Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E
E

Eakins (Patricia)

Romancière américaine (Tetuan, Maroc, 1959).

Dans le roman qui l'a révélée, les Merveilleuses Aventures de Pierre Baptiste (1999), Eakins évoque le destin d'un esclave échoué sur une île et qui reconstruit en repartant de zéro son univers. Comme dans son premier recueil de nouvelles, Filles affamées et autres histoires (1988), ses personnages sont étranges, apparemment éloignés du lecteur dans le temps et dans l'espace : acteurs d'une fable exotique (tour à tour rabelaisienne, japonaise ou ovidienne), ils révèlent pourtant bizarrement certains aspects de notre époque.

Eastman (Max)

Écrivain américain (Canandaigua, New York, 1883 – Bridgetown, Barbade, 1969).

Fondateur des revues de gauche The Masses (1910) et The Liberator (1922), il est un représentant américain de la pensée marxiste (Marx, Lénine et la science de la révolution, 1926). Il a mené également une réflexion esthétique (les Joies de la poésie, 1913 ; l'Esprit littéraire, 1931), qui l'a conduit à une dénonciation du stalinisme (Artistes en uniforme, 1934).

Eberhardt (Isabelle)

Femme de lettres française d'origine russe (Meyrin, Suisse, 1877 – Aïn Sefra 1904).

Elle épousa, en Algérie, Slimène Ehni, maréchal des logis de spahis. Révoltée, indépendante, excessive, elle chercha un équilibre dans l'islam et les pauvres. Écrivant pour la Dépêche algérienne et l'Akhbar de V. Barrucand, elle laissa des récits qui parurent après sa mort lors de l'inondation d'Aïn Sefra (Notes de route, 1908 ; Pages d'islam, 1919 ; Dans l'ombre chaude de l'islam, 1921 ; Trimardeur, 1922 ; Mes journaliers, 1923 ; Contes et Paysages, 1925).

Ebner-Eschenbach (Marie von) , née comtesse Dubsky

Femme de lettres autrichienne (château de Zdislavice, Moravie, 1830 – Vienne 1916).

Après des débuts comme auteur dramatique (Marie Stuart en Écosse, 1860), elle connut la gloire littéraire avec des romans (Bozena, 1876 ; l'Enfant de la communauté, 1887) et des nouvelles (Nouvelles du village et du château, 1883-1886) qui dépeignent la société de la vieille Autriche, avec une nette prédilection pour les humbles. La précision de la description des conflits (psychologiques ou sociaux) et des milieux s'allie à une foi idéaliste dans la bonté de l'homme.

Ecclésiaste (l')

Dans la Bible hébraïque, ce livre s'appelle Qôheleth, c'est un participe actif féminin de la racine qâhal, « parler en public ». Il désigne une fonction dans l'assemblée et, par métonymie, celui qui exerce cette fonction. Le titre du livre identifie, sans le nommer, Qôheleth à Salomon (I, 1), le plus sage des rois. L'aspect « salomonien » de l'Ecclésiaste est une moyen littéraire utilisé par l'auteur pour donner plus de poids à ses idées. Qo IX, 7-9, avec son conseil de jouir de la vie, provient probablement de la même attitude hédoniste que l'on trouve dans l'Épopée de Gilgamesh (X, III, 5). La conception cyclique de la vie et de la nature provient probablement de l'influence de la pensée hellénistique. Le livre se présente comme une suite de réflexions sur les déceptions de la vie. La devise du livre est : « Vanité des vanités, tout est vanité », une conclusion tirée de l'observation de la nature dont il résulte que tous les humains sont égaux devant la mort.

Echegaray (José)

Auteur dramatique espagnol (Madrid 1832 – id. 1916).

Homme politique, prix Nobel en 1904, débordant d'un lyrisme effréné, il donna au théâtre romantique un second souffle et triompha constamment avec des comédies et des drames inspirés à la fois d'Ibsen – avec le Fils de don Juan (1892) – et de Maeterlinck – avec le Doute (1898). Dans sa pièce la plus célèbre, le Grand Galeoto (1881), il exploite les ressources du théâtre espagnol traditionnel.

Echenoz (Jean)

Romancier français (Orange 1947).

Depuis le Méridien de Greenwich (1979), ses romans revisitent l'héritage du nouveau roman, mais aussi les imaginaires familiers et les codes narratifs, dont ils soulignent les artifices, des romans policier (Cherokee, prix Médicis 1983), d'aventures (l'Équipée malaise, 1987) ou d'espionnage (Lac, 1989). Amateur de jazz, il pratique avec virtuosité l'art de la « reprise » décalée par de fécondes dissonances : syntaxe pleine de surprises, enchaînements désinvoltes, prolifération des rebondissements, pauses descriptives ou méditatives, narrateurs instables et ironiques. Cette virtuosité exhibée ne doit toutefois pas occulter une dimension de contestation : Echenoz peint un monde violent où manipulation et prédation sociale sont la règle et où des personnages peu intégrés s'inventent des lignes de fuite aux dimensions de la planète (Un an, 1997 ; Je m'en vais, prix Goncourt 1999). Son écriture, nourrie par un long travail de documentation, restitue le fond sonore collectif et anonyme des médias (Nous trois, 1992), explore les stéréotypes visuels et langagiers de notre époque (les Grandes Blondes, 1995) pour mettre en évidence la vacuité du sens sous la prolifération incontrôlée des signes.

Eco (Umberto)

Sémiologue et écrivain italien (Alessandria 1932).

Eco s'affirme d'abord grâce à son activité théorique, travaillant essentiellement sur l'analyse de l'esthétique médiévale (le Problème esthétique chez Thomas d'Aquin, 1956). Puis il élargit ce champ d'étude à la sémiotique, l'appliquant également aux problèmes contemporains liés à la diffusion des médias et aux phénomènes de mode (l'Œuvre ouverte, 1963 ; la Structure absente, 1968 ; Traité de sémiotique générale, 1975 ; Lector in fabula, 1979 ; Sémiotique et philosophie du langage, 1984 ; la Guerre du faux, 1985 ; Six Promenades dans les bois et ailleurs, 1994 ; la Recherche de la langue parfaite, 1994). Dans ces essais, mais aussi dans ses nombreux articles (Pastiches et Postiches, 1963 ; Comment voyager avec un saumon : nouveaux pastiches et postiches, 1992), il analyse les mœurs actuels avec un mélange savant d'ironie et d'érudition, tout en accordant une large place à la critique littéraire (il participa aussi aux activités du Groupe 63). Toutefois, c'est seulement après la publication de son œuvre narrative que Eco devient mondialement connu. Son premier roman, le Nom de la rose (1980), a été lu par plus de quinze millions de personnes. L'histoire se déroule au XIVe s. dans un couvent situé dans le nord de l'Italie. Eco y est conduit à parodier, et à unir pour les subvertir l'un par l'autre, toutes les conventions et tous les genres littéraires, du traité théologique au roman policier. Il a, entre autres, relevé le défi de W. H. Auden, selon lequel le « meurtre dans le monastère » comptait parmi les impossibilités fondamentales du récit criminel. C'est pourquoi Eco a voulu mettre en scène sept crimes, qui se déroulent pendant les sept jours servant de cadre temporel au récit. Ces crimes ne trouvent leur solution qu'en restant inexpliqués. Ce caractère « ouvert » de l'écriture romanesque est indéniablement lié aux théories sémiotiques développées par Eco. Cependant, il ne faut pas interpréter le Nom de la rose comme un roman-essai, étant animé d'une pure volonté de raconter, que Eco ne veut pas théoriser. Le goût du pastiche, la capacité de toujours conférer à ses romans de nouvelles « ouvertures » et la trame « encyclopédique » de vouloir que ses livres contiennent tout un monde sont les principaux ingrédients de l'écriture de Eco. On les retrouve dans toute sa production littéraire : le Pendule de Foucault, 1988, dont l'histoire qui commence cette fois dans la société contemporaine s'achemine peu à peu vers le temps des croisades. L'Île du jour d'avant, 1994, étrange roman d'aventure, se déroule sur une île peu ordinaire : un vaisseau fantôme. Dans Baudolino, 2000, qui tire son titre du nom du protagoniste, Eco narre un voyage picaresque à la découverte du royaume décrit par le Prêtre Jean.