Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
I

Irtchan (Myroslav)

Écrivain ukrainien (Piadyky 1897 – 1937).

Fils de paysan galicien, il participe à la guerre civile, puis émigre au Canada (1922). En 1927, il retourne en U.R.S.S. où il dirige une organisation littéraire « L'Ukraine occidentale » ; il a été exécuté en 1937, et réhabilité en 1956. On lui doit des nouvelles comme la Mère (1924), Contre la mort, le roman, la Nuit des Carpathes (1924) et les pièces de théâtre la Famille des brossiers (1924), la Galicie clandestine (1925) et Champ d'opérations (1925).

Irving (John)

Écrivain américain (Exeter, New Hampshire, 1942).

Après des études de lettres, Irving effectue de longs séjours à Londres et à Vienne, d'où il puisera la matière de son premier roman, Liberté pour les ours (1968). Ses deux autres romans, l'Épopée du buveur d'eau (1972) et Un mariage poids moyen (1974), possèdent déjà la dimension tragi-comique qui marque l'ensemble de son œuvre. C'est avec le Monde selon Garp (1978, adapté au cinéma en 1982 par George Roy Hill), qui traite des rapports entre une mère féministe et son fils, jeune écrivain, et des problèmes de la création littéraire, que l'auteur connaît un véritable succès. Ses romans, qui se veulent dans la lignée de Dickens, mettent en scène des personnages déjantés, souvent perdus, aux destins enchevêtrés, et pris dans des situations à la fois cocasses et tragiques. C'est que la famille est devenue un paradis perdu. L'humour souvent noir, et que permet l'écriture, est dès lors la seule arme pour lutter contre l'absurde (l'Hôtel New Hampshire, 1981 ; l'Œuvre de Dieu, la part du diable, 1985 ; une Prière pour Owen, 1989 ; une Veuve de papier, 1998 ; la Quatrième Main,  2001).

Irving (Washington)

Écrivain américain (New York 1783 – Sunnyside, Tarrytown, 1859).

Après son Histoire de New York par Diedrich Knickerboker (1809), où il dépeignait avec humour les mœurs des colons hollandais, ses Esquisses de Geoffrey Crayon (1819-1820) le firent considérer comme un authentique homme de lettres. Il séjourna en Europe et s'intéressa particulièrement à l'Espagne (Histoire de la conquête de Grenade, 1829 ; Vie et Voyages de Christophe Colomb, 1828-1830 ; Contes de l'Alhambra, 1832), où il fut plus tard ambassadeur (1842-1846). Rentré en Amérique, il se dit choqué par la banalité de son pays (Séjour dans la prairie, 1835). Il reste célèbre pour deux récits des Esquisses (« Rip Van Winkle », dont le héros est prisonnier d'un sommeil de vingt ans, et « La légende de Sleepy Hollow ») inspirées de sources allemandes, exemples accomplis de littérature fantastique et de transposition de thèmes européens dans la littérature américaine.

Isaacs (Jorge)

Écrivain colombien (Cali 1837 – Ibagué 1895).

Il fit partie de la société parnassienne El Mosaico et publia un volume de vers (Poésies, 1864), avant de donner avec María (1867) son chef-d'œuvre en prose, modèle du récit romantique. Ce roman synthétise divers courants, en particulier un sentimentalisme qui évoque la Graziella de Lamartine, ou encore le Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre, ainsi que l'indigénisme de l'Atala de Chateaubriand. Écrit à la première personne, María frappe par les descriptions de la nature, la justesse de l'observation de la vie provinciale, l'heureux mélange du réalisme et de l'imaginaire – toutes qualités qui font d'un livre au sujet banal et rebattu (le héros, Efraín, rentre dans sa famille après trois ans d'études à Bogotá, et s'éprend de sa cousine María) une œuvre exemplaire du romantisme latino-américain.

Isaïe

Le prophète Isaïe, dont le nom signifie « Yahvé est salut », a exercé son activité de 740 à environ 700 av. J.-C., sous quatre règnes, celui d'Ozias (mort en 740), de Yotam (740-736), d'Achaz (736-716) et d'Ézéchias (716-687). La tradition qui fait d'Isaïe un martyr est certainement apocryphe (cf. le pseudépigraphe intitulé Ascension d'Isaïe et Hébreux, XI, 37), car il semble bien, d'après la suscription du livre (Isaïe, I, 1) qu'il n'était plus en vie au temps du roi persécuteur Manassé.

   Dans la Bible hébraïque, le livre qui porte le nom d'Isaïe est placé en tête des prophètes dits « postérieurs », par opposition aux « prophètes antérieurs » (Josué, Juges, I et II Samuel, I et II Rois). Il est suivi des livres de Jérémie, d'Ézéchiel et des douze « Petits Prophètes ». Dans la version des Septante, le Livre d'Isaïe prend place après les douze Petits Prophètes, avant Jérémie, Ézéchiel et Daniel. Dans la Vulgate, le Livre d'Isaïe vient en tête des prophètes, et il est suivi de Jérémie, Ézéchiel, Daniel et des douze Petits Prophètes. Les versions modernes de la Bible (Bible de Jérusalem, Bible Osty-Trinquet) ont adopté cet ordre.

   Comme l'indique sa suscription (Isaïe, I, 1), la totalité des 66 chapitres qui composent ce livre – l'un des plus longs de la Bible –, est attribuée à Isaïe, fils d'Amos. En fait, le Livre d'Isaïe, véritable somme de la prophétie d'Israël, réunit les prophéties de plusieurs inspirés appartenant à la même école, mais distincts et d'époques différentes. Il comprend trois grandes parties : a) I-XXXIX : Isaïe (740-700) ; b) XL-LV : Deuxième Isaïe (550-539) ; LVI-LXVI : Troisième Isaïe (Ve s.).

   Les collections des oracles du prophète Isaïe, fils d'Amos, sont réunies dans les chapitres I à XXXIX selon un schéma conventionnel auquel elles ont dû se plier non sans résistance, et qui se retrouve dans presque tous les livres prophétiques, en particulier ceux de Jérémie et d'Ézéchiel : oracles de jugement sur Israël ; oracles de malheur sur les peuples étrangers ; promesses de salut pour Israël. De cet ensemble il est pratiquement impossible de reconstituer la formation. Certains oracles ont sans doute été rassemblés par Isaïe lui-même (Isaïe, XXX, 8). C'est le cas du « Livret de l'Emmanuel » (VI, 1-VIII, 23) qui regroupe les oracles relatifs à la guerre syro-éphraïmite (735-736). D'autres l'ont été par le cercle de ses disciples (Isaïe, VIII, 16). Certains textes ont été ajoutés à une époque tardive : des oracles contre Babylone (Isaïe, XIII ; XIV, 22-23), et les deux ensembles que l'on appelle la « Grande Apocalypse d'Isaïe » (XXIV-XXVII) et la « Petite Apocalypse d'Isaïe » (XXXIV-XXXV). L'auteur des chapitres XL à LV, que l'on appelle Deuxième ou Second Isaïe, a vécu à la fin de l'exil babylonien, au Ve s. av. J.-C. Son intervention se situe très précisément entre les années 550 et 539, c'est-à-dire entre les premiers succès remportés par Cyrus et sa victoire définitive contre Babylone. À ses compatriotes exilés, il annonce le retour en Terre sainte ; ce retour sera un nouvel Exode, plus beau que le premier (XL-XLVIII), et Sion (Jérusalem) connaîtra une restauration éblouissante (XLIX – LV). Dans cet ensemble auquel on a donné comme titre « Livre de la Consolation », on a isolé quatre textes (XLII, 1-7 ; LIX, 1-9b ; L, 4-9a ; LII, 13-LIII, 16) que l'on appelle « Chants » ou « Poèmes du Serviteur ».

   La troisième partie du Livre d'Isaïe (LVI-LXVI) est un recueil d'oracles prononcés par plusieurs prophètes anonymes, depuis le retour de l'Exil (538 av. J.-C.) jusqu'à l'époque de Néhémie. Ces oracles ont pour cadre les joies et les déceptions de la restauration. Une énorme désillusion a suivi le retour des exilés : les murailles de Jérusalem restent démantelées ; le Temple demeure en ruine (cf. LVIII, 12 ; LXI, 4 ; LXIV, 9) ; la communauté jérusalémite, qui souffre de dissensions intérieures, connaît une période de relâchement. Ses prophètes luttent contre le découragement en dénonçant le péché (Isaïe, LIX, 1) et en annonçant un merveilleux avenir : la Jérusalem future (LX, 1-22), et, au-delà, dans un avenir plus ou moins lointain, un monde complètement nouveau (Isaïe, LXV, 17-25 ; LVI, 22).