 1495, n'est connue. En 1452, au moment de s'associer avec Quarton, il était encore jeune et arrivé récemment en Avignon, ce qui exclut l'idée qu'il ait été formé par Quarton et qu'il faille chercher ses ouvrages parmi ceux que détermine l'influence de ce dernier. Le tableau de Chantilly impressionne par sa composition large et aérée, d'une cadence monumentale.

Le " Couronnement de la Vierge " (musée de Villeneuve-lès-Avignon)

Le contrat, un des plus détaillés de la peinture médiévale (publié inexactement par l'abbé Requin en 1889, puis rectifié en 1940 par H. Chobaut), a été passé en 1453 entre Quarton et Jean de Montagnac, chanoine de Saint-Agricol d'Avignon et chapelain à l'église des Chartreux de Villeneuve. Le tableau, destiné à l'autel de la Sainte-Trinité de la chartreuse, devait être terminé en septembre 1454 ; il ne devait pas comporter de prédelle, mais le dais mentionné par le contrat est perdu. Le programme est très ambitieux ; l'ordre chrétien entier de l'univers y est évoqué : le paradis céleste avec les saints et les élus, le purgatoire, la Terre avec les deux cités saintes de Rome et de Jérusalem et leurs monuments majeurs, enfin l'enfer. La représentation de la Trinité sous la forme de la colombe et des deux personnes absolument identiques est une illustration du dogme de l'identité du Père et du Fils, promulgué par le concile de Florence en 1439. Certains changements de détail, laissés à la liberté du peintre, s'expliquent par des raisons purement artistiques dans le sens de l'allégement et de la clarification plastique. En 1449, malade, Montagnac avait par testament stipulé d'être représenté en donateur avec saint Agricol devant la Vierge, dans un tableau à placer auprès de sa tombe dans l'église des Chartreux ; il semble que, guéri, il ait renoncé à ce projet et fait le pèlerinage de Rome et de Jérusalem. Le Couronnement (aujourd'hui transposé sur toile) serait ainsi la commémoration de ce voyage inoubliable.

   Ce retable révèle Quarton se souvenant des ensembles sculptés des cathédrales du nord de la France : la bande inférieure est strictement à l'horizontale de la Terre et du monde souterrain qui abrite le purgatoire, et l'enfer tient lieu de prédelle ; c'est un véritable linteau qui soutient le tympan, dominé par le groupe de la Trinité (H. Focillon). La tradition des tapisseries et de l'enluminure franco-flamande est également patente dans le voisinage des grandes figures stylisées et des figurines vibrantes de vie, évoquées d'une touche sobre et légère.

   La Provence est liée indissolublement à cette peinture : on y reconnaît ses paysages et, bien plus, le langage plastique particulier qu'elle inspire au peintre. Au XVe s., le style forgé par le Maître de l'Annonciation d'Aix et par Enguerrand Quarton est un des grands styles de l'Europe latine, parallèle à celui de la Toscane et à celui de la péninsule Ibérique (N. Gonçalves, B. Bermejo).