Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître de Palanquinos

Peintre espagnol (actif à León dans le dernier quart du XVe s.).

Sous ce nom, Gomez Moreno a groupé l'œuvre d'un artiste qui travailla à León dans l'entourage de F. Gallego. Des 6 panneaux provenant de Palanquinos et incorporés au grand retable peint par Nicolas Francés (cathédrale de León), 2 fragments de prédelle représentant 3 Apôtres montrent par la belle mise en page des personnages à mi-corps et la précision des figures l'importance que l'artiste, comme Gallego, attache à l'achèvement des figures de prédelle : le fond d'or orné de motifs mudéjars est un type de décor souvent utilisé par l'artiste. L'influence des scènes flamandes, celles de Bouts en particulier, est évidente dans 3 œuvres de la cathédrale de León : la Déposition de croix, Saint Cosme dans un paysage et Saint Damien à l'intérieur d'une église gothique ; mais la liberté de son interprétation et la grande dignité de ses figures permettent de placer le Maître de Palanquinos parmi les représentants les plus élégants de la peinture flamande en terre de León. Deux autres retables lui ont été également attribués : celui des Deux Saints Jean (Villalón de Campos) et celui de Santa Marina (Mayorga).

Maître de Pratovecchio

Peintre italien (actif à Florence au milieu du XVe s.).

La personnalité de ce remarquable peintre florentin a été reconstruite par R. Longhi autour d'un triptyque aujourd'hui démembré, dont le centre (l'Assomption) se trouve à l'église S. Giovanni de Pratovecchio, les panneaux latéraux (Saints) à la N. G. de Londres, et la prédelle (Mort de la Vierge) au Gardner Museum de Boston. L'artiste est aussi l'auteur d'un triptyque (Vierge et Saints) au musée Paul-Getty, de Los Angeles, d'une Madone au Fogg Art Museum de Cambridge (Mass.), d'une Vierge aux anges à la Pierpont Morgan Library de New York, et de Trois Anges à Berlin. Son activité se situe dans les années 1440-1460, et d'abord dans le milieu de Domenico Veneziano, dont le peintre comprend la leçon de lucidité et de pureté lumineuse. Une tendance marquée aux effets de tension formelle et à l'énergie plastique oriente aussi ses recherches dans le sens de celles d'Andrea del Castagno et des sculpteurs contemporains ; elles annoncent l'art des Pollaiolo.

Maître de Rohan
ou Maître des Grandes Heures de Rohan

Peintre français (actif à Paris et en Anjou dans la première moitié du XVe s.).

Cet artiste resté anonyme tire son appellation d'un manuscrit, de destinataire inconnu, dénommé les Grandes Heures de Rohan d'après les armoiries rajoutées de cette famille (Paris, B. N.). Autour de ce manuscrit ont été regroupées les œuvres d'un peintre exceptionnel — ou plutôt d'un atelier cohérent travaillant sous sa direction, car les pages autographes du Maître sont rares. Il semble que le Maître de Rohan ait commencé sa carrière vers 1410 à Paris, dans une officine où travaillait aussi le Maître de Bedford, en illustrant des livres profanes, puis il paraît s'être spécialisé dans la production commerciale de livres d'heures de qualité moyenne ; enfin, il passe au service de la famille d'Anjou vers 1420 et exécute alors 3 des livres d'heures les plus inspirés d'une époque où la production artistique s'étiole : les Grandes Heures de Rohan, les Heures dites " d'Isabelle Stuart " (Cambridge, Fitzwilliam Museum) et les Heures à l'usage d'Angers, de l'ancienne collection Martin Le Roy. On lui attribue aussi une peinture sur bois : un fragment d'une Annonciation (musée de Laon).

   Ce peintre inégal et souvent négligent manifeste une indifférence absolue aux problèmes techniques, recherches plastiques, étude de l'espace, invention narrative, qui passionnent ses contemporains, à la recherche d'un plus grand réalisme. Dans des compositions sans profondeur, sur les fonds abstraits du siècle précédent, il peint des paysages étagés en hauteur, des architectures incohérentes, des personnages énormes disproportionnés entre eux. Il ne se préoccupe que d'exprimer sa vision intérieure, toute d'angoisse devant le pathétique de la vie et des fins dernières, dans des scènes d'une invention totalement originale et indépendantes du répertoire iconographique traditionnel, qui sont parmi les grands chefs-d'œuvre ayant leur source dans l'inspiration chrétienne.

   Plus soucieux de l'au-delà que des apparences du monde — une obsession tragique de la mort se manifeste dans plusieurs enluminures —, il est difficile à situer : on ignore tout de son origine, peut-être espagnole, plus plausiblement des Pays-Bas du Nord, alors foyer d'expressionnisme religieux.

   Techniquement retardataire et d'une inspiration trop purement personnelle, cet artiste ne pouvait faire école : à part quelques élèves qui maintiennent dans l'Ouest et en Bretagne quelque chose de son style mais rien de son esprit, il ne laisse aucune descendance, et son génie reste isolé et sans réelle influence en son temps.

Maître de Saint-Félix

Peintre travaillant en Espagne (premier quart du XVIe s.).

En établissant une correspondance entre les dates et les emplacements des œuvres attribuées au Maître de Saint-Félix et les lieux de résidence connus par des documents de Joan de Burgunya, J. Ainaud a proposé d'identifier ce maître avec ce dernier. Né à Strasbourg, il serait venu jeune à Valence, où il aurait exécuté le Retable de saint André (Valence, chapelle du Miracle, et Barcelone, coll. part.). Dans les 8 scènes de la vie du saint se reflètent déjà les tendances maniéristes de l'artiste, son goût pour les architectures grandioses de la Renaissance, pour les scènes animées par des personnages grandeur nature qui semblent en perpétuel déséquilibre, et pour les riches tissus aux dessins chamarrés (à motifs mauresques utilisés à la manière du Valencien Yañez, auprès duquel il a peut-être été formé).

   À Tarragone (Musée provincial) se trouvent les fragments d'un Retable de la Madeleine, pour lequel il reçut sans doute l'aide d'un de ses disciples. À Gérone, sa présence en 1519 est attestée par un document et par 3 œuvres importantes : la Crucifixion (Musée provincial), le Retable de sainte Ursule, détruit en 1936 à l'exception du panneau central (id.), et le Retable de saint Félix (id), commencé par Perrys Fontanyes. Ce dernier ensemble, chef-d'œuvre de l'artiste, témoigne d'influences germaniques précises : celle de Dürer pour les compositions et celle de Michael Pacher pour la monumentalité des figures. La mort de Joan doit se situer peu avant le 3 décembre 1525, date à laquelle un contrat est passé avec Pedro Nunez pour terminer le retable de Santa Maria del Pino (Barcelone), commencé par Joan de Burgunya.