Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Monnier (Henri)

Caricaturiste, acteur et écrivain français (Paris 1799 – id. 1877).

Il se fit un nom dans la caricature avec les Scènes populaires dessinées à la plume (1830), suivies, de 1835 à 1862, de Nouvelles Scènes populaires. Son personnage de « Monsieur Prudhomme », haute figure de la bêtise bourgeoise, prendra son aspect définitif dans les Mémoires de Joseph Prudhomme (1857). Auteur de comédies et de vaudevilles, il interpréta plusieurs personnages différents dans la Famille improvisée (1831). Il finit par ressembler à sa créature, qu'il incarna à la scène, dans Grandeur et Décadence de M. Joseph Prudhomme (1853) et Joseph Prudhomme, chef de brigands (1860).

Monnier (Jean-Pierre)

Écrivain suisse de langue française (Saint-Imier 1921 – Épautheyres, Vaud, 1997).

En 1953, Plon publie son premier roman, l'Amour difficile. Sans précipitation aucune, Monnier laissera mûrir chacun de ses romans. D'une grande sobriété de ton, ceux-ci donnent la parole aux mille difficultés que rencontrent ses personnages, jeunes et moins jeunes, confrontés à la vie, à l'amour, à une religion qui évite les grandes effusions, favorisant l'introspection et parfois la spiritualité. Un climat rude, des hivers longs, la pauvreté, l'isolement ne facilitent pas les issues heureuses de l'Arbre un jour (1971) ou de l'Allègement (1975). Mais la neige transcende tout, le doute de soi comme le deuil. Monnier a également été un essayiste averti (l'Âge ingrat du roman, 1967 ; Écrire en Suisse romande entre le ciel et la terre, 1986).

monogatari

Genre littéraire japonais aux contours vagues – monogatari signifie littéralement « chose racontée, histoire » –, qui rassemble un grand nombre d'ouvrages, rédigés principalement entre le Xe et le XIIIe  s., en quatre groupes principaux (J. Pigeot). On y trouve en premier lieu le « roman romanesque », c'est-à-dire des œuvres de fiction sous la forme de récits autonomes, écrits en prose japonaise et présentés comme de simples divertissements récréatifs. Souvent condamnées à ce titre, ces narrations, au premier rang desquelles on compte le Genji monogatari (le Dit du Genji), furent le plus souvent écrites par des dames de la cour. À ces fictions ou « récits fabriqués » (tsukuri-monogatari) s'opposent les trois autres sous-genres, fondés quant à eux sur des traditions tenues pour véridiques : les « récits sur des poèmes » (uta-monogatari), généralement réunis en recueils, tels que l'Ise monogatari (Contes d'Ise) ; les « recueils d'anecdotes édifiantes » (setsuwa) qui, comme le Konjaku monogatari-shû (Histoires qui sont maintenant du passé), se caractérisent par leur vocation didactique ; enfin, les « récits historiques » (rekishi-monogatari), rédigés en langue vernaculaire (à la différence des chroniques officielles) et qui, comme l'Eiga monogatari (Récit de la splendeur [des Fujiwara]), proposent une relation romancée de faits tenus pour véridiques. C'est à ce dernier groupe que se rattache l'ensemble des « chroniques guerrières » ou « récits épiques » (gunki monogatari) dont le Heike monogatari (Dit des Heike) constitue le chef-d'œuvre absolu.

Monroe (Harriet)

Femme de lettres américaine (Chicago 1860 – Arequipa, Pérou, 1936).

Fondatrice (1912) de la revue Poésie : un magazine de poésie (où elle publia E. Pound, T. S. Eliot, Sandburg, V. Lindsay), elle publia des recueils de vers (Valeria, 1892 ; Toi et moi, 1914 ; Poèmes choisis, 1935) et une autobiographie (Vie d'un poète : Soixante-dix Ans dans un monde en mutation, 1937).

Monselet (Charles)

Écrivain français (Nantes 1825 – Paris 1888).

Journaliste, il collabora à l'Artiste, à l'Époque, à la Patrie. Romancier populaire, vaudevilliste, librettiste, il se spécialisa dans la littérature galante (Rétif de la Bretonne, 1854) et le pastiche des grands contemporains (il parodia ainsi les Burgraves de Hugo). Gastronome, il fonda une revue (le Gourmet, 1857) et publia la Cuisinière poétique (1859) ainsi qu'un Almanach des gourmands (1865).

Montagu (Elizabeth Robinson)

Femme de lettres anglaise (York 1720 – Londres 1800).

Elle tint, à partir de 1742, un salon (où elle reçut lord Lyttelton, H. Walpole, S. Johnson, J. Reynolds) qui lui valut le surnom de « madame Du Deffand de la capitale anglaise » et surtout celui de « reine des bas-bleus ». On lui doit, en réponse aux critiques de Voltaire, un Essai sur les écrits et le génie de Shakespeare (1769), suivi d'une Apologie de Shakespeare (1777).

Montagu (lady Mary Wortley)

Femme de lettres anglaise (Thoresby, Nottinghamshire, 1689 – Londres 1762).

Le poste de son mari ambassadeur à Constantinople (1716-1718) lui fit connaître l'Orient. Sa Correspondance, adressée notamment à sa fille, lady Bute (les Lettres de Turquie parurent en 1763, mais la première édition complète ne date que de 1967), est une mine de renseignements sur les mœurs du temps. Auteur d'églogues, de poèmes satiriques et de pièces  de théâtre, elle suscita la jalousie littéraire de Pope et de Walpole.

Montaigne (Michel de)

Écrivain français (château de Montaigne, Périgord, 1533 – id. 1592).

Le latin (que tout le monde, domestiques compris, a ordre d'utiliser à portée des oreilles de l'enfant) est la langue maternelle du petit Montaigne. À 10 ans son père l'envoie à Bordeaux, au collège de Guyenne. Il en tirera un jugement très négatif sur la pédanterie et le monde de l'enseignement. Il est probable que, vers 1554, Montaigne se trouve pour la première fois à Paris. C'est là qu'il entendra le nom de La Boétie, dont le Discours de la servitude volontaire circulait dans les cercles gascons de la capitale. Mais ce n'est qu'en 1558 qu'il en rencontre l'auteur, au parlement de Bordeaux, où ils deviennent collègues. L'amitié qui lia les deux hommes est légendaire. Elle fera le sujet du plus célèbre chapitre des Essais (I, 28). Six ans après leur rencontre, La Boétie meurt dans les bras de son ami, qui envoie aussitôt à son père un rapport sur cette mort socratique. Cette lettre, premier texte de Montaigne (18 août 1563), est aussi son Criton ; on peut dater de lui la décision qu'il prend d'être le Platon de cet ami qui, en mourant, lui a légué la totalité de ses livres et papiers.

La rédaction des Essais

En 1570, Montaigne se retire, non sans solennité, dans le château dont il porte maintenant le nom et où il s'est fait aménager une bibliothèque. Son père vient de mourir (1568) et il liquide quelques obligations : publier la traduction qu'il a faite de la Théologie naturelle de Raymond Sebond, éditer les opuscules dont La Boétie lui avait légué le manuscrit, vendre sa charge au parlement. Cette retraite spectaculaire ne doit pourtant pas être prise trop littéralement. La grande affaire de la vie de Montaigne est désormais la composition des Essais, mais les ponts ne seront pas totalement coupés pour autant avec la vie publique : il reçoit l'ordre de Saint-Michel, participe en 1562 à une campagne contre les insurgés protestants, se trouve à la cour en 1574.

   La première édition des Essais paraît en 1580, au lendemain du 47e  anniversaire de l'auteur, à Bordeaux, chez Millanges, en deux volumes. En 1582, une réimpression en un seul volume de cette même édition voit le jour, toujours à Bordeaux, avec quelques modifications mineures. La seconde édition, la dernière du vivant de Montaigne, paraît en 1588, à Paris (chez L'Angelier) ; elle est augmentée par rapport à la précédente d'un troisième livre et de six cents additions aux deux premiers. Montaigne avait couvert d'ajouts les marges de son exemplaire personnel. Leur insertion dans le texte sera la nouveauté de la première édition posthume, celle que font paraître en 1595, trois ans après la mort de l'auteur, Pierre de Brach et Mlle  de Gournay.

   La rédaction des Essais se répartit sur trois périodes principales : c'est autour des années 1571-1573 que Montaigne compose la plus grande partie des cinquante-sept chapitres du premier livre, souvent qualifiés d'impersonnels et marqués par un goût pour la pose stoïcienne. En 1574, les troubles religieux qui agitent le Sud-Ouest l'arrachent à sa retraite. Quand il la retrouve, de 1576 à 1579, c'est pour rédiger, autour de l'Apologie de Raimond Sebond, la matière des trente-sept chapitres du second livre, marqués par un activisme sceptique. La première édition des Essais (1580) est suivie par le voyage en Allemagne et en Italie, que Montaigne n'interrompra pas pour regagner sa « librairie », mais pour deux termes consécutifs à la mairie de Bordeaux. Ce n'est donc qu'en 1586 qu'il retrouve le lieu où il se « ménageait » et où il rédigera les treize chapitres (et les nombreuses additions aux pages déjà publiées) qui composeront, dans l'édition de 1588, le troisième livre des Essais. Avant de mourir, en 1592, il passera encore trois ans à Montaigne, ajoutant dans les marges de son exemplaire des remarques qui auraient été, comme pour la précédente, ajoutées à la prochaine édition du livre.