les Damnés de l'océan
Drame de Josef von Sternberg, avec George Bancroft (le soutier), Betty Compson (la prostituée), Olga Baklanova (la tenancière), Gustav von Seyffertitz (le prêtre), Clyde Cook.
Scénario : Jules Furthman, d'après le récit de John Monk Saunders The Dockwalloper
Photographie : Harold Rosson
Décor : Hans Dreier
Montage : Helen Lewis
Pays : États-Unis
Date de sortie : 1928
Technique : noir et blanc
Durée : 2 400 m (environ 1 h 25)
Résumé
Un soutier sauve une prostituée de la noyade. Après une soirée de beuverie, ils se marient devant un pasteur dans un bouge. Le lendemain, le soutier doit repartir. Adieux embarrassés. Il quitte le port mais se ravise, et va retrouver sa femme.
Commentaire
L'action du film se déroule sur 24 heures, suivant en cela la tradition du Kammerspiel allemand. Tout y est ramené à quelques scènes simples qui visent à l'épure, où les situations révèlent leur sens profond par une dilatation de l'instant, qui les fait passer insensiblement de l'ordre du réalisme extérieur à celui de la conscience intersubjective. Ainsi la scène des adieux, où, tandis que des mouettes vont et viennent sur le rebord de la fenêtre, la femme recoud un bouton qui vient de tomber de la veste de l'homme et que tout un jeu de regards s'instaure. La lumière du film est exceptionnelle, particulièrement sur le corps en sueur de Bancroft, noir de charbon devant son fourneau. Le film eut une énorme influence sur le cinéma français des années 1930.
D'amour et d'eau fraîche
Comédie dramatique de Jean-Pierre Blanc, avec Annie Girardot, Miou-Miou, Julien Clerc, Sylvain Choquet, Jean-Pierre Darras, Robert Dalban.
Pays : France
Date de sortie : 1976
Technique : couleurs
Durée : 1 h 30
Résumé
Jip vit avec Rita, de vingt ans son aînée. Il tombe amoureux d'une jeune femme, Mona, avec laquelle il part à l'aventure.
D'amour et de sang
Mélodrame de Lina Wertmüller, avec Sophia Loren, Marcello Mastroianni, Giancarlo Giannini.
Pays : Italie
Date de sortie : 1978
Technique : couleurs
Durée : 1 h 40
Résumé
Dans l'Italie fasciste, une femme dont le mari a été assassiné décide de le venger. Deux hommes s'affrontent pour la séduire et pour la protéger. Un mélodrame politique à l'italienne sur fond de misère sociale.
Dancer in the Dark
Mélo musical de Lars von Trier, avec Björk (Selma), Catherine Deneuve (Kathy), David Morse (Bill), Peter Stormare (Jeff), Jean-Marc Barr (le chef d'atelier).
Scénario : Lars von Trier
Photographie : Robby Müller
Décor : Karl Juliusson
Musique : Björk
Montage : Molly Malene Stensgaard, François Gedigier
Pays : Danemark
Date de sortie : 2000
Technique : couleurs
Durée : 2 h 19
Prix : Palme d'or ; Prix d'interprétation féminine pour Björk, Cannes (2000)
Résumé
Selma, jeune Tchèque émigrée aux États-Unis avec son enfant d'une dizaine d'années, a deux pôles dans sa vie : chanter et danser avec la troupe amateur locale, accumuler les heures supplémentaires à l'usine pour grossir le paquet de dollars qu'elle range chez elle au fond d'une armoire. Le chant et la danse, c'est pour oublier la vie ; le magot, c'est pour sauver la vue de son fils en le faisant opérer, car il est menacé de la même maladie héréditaire qu'elle : la cécité. Rendue de plus en plus maladroite par son infirmité, elle finit par perdre son travail et découvre, en rentrant chez elle, que son petit magot a disparu, volé par le voisin policier qui lui loue sa maison. Elle se précipite aussitôt chez lui. Le policier sort son revolver. Bagarre, un coup part. Le policier, blessé à mort, supplie Selma de l'achever, ce qu'elle finit par faire avant de récupérer son argent pour aller le porter aussitôt à la clinique où son fils doit être opéré. Arrêtée, jugée, Selma est condamnée à mort. Une amie, collègue de travail à l'usine, vient la voir dans sa cellule et lui fait valoir qu'elle peut être sauvée si elle prend un bon avocat : les économies faites en vue de l'opération de son fils lui permettent de se l'offrir. Selma refuse : elle préfère mourir plutôt que de différer l'opération qui permettra à son fils de garder la vue. Selma mourra heureuse : juste avant l'exécution, son amie lui remettra les lunettes de son fils, signe qu'il a été opéré et n'en a désormais plus besoin.
Commentaire
Dans le genre mélo de chez mélo, on ne peut guère faire plus : la mère pauvre, immigrée et aveugle qui choisit de mourir pour que son fils garde la vue ; dans le genre « gonflé » non plus : une marche au gibet traitée en comédie musicale, il faut l'oser ! Lars von Trier, une fois de plus, prend tous les risques. À tout moment, il pourrait verser dans l'émotion facile, le mauvais goût, le misérabilisme ou l'enflure, mais il garde son cap, cheminant sur la ligne de crête escarpée qu'il a choisi d'arpenter.
Ce qui donne de la hauteur à son propos, c'est incontestablement la dimension mystique du film qui transcende et sublime ce qui pourrait n'être qu'un fait divers. Difficile, en effet, de ne pas voir, dans cette femme qui accepte la mort pour remplir la mission qu'elle s'est fixée, une évocation de la figure du Christ, qui à aucun moment n'a cherché à fuir ou à se défendre, car il savait que la rédemption de l'humanité passait par sa mort.
Ainsi campé sur son socle christique, Lars von Trier, récemment converti au catholicisme, déploie alors toutes les ressources de son talent et de sa rouerie, un peu à la manière d'un prédicateur à l'ancienne décrivant, avec moult détails, les horreurs et les flammes de l'enfer.
Talent et rouerie aussi dans le choix et la direction des acteurs. Qu'ils soient chef d'atelier, avocat, procureur, gardienne de prison, médecin, etc., ils ont tous la tête de l'emploi et l'air d'avoir exercé à vie le métier de leur rôle. En prime Lars von Trier nous offre la reine Deneuve rhabillée en ouvrière d'usine, et une chanteuse de rock qui n'avait jamais tourné dans un film et se trouve d'un seul coup hissée au niveau des plus grandes stars du cinéma : l'étonnante Björk, bombe glacée venue d'Islande.
Talent et rouerie encore dans l'utilisation de la technique. Avec ses images tremblantes, ses brusques mouvements de caméra, le début du film donne une impression de gaucherie un peu tâtonnante comme si un cameraman novice cherchait, caméra à l'épaule, ses marques dans un univers inconnu. En fait ce n'est qu'un truc pour mieux déstabiliser le spectateur et le mettre en état d'absolue réceptivité. Cent caméras vidéo fonctionnaient pendant le tournage et c'est à partir d'une énorme masse d'images que chaque plan a été méticuleusement choisi. Débauche de grands moyens au départ et impression de frugalité janséniste à l'arrivée, telle est l'alchimie du Dancer in the Dark, riche héritier bâtard de Dogma.
Résultat : un film d'une originalité radicale, fruit d'une hybridation de la technologie numérique et du vieil art du bateleur, du mélo et de la comédie musicale, orchestré par un immense réalisateur qui sans doute, vu ses quarante-quatre ans, montrera pendant de nombreuses années encore que le champ du cinéma n'est pas fini.