Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
B

Boccaccino (Boccaccio, dit il)

Peintre italien (Crémone v.  1465  – id. v.  1525).

Crémone, relais entre Venise et l'Italie centrale, fut le principal centre de son activité, surtout après 1506 : il y devint le chef d'une véritable école. Élève d'Alvise Vivarini, il se forma dans les ateliers de Ferrare (où il est mentionné au service du duc Ercole Ier de 1497 à 1500), fortement marqué par les interventions d'Ercole de Roberti et le style doux de Costa (Chemin du Calvaire, Londres, N. G. ; Mort de la Vierge, Ferrare, P. N. Il fut ensuite attiré à Venise (où il se trouvait av. 1505) par l'art pastoral de Cima da Conegliano et le luminisme de Giorgione (Sainte Conversation, Venise, Accademia ; Circoncision, Crémone, Dôme). Il fut également sensible à l'influence de Bramantino et aux problèmes de perspective (Annonciation, id.) et il étudia certainement des gravures nordiques.

   Le Saint Jean et le Saint Matthieu, vestiges d'un polyptyque disparu (Florence, Pitti, donation Contini-Bonacossi), témoignent de l'intérêt pour Dürer. L'important ensemble de fresques de la nef du dôme de Crémone (1515-19) révèle sinon une forte originalité, du moins ce style large, animé, pittoresque et raffiné qui lui valut un réel ascendant sur les artistes lombards.

Boccati (Giovanni)

Peintre italien (Camerino ; connu en Ombrie de 1445 à 1480).

Né à Camerino, dans les Marches, au moment des troubles suscités par les da Varana, seigneurs de la cité, il passe sans doute très jeune à Pérouse, où, en 1445, il demande la citoyenneté. En 1446, il reçoit la commande de la " pala " des Flagellants (auj. en partie repeinte, à Pérouse, G. N.). Il est à Padoue en 1448, puis à Urbino v. 1460, où il décore à fresque une salle du Palais ducal avec les Hommes illustres. Entre 1462 et 1470, il retourne à plusieurs reprises à Camerino, où son nom figure sur de nombreux documents. Pour la commune de Macerata, il peint le Triptyque de l'église S. Maria de Seppio (Madone ; Saint Sébastien, 1466) et le grand Polyptyque de l'église S. Eustachio de Belforte (1468). La " pala " d'Orvieto (Madone et quatre saints), auj. au musée de Budapest, date de 1473 ; en 1479, Boccati peint une Pietà pour S. Agata de Pérouse (G. N.) ; deux œuvres exécutées en 1480, perdues, sont signalées par des documents.

    Boccati est le peintre le plus original et le plus représentatif de la culture composite, née de la tradition " expressionniste " du trecento et de la version la plus élégante et raffinée du Gothique " courtois ", celle de Gentile da Fabriano, qui s'épanouit dans les Marches et l'Ombrie vers le milieu du XVe s. Cet art s'enrichit du nouveau langage pictural de la Renaissance sous l'influence de Fra Angelico, dont le Polyptyque des Dominicains arriva à Pérouse en 1437, et celle de Domenico Veneziano, qui travailla en Ombrie en 1438. Après 1450, Boccati se sent attiré par la Renaissance padouane, comme beaucoup d'artistes des Marches, tel Girolamo di Giovanni, que certains ont considéré à tort comme son fils.

   La grâce de ses anges et les gestes de ses personnages restent un peu monotones, et cette impression est surtout ressentie dans ses dernières œuvres, dans lesquelles on ne retrouve plus les fraîches inventions de sa Madone et l'Enfant (Pérouse, G. N.) ou de sa Madone entourée d'anges musiciens (musée d'Ajaccio).

   Les productions les plus remarquables de Boccati sont ses paysages lumineux qui basculent en d'invraisemblables perspectives ou sont minutieusement décrits jusqu'à l'extrême horizon (prédelle de la " pala " des Flagellants ; la Madone aux anges de la fondation Berenson à Settignano ; Calvaires du musée d'Esztergom et de la Ca' d'Oro à Venise). Étonnante aussi paraît la façon dont Boccati transpose en termes imaginaires le monde classique, qu'évoquent des architectures fragiles et des bas-reliefs en trompe-l'œil.

Boccioni (Umberto)

Peintre italien (Reggio di Calabria 1882  – Vérone 1916).

À Rome en 1901, il fréquente avec Severini l'atelier de Balla, qui eut une influence déterminante sur sa formation. Après un séjour à Paris en 1906, il s'installe à Milan l'année suivante. Dans la série des Banlieues (1908-1910), les thèmes sociaux, le naturalisme rigoureux, la composition volontairement asymétrique, les hallucinantes perspectives en hauteur rejoignent l'esthétique de Balla et du divisionnisme italien. Un art de suggestion mentale se substitue progressivement au vérisme imitatif des premières œuvres, où se retrouvaient un symbolisme social (la Ville qui monte, 1911, New York, M. O. M. A.) et une analyse émotionnelle exaspérée : le Deuil (1910), la célèbre série des États d'âme (1911), les Adieux (Milan, G. A. M.), Ceux qui s'en vont (id.), Ceux qui restent (id.). En développant ses premières recherches divisionnistes, Boccioni atteint à des effets dynamiques déjà proches des conceptions futuristes : Rixe dans la galerie (1910, Milan, Brera).

   En 1910, il se lie avec le poète Marinetti et les peintres Carrà et Russolo. De ces rencontres naquit le Futurisme : cette même année, Boccioni écrit le Manifeste des peintres futuristes, suivi du Manifeste des techniques de la peinture futuriste. Dès cet instant, il s'associe aux luttes du groupe, organise des expositions dans les capitales européennes, collabore à la revue Lacerba. En 1912, il signe le Manifeste technique de la sculpture, dans lequel il énonce sa poétique. Boccioni fut l'élément le plus actif du mouvement futuriste et son représentant le plus important. R. Longhi souligne dans un de ses ouvrages que, pour Boccioni, le problème du dynamisme plastique, principe même de la poétique futuriste, était, par son sens inné de la matière, une solution personnelle à travers une " compénétration de plans colorés, vibrants, pulvérulents, atomiques ". Ses premières œuvres futuristes, peintures et sculptures, datent de 1911 : Éclat de rire (New York, M. O. M. A.). Après un nouveau séjour à Paris (1911-12), en compagnie de Severini et de Marinetti, Boccioni porte jusqu'à son extrême limite le problème fondamental de l'esthétique futuriste, la construction des formes dynamiques qui reposent sur les concepts de " simultanéité " et de " lignes-forces ". Il développe également ses concepts dans une série d'écrits théoriques et les explicite dans des œuvres comme Matière (1912), Elasticità (1912, Milan, Brera), Charge des lanciers (1915, id.) ou dans la série des " dynamismes " (Dynamisme d'un corps humain, 1913, Milan, G. A. M.). Il y pose d'une manière particulièrement sensible le problème des rapports du Futurisme et du Cubisme, et tente d'en dépasser les prémisses grâce à une conception dynamique des volumes. Ses dernières œuvres (séries de gouaches et de dessins, 1912-13 ; le Portrait de Ferruccio Busoni, 1916, Rome, G. A. M.) marquent un net retour à Cézanne. Boccioni exposa avec le groupe futuriste à chacune de ses manifestations. Peu de temps après sa mort, une grande rétrospective lui a été consacrée. En 1966, la Biennale de Venise présenta son œuvre de peintre et de sculpteur en même temps que Reggio de Calabre organisait une exposition de son œuvre graphique. L'artiste est très bien représenté à New York (M. O. M. A.), à Milan (G. A. M.), à Rome et dans des coll. part. italiennes ou américaines. Une exposition consacrée à Boccioni à Milan fut présentée dans cette ville, au Palazzo Reale, en 1982-83.