Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Michallon (Achille-Etna)

Peintre français (Paris 1796  – id. 1822).

Fils du sculpteur Claude Michallon, ayant passé son enfance au Louvre avec sa mère, veuve en 1799, il peut exercer très tôt ses dons artistiques. Son goût pour le paysage l'amène de l'atelier de David à celui de Valenciennes, mais il reçoit aussi les conseils de Victor Bertin et de Denouy. Dès 1808, il est remarqué par le prince Youssoupov, grand amateur d'art, qui le pensionne pendant quatre ans. À partir de 1812, il expose au Salon et, en 1817, il est le premier bénéficiaire du prix de Rome du paysage historique avec Démocrite et les Abdéritains (Paris, E. N. S. B. A.). Il obtient alors une première commande officielle, une composition pour la galerie de Diane à Fontainebleau, la Mort de Roland (1819, Louvre). Sa pratique de la nature romaine et des gravures d'après Poussin et Claude Lorrain confirma son appartenance au Néo-Classicisme : Frascati (1822, Louvre), Paysage avec Philoctète (1822, musée de Montpellier) ; malgré certaines concessions au Romantisme naissant inspirées par Salvator Rosa, où s'unissent les deux tendances, son néo-classicisme remporta un succès unanime au Salon de 1819. Les études peintes à Naples ou en Sicile sont, ainsi que les dessins, d'une inspiration plus personnelle, d'une fraîcheur et d'un naturalisme précurseurs (id.). Au début de 1822, Michallon regagne Paris en passant par la Suisse. Avant que la mort n'interrompe brutalement sa carrière, il a le temps de préparer 3 tableaux pour le Salon et d'aller, l'un des premiers, travailler en forêt de Fontainebleau.

   Les lithographes de l'époque s'inspirèrent abondamment de son œuvre (Nouveau Voyage pittoresque en France, 1817 ; Cahier de quatre paysages dessinés d'après nature ; Voyage pittoresque en Sicile de Gigaud de La Salle, 1822-1826). Michallon fut le premier maître de Corot, ce qui accrut sa célébrité. Une exposition lui a été consacrée (Louvre) en 1994.

Michalowski (Piotr)

Peintre polonais (Cracovie 1800  – Krzyztoporzyce 1855).

Il fit ses études à l'université de Cracovie (1815-1820) et de Göttingen (1821-1823) et voyagea fréquemment en Europe. Riche propriétaire foncier en Galicie, il administra ses biens tout en déployant une grande activité politique et sociale. Amateur fort averti, il s'intéressa toujours à la peinture et au dessin, mais c'est au cours de son séjour à Paris (1832-1835) qu'il entra dans l'atelier de Charlet, étudiant en même temps dans les musées la peinture espagnole, la peinture flamande et Géricault.

   Michalowski est surtout connu comme peintre de chevaux, de scènes de batailles napoléoniennes ou polonaises (Bataille de Somosierra, musée de Varsovie), comme portraitiste (Napoléon Ier à cheval, Cracovie, M. N.) et comme peintre de paysans (" Don Quichotte ", musée de Cracovie) et de mendiants, genre où il montre une remarquable pénétration psychologique. Ses compositions vigoureuses, d'un réalisme impétueux, expressif, témoignent d'un talent et d'une aisance technique rares. Par sa facture large, rappelant l'esquisse, le mouvement se communique à toute l'image et les ciels nuageux rougeoient sous l'effet d'une luminosité intense ; ses formes synthétiques, sa composition harmonieuse et hardie (scènes de chevaux) permettent de voir en lui l'un des représentants les plus éminents du Romantisme européen. Michalowski est représenté dans les musées polonais, notamment au musée de Varsovie, qui conserve un bel ensemble de ses œuvres.

Michau (Théobald)

Peintre flamand (Tournai 1676  – Anvers 1765).

Élève de Lucas Achtschellinck, il travailla d'abord à Bruxelles, où il fut inscrit comme maître en 1698, puis revint à Anvers, où il est cité en 1711. Peintre de genre, il imite le style de Téniers le Jeune et, paysagiste, il imite celui de Bruegel de Velours. Il est représenté dans les musées d'Anvers, Tournai, Vienne (K. M.), Rennes, Rotterdam (B. V. B.).

Michaux (Henri)

Poète et peintre français d'origine belge (Namur 1899  – Paris 1984).

Poète avant tout, Michaux le demeure dans son activité de peintre, par laquelle il cherche à exprimer, autrement que par des mots, l'" espace du dedans ". En 1925, il découvre De Chirico, Ernst et surtout Klee, qui influence ses premières gouaches sur fond noir ou bleu. Sa production plastique, régulière et abondante à partir de 1937, s'achemine ensuite vers des aquarelles, des gouaches, des huiles, où le dessin se détache sur de grandes taches confuses (1940-1944). En 1948, une poussée expressionniste fait éclater dans son art une véhémence qu'il n'avait jamais connue (Figure jaune, Personnage sur fond sépia, 1948, Paris, M. N. A. M.). Elle se prolonge, à partir de 1950, dans ses taches d'encre et dans ses dessins exécutés sous l'effet de la mescaline (1956-1960). Ce qui caractérise avant tout l'œuvre graphique de Michaux, où le dessin apparaît comme une autre forme de l'écriture, c'est la place qu'y tient le signe : graffiti nerveux ou idéogrammes proches de la calligraphie orientale. Il publia plusieurs textes sur son activité de dessinateur et de peintre et notamment Émergences – Résurgences (Skira, Genève, 1972). Les œuvres de Michaux figurent dans des coll. part. et des galeries (surtout le Point cardinal à Paris). Le M. N. A. M. de Paris en possède un important ensemble, considérablement enrichi, en 1976, par le fonds D. B. C. Un autre ensemble considérable de dessins, rassemblés par son ami Asger Jorn, se trouve au musée de Silkeborg, Danemark. Le M. N. A. M. de Paris organisa une exposition rétrospective de son œuvre en 1978. Une nouvelle rétrospective Michaux a été présentée (Genève, musée Rath) en 1994.

Michel-Ange (Michelangelo Buonarroti, dit en français)

  • Michel-Ange, Esclave mourant

Peintre italien (Caprese, près d'Arezzo, 1475  – Rome 1564).

La première jeunesse à Florence. Lorsque Michel-Ange fut mis en apprentissage dans l'atelier de Domenico Ghirlandaio (1488), celui-ci était occupé à décorer à fresque le chœur de l'église de S. Maria Novella à Florence, et il n'est pas improbable que le jeune Buonarroti ait appris les premiers rudiments du métier en collaborant à ce travail. Son séjour auprès de Ghirlandaio ne dura pas longtemps, et déjà l'année suivante Michel-Ange fréquentait le jardin de Saint-Marc, où il pouvait étudier les statues antiques de la collection des Médicis et travailler comme sculpteur sous la direction de Bertoldo di Giovanni. De sa première activité picturale, il reste un groupe de dessins à la plume d'après les grands maîtres du XIVe et du XVe s. (Louvre ; Munich, Graphische Sammlung ; Albertina) ; on n'a pas encore identifié, par contre, le petit panneau peint imitant une gravure de Schongauer avec les Tentations de saint Antoine. Même après la mort de Laurent le Magnifique (1492), qui l'oblige à quitter le jardin de Saint-Marc, Michel-Ange continue à préférer la sculpture et les études anatomiques à la peinture : pour trouver référence d'une peinture, il faudra attendre son premier séjour à Rome (1496-1501), lorsqu'il exécute un Saint François recevant les stigmates pour l'église de S. Pietro in Montorio, œuvre dont il n'est resté aucune trace.

La " Bataille de Cascina " et le " Tondo Doni "

Au printemps de 1501, Michel-Ange retourne à Florence, où il assiste à l'exposition publique du carton de Léonard de Vinci pour la Sainte Anne ; il est fasciné par cet entrelacement complexe de corps, dont il tire un dessin actuellement à l'Ashmolean Museum d'Oxford : le trait à la plume est souple et irrégulier, dans l'intention de conserver à l'image dessinée le fluide contour léonardesque. Léonard est à ce moment le premier peintre de Florence, et c'est à lui que la seigneurie de la ville a confié la décoration de la salle du Conseil dans le Palazzo Vecchio. Cependant, à l'automne de 1504, une partie de cette décoration, c'est-à-dire l'histoire de la Bataille de Cascina, est confiée à Michel-Ange, désormais célèbre dans la ville grâce à son David en marbre. En un premier temps, Michel-Ange a dû penser réaliser le thème de la rencontre militaire d'une façon très semblable à cet enchevêtrement d'hommes et de chevaux que Vinci avait imaginé pour la Bataille d'Anghiari : on en reconnaît une trace dans un dessin (Combat de cavaliers) du British Museum. Plus tard, il résolut le thème iconographique en réservant à la bataille le second plan de la peinture, alors qu'au premier plan les soldats florentins, surpris par les Pisans sur le bord du fleuve, se rhabillent en toute hâte. Cette nouvelle solution lui permettait d'exploiter au maximum ses connaissances anatomiques et de célébrer en d'" extravagantes attitudes " et en des " raccourcis difficiles " (Vasari) la vitalité et la beauté du corps humain en mouvement. Le carton de la Bataille de Cascina fut détruit très tôt (1515-16), et il n'en reste que de faibles copies partielles ainsi que quelques dessins (British Museum ; Florence, Casa Buonarroti). Le motif du jeune homme nu prévalant dans le carton pour la Bataille de Cascina réapparaît encore dans le tableau montrant la Sainte Famille, dit Tondo Doni (Offices), commandé pour commémorer le mariage d'Agnolo Doni avec Maddalena Strozzi (célébré entre la fin de 1503 et le début de 1504), mais exécuté un peu plus tard et déjà en rapport avec les premières scènes de la Sixtine. Sans doute, le modèle lointain de cette peinture est-il encore le carton léonardesque pour la Sainte Anne, mais, dans le tondo de Michel-Ange, le lien entre les personnages apparaît plus complexe et plus serré. Les trois personnages (la Vierge, l'Enfant et saint Joseph) meuvent leurs membres herculéens selon un rythme lent et enveloppant, en dialoguant entre eux par de longs regards chargés de signification ; le ton anecdotique des Saintes Familles peintes jusqu'alors à Florence cède la place au caractère sacré et solennel d'un rite classique, auquel assistent d'un air distrait de jeunes athlètes nus. La gamme des couleurs, stridente et métallique, confirme l'intention de Michel-Ange de marquer une coupure nette entre la nature contingente et le monde sublime des personnages sacrés : une solution intellectuelle et d'inspiration classique donnée à la représentation du mythe chrétien, destinée à rester exemplaire pour toute la peinture du XVIe s.