Dictionnaire de la Peinture 2003Éd. 2003
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Maître I. D. C.

Artiste français (dernier tiers du XVIe s.).

Ce portraitiste inconnu est ainsi désigné d'après les initiales relevées par Henri Bouchot sur un crayon représentant une Bourgeoise parisienne (v. 1580, Paris, B. N.). Cet historien a proposé de l'identifier avec Jean Decourt, ce qui ne correspond pas aux dates des portraits attribuables au Maître I. D. C. (entre 1573 et 1599). Les initiales, relevées sur ce seul crayon, ne sont peut-être pas une signature, mais une allusion au nom du modèle. L'œuvre du Maître I. D. C. compte moins d'une vingtaine de pièces cataloguées par H. Bouchot et L. Dimier, qui vont de 1573 environ (Madame de Carnavalet, Paris, B. N.) à 1599, date du chef-d'œuvre de l'artiste, le portrait de Gabrielle d'Estrées (Paris, B. N.). Les modèles du Maître apparaissent toujours de trois quarts, l'œil de face ; ils sont traités à la pierre noire et à la sanguine, par grandes masses, avec un dégradé subtil des ombres et des lumières, indiquées avec une franchise où s'allient décision et moelleux. On ne connaît jusqu'ici aucune peinture de cet artiste remarquable, dont la virtuosité technique s'ajoute à une émouvante profondeur psychologique.

Maître I. W.

Peintre tchèque (XVIe s.).

Élève de Cranach l'Ancien, il dirigea, entre 1520 et 1550, un atelier dans le nord-ouest de la Bohême. La plus ancienne des œuvres de sa maturité (toutes signées et datées) est le Suicide de Lucrèce (1525) ; le retable de Zelina (musée de Chomutov) est daté de 1526. Sa tendance au Maniérisme se fait encore plus sentir dans l'ex-voto de l'église de Sopka : le Christ et un donateur (1530). Parmi ses meilleures œuvres, citons le tableau votif de Kašpar Kašpárek, représentant la Vierge (1537, musée de Plzeň) et le Christ souffrant (1541, Dresde, Gg). La production de son atelier (tableau votif de Most, 1538 ; la Mort de saint Venceslas, 1543, Prague, cathédrale Saint-Guy ; Retable d'Osek, apr. 1540, musée de Prague) est abondante surtout avant 1540. Parmi les élèves de Cranach l'Ancien, le monogrammiste I. W. est le plus doué et le plus fidèle ; néanmoins, son style, sensible et plus lyrique que celui de son maître, manque d'énergie créatrice.

Maître M. S.

Peintre de l'Europe centrale (actif en Hongrie v.  1500).

Son œuvre se compose d'une Adoration des mages (musée de Lille) et de 6 panneaux d'un grand retable démembré qui ornait autrefois le maître-autel de l'église paroissiale de Banská ˇStiavnica (Slovaquie) : la Visitation (musée de Budapest), la Nativité (église de Sväty Anton, Slovaquie), le Mont des Oliviers, le Portement de croix, la Crucifixion, la Résurrection (Esztergom, Musée chrétien). Comme ce dernier porte le monogramme M + S et la date de 1506, on a supposé qu'il s'agirait d'un maître Sébastien mort à Banská Štiavnica en 1507, hypothèse qui paraît improbable.

   Identifié d'abord, en raison du caractère expressionniste de son art, avec Jorg Breu l'Ancien (qui a travaillé à Krems autour de 1500), le Maître M. S. fut ensuite considéré comme son disciple et, de ce fait, rattaché à l'école du Danube. Il est en réalité complètement étranger à l'art de ce peintre, d'un talent très inférieur au sien. Il se peut qu'on doive le rapprocher du milieu cracovien. En dépit de quelques italianismes et d'emprunts aux gravures de Dürer, son style reste résolument d'esprit ancien, ce qui n'empêche pas qu'il ait été l'un des plus grands peintres de toute l'Europe centrale à son époque, peintre maître d'une technique très souple qui s'apparente à celle des grands Flamands de la fin du XVe s., dessinateur aussi sensible à la valeur expressive du trait qu'au charme de l'arabesque, brillant coloriste sachant répartir admirablement les teintes sur la surface du tableau.

Maîtres à l'Œillet

Nom générique d'un ensemble de peintres suisses, tyroliens et bavarois, actifs à la fin du XVe s. et au début du XVIe s., dont les œuvres sont " signées " d'un ou de plusieurs œillets.

À l'occasion d'une exposition organisée à Zurich en 1921, on constata que les tableaux de ces artistes étaient de mains différentes et posaient des problèmes que ni les expositions postérieures, ni les documents, très pauvres, ni surtout le petit nombre d'œuvres ne permirent de résoudre complètement. La signification même de l'œillet échappe : signature individuelle, marque d'atelier ou élément symbolique de l'œuvre ? La relative unité stylistique implique-t-elle l'existence d'un maître unique, et par conséquent d'un seul centre, ou celle de plusieurs ateliers distincts ? Les études les plus récentes penchent pour cette dernière hypothèse, faisant apparaître 3 groupes, à Berne, à Zurich et à Baden. En raison d'une supériorité technique et stylistique évidente, on a pu isoler le retable de l'église des Cordeliers de Fribourg. Cet autel, exécuté v. 1480, a plusieurs auteurs. Les archives ont conservé 3 noms : Albert Mentz, bourgeois de Soleure en 1479, Barthélemy Rutenzweig, mentionné à partir de 1474, et son élève Jean de Strasbourg, sans préciser dans quelle mesure ils ont travaillé à cette œuvre. Les panneaux extérieurs, une Annonciation avec Sainte Claire et Sainte Catherine, sont d'un maître qui a connu de près les écoles flamandes contemporaines ; le dessin ferme, l'harmonie souple du coloris, le décor architectural en grisaille ouvert sur un paysage vaporeux font irrésistiblement penser à Van der Weyden. Les panneaux intérieurs sont conçus dans un esprit rhénan plus traditionnel : fond de damas doré, figures très en surface.

   Le (ou les) maître de Berne fut assimilé à Maître Paulus, actif à Berne en 1494, puis à Paul Löwensprung, tué en 1499 à la bataille de Dornach. Son œuvre majeure est le Retable de saint Jean-Baptiste (panneaux partagés entre les musées de Berne, de Zurich et de Budapest), qui révèle une recherche de la perspective et un goût du paysage à la manière souabe : l'influence du maître de Fribourg y épouse la tradition rhénane. Le Retable de Brigue (v. 1490, musée de Zurich) et les fresques du porche de la cathédrale de Berne (datées de 1501) sont d'un élève assez maladroit (le " Maître de l'Oberland bernois ").

   Trois types de " signatures " définissent le groupe de Zurich, actif env. de 1490 à 1505, largement ouvert aux influences flamandes (Volets de saint Michel, Zurich, Kunsthaus) et à l'esthétique de Schongauer (Retable du Kappelerhof, Zurich, Schweizerisches Nationalmuseum, exécuté sur le modèle du Retable des Dominicains de Colmar). Le Retable de saint Maurice (id.), porteur des initiales HL, a été attribué, avec de bonnes raisons, à Hans Leu l'Ancien. Le maître de Baden signe d'un œillet croisé d'un brin de lavande. Ses volets du Retable de la Passion (musée de Dijon), dont certaines scènes sont des copies littérales de gravures de Schongauer, se situent stylistiquement à la croisée des groupes bernois et zurichois. Mentionnons enfin, sans autre lien avec les maîtres précédents que leur " signature ", un peintre tyrolien de la fin du XVe s., un certain maître Hubertus, Allemand du Sud, auteur d'un autel, la Vie de saint Hubert (musée de Donaueschingen), et un artiste d'Ulm ou d'Augsbourg, dont une coll. part. allemande conserve un Saint Georges avec une Présentation au Temple. Une exposition " Maître à l'œillet " a été présentée au musée de Fribourg (Suisse) en 1996.