Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Schmidt-Rottluff (Karl)

Peintre allemand (Rottluff, près de Chemnitz, Saxe, 1884  – Berlin 1976).

À partir de 1897, il fait ses études à Chemnitz, où il se lie avec Heckel (1901) ; il le retrouve à l'école technique supérieure de Dresde et participe à la fondation de Die Brücke en 1905. De bonne heure, ses gravures sur bois, où l'influence du Jugendstil est d'abord sensible, le montrent en possession d'une technique solide (Femme au chapeau, 1905) ; en 1906, il aborde la lithographie, et ses premiers tableaux paraissent débiteurs de l'impressionnisme dru, traité dans une matière épaisse, alors pratiqué par Nolde, qu'il accompagne à Alsen la même année (Jour de vent, 1907). Il se consacre beaucoup à l'aquarelle en 1909 (Paysage de Dangast) ; ces diverses expériences, ainsi que sa maîtrise dans le bois gravé (Deux Femmes, 1910, musée de Kiel), hâtent l'évolution de l'artiste en faveur d'un style aux simplifications parfois sommaires, où la couleur, sans aucun modelé, est répartie en vigoureux contrastes (la Lecture, 1911 ; Portrait de Rosa Shapiro, 1911, Berlin, Brücke-Museum). Cette recherche de synthèse expressive est la mieux illustrée par les paysages exécutés au cours de séjours en Norvège et sur les bords de la Baltique (Lofthus, 1911, musée de Hambourg ; le Soleil dans les pins). À Berlin, où Schmidt-Rottluff s'installe en 1911, son amitié avec Feininger et l'influence croissante de l'art nègre le confirment dans son souci de construction rigoureuse et il traite plus fréquemment le thème de la baigneuse (Quatre Baigneuses sur la plage, 1913 ; Femme au collier, 1914, gravure sur bois, Stuttgart, Staatsgal.). Sa première exposition particulière a lieu en 1914 dans la gal. Gürlitt. Mobilisé en mai 1915, il peut cependant graver et commence (1917-18) une suite de bois consacrés à des sujets tirés de l'Ancien Testament, œuvres magistrales, d'une conduite très sévère, où les noirs en plages très denses l'emportent sur les zones claires (le Christ et la femme adultère, 1918 ; la Prophétesse, 1919) ; il exécute aussi des sculptures qui démarquent, presque littéralement, comme celles de Kirchner et de Pechstein, la plastique africaine. Il voyage en Italie en 1923, se rend à Paris en 1924 ; en 1928 et 1929, il séjourne dans le Tessin ; de 1928 à 1932, il passe ses étés à Jershäft, village de pêcheurs poméranien.

   La période de détente qui s'ouvre v. 1922 se signale par une grande activité graphique (bois, lithos, eaux-fortes, aquarelles) qui demeure, après l'époque de Die Brücke, le meilleur de l'œuvre de Schmidt-Rottluff (Paysan martelant sa faux, 1924, eau-forte ; Lune sur le village, aquarelle, 1924, Düsseldorf, K. M.). Le thème gravé de la Ville dans la montagne est souvent repris entre 1922 et 1926. Désormais, dans ses gravures comme dans ses tableaux, où la couleur est toujours privilégiée, tantôt le peintre traite le motif avec une familiarité plus attentive au réel, tantôt il revient à la stylisation (la Promenade, 1923, Berlin, Brücke-Museum ; Dunes à l'arbre mort, 1937). Le gouvernement nazi lui interdit de peindre en 1941 et il se retira à Chemnitz de 1943 à 1947, date à laquelle il revint à Berlin. Il peint, après cette date, de nombreux paysages composés par grands plans de couleurs vives (l'Embarcadère sur la rivière, 1959, Schleswig-Holsteinisches Landesmuseum, Schleswig). Dernier survivant du groupe, l'artiste a fondé en 1967 un musée Die Brücke à Berlin. Schmidt-Rottluff est représenté dans la plupart des musées allemands, en particulier à Berlin (Brücke-Museum), au musée de Hambourg ainsi qu'à Londres (Tate Gal.) et à New York (M. O. M. A). Une exposition rétrospective de son œuvre a eu lieu à Essen en 1964 et une exposition à Salzbourg (Rupertinum Modern Galerie) en 1996.

Schmidt (Martin Johann) , dit Kremserschmidt

Peintre autrichien (Gräfenwörth, près de Krems, 1718  – Stein 1801).

Il se forma auprès de son père, Johannes, sculpteur venu de Hesse s'établir en Autriche en 1710, puis chez J. G. Starmayr de 1732 à 1737, avec qui il exécuta sa première fresque au plafond de la salle du conseil de Retz (1741), enfin grâce à l'étude assidue des gravures. On suppose aussi qu'il fit un court voyage à Venise avant 1745, comme tendent à le prouver son style et l'importance qu'il accorde à la couleur. Les figures, peu nombreuses et de très grande taille, de ses débuts (Saint André embrassant sa croix, 1745, château de Goldegg) font place à des scènes plus dramatiques et plus mouvementées (Saint Nicolas, patron des bateliers, 1750, église de Stein) ou plus gracieuses (Sainte Famille, 1752, église de Moritzreith). En 1756, Schmidt trouve la voie des grandes compositions avec son Ascension (Krems, église des piaristes) et peint un cycle de 4 fresques largement brossées de la Vie de Marie dans la chapelle de l'abbaye de Herzogenburg. Cette même année, il obtient ses droits de bourgeoisie dans les villes attenantes de Krems et de Stein et prend plus tard une part active à la vie publique de la cité. Il séjourne sans doute à Vienne en 1764-65. Il est nommé membre de l'Académie impériale en 1768 sur présentation de 2 morceaux de réception, l'Arbitrage de Midas entre Apollon et Marsyas et Vénus dans la forge de Vulcain (Vienne, Österr. Gal.). Son désir de s'assimiler au goût cultivé de l'époque le portait vers les sujets mythologiques, où il se montre pourtant plus simple et plus prosaïque que dans les thèmes religieux, ou vers la peinture de genre, qui illustre son humour et ses dons d'observation (le Concert de chambre, Vienne, coll. part). En 1777, il travaille à Salzbourg pour l'abbaye Saint-Pierre, qui conserve des esquisses et un Portrait de l'abbé Beda Seeauer. Il est plusieurs fois appelé à Vienne pour faire des portraits des Habsbourg. Vers 1780, il exécute la décoration de la chapelle du palais Gruber à Ljubljana. Sa renommée s'étend à travers toute l'Europe centrale, surtout en tant que peintre de tableaux d'autel, et il voyage pour satisfaire des commandes, parfois des cycles entiers : Salzbourg, abbaye Saint-Pierre ; Pyrhn, hôpital ; Sankt Pölten, église des Franciscains ; Aschbach, église abbatiale ; Melk, église paroissiale. Le musée de Graz conserve une collection importante de ses peintures, très appréciées au XVIIIe s. dans cette ville (l'Annonciation). L'abondante production de l'artiste (un millier de toiles, une quarantaine de fresques et une trentaine de gravures) illustre la diversité de ses goûts. La couleur est l'élément essentiel de son art : d'une chaude pénombre surgissent quelques rehauts intenses marquant les acteurs principaux, frappés par une lumière vive et éparse. Schmidt trouve une note très personnelle dans ses petits tableaux sur cuivre (Fuite en Égypte, 1767, Seitenstetten, abbaye bénédictine), où l'aspect anecdotique, l'intimité et l'agrément prennent le pas sur le drame.