Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
V

Velázquez (Diego de Silva) (suite)

Le second voyage d'Italie

De Malaga, Velázquez s'embarque vers Gênes, retourne à Venise et, par Modène, Parme et Florence, gagne Rome : il y sélectionne les antiques à copier, commande des sculptures à Finelli et y rencontre un véritable succès comme portraitiste : du portrait de son esclave Juan de Pareja (Metropolitan Museum, New York) à celui du pape Innocent X (Galeria Doria Pamphili, Rome) et à ceux de Mgr Camillo Massimi (Kingston Lacy, The National Trust) et du cardinal Camillo Astalli (Hispanic Society, New York). Nommé académicien de Saint-Luc, il réalise les deux vues de la Villa Médicis (Prado), paysage réel où prime le jeu de lumière.

   Il faut un ordre du roi pour rappeler à Madrid le peintre — qui a eu un petit garçon d'une femme inconnue. Est-ce là, ou en Espagne, v. 1648, qu'il peint la Vénus au miroir (Londres Nat. Gallery), nu délicatement sensuel qui appartenait au marquis de Heliche en 1651 ?

Le grand maréchal du palais

Son retour à Madrid ouvre une phase nouvelle de sa carrière. Nommé Aposentador Mayor de Palacio en 1652, Velázquez assume avec conscience des charges administratives parfois lourdes ; il conçoit notamment l'accrochage des peintures de la collection royale dans les sacristies de l'Escorial. La faveur royale lui vaudra en 1659, après l'interminable enquête sur la " pureté " du sang et l'absence d'activités mercantiles, l'habit de chevalier de Saint-Jacques : honneur rare pour un peintre. Velázquez n'en profite que quelques mois. Au printemps suivant, le mariage de l'infante Marie-Thérèse avec Louis XIV lui impose un voyage fatigant à la frontière d'Irun pour y préparer le logement de la Cour et l'entrevue des deux souverains. Velázquez revient en juin après les fêtes, épuisé ; atteint d'une fièvre violente, il meurt après quelques jours de maladie le 7 août 1660. Sa femme ne lui survit qu'une semaine.

   Peu nombreuses, les œuvres de ces dernières années marquent un renouvellement des thèmes et du style : la jeune reine et les enfants qui naissent du mariage royal y tiennent une place prépondérante. Velázquez traite les images de ces créatures frêles et un peu inexpressives, figées dans leurs atours, comme des " harmonies " colorées : les roses pâles et les gris d'argent des parures se marient aux carmins des rideaux, aux ors assourdis des consoles et des glaces. Il substitue aux contours arrêtés un jeu de taches vibrantes qui nuance, modèle, fait miroiter les formes : de là cet aspect " magique " d'un monde clos où tout est suggéré plutôt qu'exprimé, où les objets et leurs reflets se fondent ; de là l'exceptionnelle séduction de certains portraits du Prado (la Reine Marianne, l'Infante Marguerite-Marie en rose) et de ceux qui furent envoyés à la branche autrichienne des Habsbourg, qui ont passé au K.M. de Vienne (3 portraits de l'Infante Marguerite, Infant Philippe Prosper).

   Deux grandes toiles forment comme la synthèse de ces recherches : les Menines, 1656 (Prado), évoquent la vie quotidienne de la famille royale autour de la petite infante, de ses demoiselles d'honneur et de ses nains familiers ; les Fileuses (Prado), qui semblent un peu plus récentes, transportent le mythe de la jeune Lydienne Arachné (la trop habile fileuse persécutée et métamorphosée en araignée par Athéna pour avoir osé la défier dans l'art de tisser et de broder) dans l'atelier royal de S. Barbara, et sous la forme d'une tapisserie, tandis que les ouvrières travaillent au premier plan : le réel et le mythe se fondent en tons amortis et rompus qui ont la douceur d'une tapisserie. Ce dernier Velázquez, dont l'univers poétique, un peu mystérieux, a pour notre temps une séduction majeure, anticipe sur l'art impressionniste de Monet et de Whistler, alors que leurs prédécesseurs immédiats voyaient en lui le réaliste épique et lumineux, celui qui " faisait tomber les écailles des yeux " et qu'à Madrid Manet proclamait le " peintre des peintres ". Une importante rétrospective a été consacrée à Veĺazquez (Madrid, Prado) en 1990.

Veličkovič (Vladimir)

Peintre d'origine serbe (Belgrade  1935).

Diplômé d'architecture, il travaille dans l'atelier de Hegedušić à Zagreb en 1962-63 et réside à Paris depuis 1966. L'authenticité de son talent l'a très vite distingué parmi les peintres de sa génération. Veličković apporte à la conception du fantastique un accent nouveau. Ses Apparences de la peur — cruels témoignages sur la guerre — sont autant de réminiscences d'une enfance angoissée. Son œuvre est dictée par la conviction profonde d'une lutte inéluctable pour un monde différent. Chez ce peintre et ce dessinateur de qualité, la touche large et libre, le vif coloris, aimant les contrastes dramatiques, transforment l'objet en moyen d'expression et mettent le motif de la mort au service de l'humanisme.

   À partir de 1972, Veličković se sert de photographies (en particulier celles de Muybridge) comme point de départ pour ses grandes toiles, dans lesquelles les mouvements des hommes ou des animaux, en blanc sur fond noir, sont toujours décomposés, et toujours confrontés à un réseau de mesure (Chien n° XXIII, 1972, Paris, M. N. A. M. ; les Sept États du saut, triptyque, 1977).

   Dans les années 70, la série des " lieux ", espaces de sol nu devant un mur, devient la place où des corps humains sont torturés. L'intérêt pour le corps en tension reste sensible dans des œuvres telles que Poursuite, 1987, où un chien taché de sang file dans un grand espace de peinture, ou dans une série de personnages de Muybridge, en collages, placés sur des structures géométriques ascendantes (1989).

   Ses œuvres figurent au M. A. M. de Belgrade (Grand Épouvantail, 1963 ; Grande Tête, 1965 ; Grande Tête avec les mouches, 1968), dans les musées européens (Homme qui saute, 1973, Rotterdam, B. V. B. ; Homme II, 1977, Paris, M. N. A. M.) et dans des coll. part. (Orateur, 1971). En 1974, le Kunstverein de Düsseldorf lui consacra une grande exposition.

Vellert (Dirk)

Peintre flamand (connu à Anvers de 1511 à 1547).

Sur ce verrier, qui fut aussi peintre et graveur, les textes apportent peu d'indications biographiques. Mentionné jusqu'en 1540, Vellert s'inscrivit comme maître verrier en 1511 et fut doyen de la corporation en 1518 et 1526. Ses derniers tableaux sont datés de 1544. Peu connu de son temps, il est cependant nommé trois fois par Dürer dans son journal au cours du voyage aux Pays-Bas en 1520, et c'est à lui que furent commandés la verrière de Notre-Dame d'Anvers (1539-40) et des cartons pour les vitraux de la chapelle de King's College à Cambridge (1516-1531, in situ). À ses débuts, Vellert subit des influences diverses : celle du Maniérisme anversois (Nativité, Vienne, K. M.), celle de Mantegna, de Marcantonio Raimondi et celle de Dürer (Triomphe du Temps d'après Pétrarque, 1517, vitrail, Bruxelles, musée de l'Armée). Si, dans les années 1522-1532, son style se libère, il n'en reste pas moins fidèle au goût gothique flamboyant, ce qui explique sa faible influence sur ses contemporains. À l'exemple de Dürer ou de Lucas de Leyde, à qui il doit peut-être la connaissance de la gravure et certains motifs, il se met à cette technique, dans laquelle il traite des sujets souvent religieux ornés de médaillons, d'armes, de portraits, de guirlandes et de blasons, qui présentent, comme ses nombreux dessins, des personnages au canon trapu, proches de ceux, encadrés par des architectures compliquées, de l'Adoration des bergers (musée de Lille) ou du triptyque de l'Adoration des mages (Rotterdam, B. V. B.). Plus encore que Quentin Metsys ou que Mabuse, à qui il s'apparente dans ses dessins de nus, il se rattache aux générations précédentes par son art raffiné et volontiers archaïsant.