Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Theroux (Paul)

Écrivain américain (Medford, Massachussetts, 1941).

Centrés sur ses voyages et son expérience de lieux et de personnes étrangers et complexes, les romans de Paul Theroux rappellent le travail de Conrad ou de Naipaul. De Fong et les Indiens (1976) aux nouvelles du Dossier du Consul (1977), le thème central est celui de la découverte de soi grâce à l'étrangeté de l'étranger. Dans la Côte des Moustiques (1981) et O-Zone (1986), l'apocalypse nucléaire imaginée par un savant fou ou vécue par des New-Yorkais en excursion dans des zones contaminées permet la méditation sur la technologie et les valeurs américaines des années Reagan. Chicago Loop (1991) livre une réflexion sur l'obsession sexuelle et la violence : Parker Jagoda, tueur en série et victime du même crime, symbolise le constat ironique de Theroux sur une société paradoxalement réglée et déréglée par les avidités individuelles.

Theuriet (André)

Poète et romancier français (Marly-le-Roi 1833 – Bourg-la-Reine 1907).

Il inaugure sa carrière par quelques recueils de vers empreints de ferveur patriotique, inspirés par sa participation à la guerre de 1870, mais seule la peinture intimiste du romancier lui vaut son renom. Candeur naïve et sentimentalisme donnent le ton d'une abondante production forcément inégale une soixantaine de titres (le Bleu et le Noir, 1873 ; la Fortune d'Angèle, 1876 ; la Maison des deux Barbeaux, 1879 ; Sauvageonne, 1880 ; Madame Heurteloup, 1882 ; le Manuscrit du chanoine, 1902 ; la Sœur de lait, 1902 ; Mon oncle Flo, 1906).

Thevet (André)

Écrivain français (Angoulême 1504 ? – Paris 1592).

Cordelier, il visita l'Italie, l'Asie Mineure, la Grèce et la Palestine. En 1555, il fit partie de l'expédition de Villegaignon, partie coloniser le Brésil. En 1558, il fut nommé aumônier de Catherine de Médicis, historiographe et cosmographe du roi. Ses œuvres ont contribué à rendre familière l'idée du « bon sauvage » : Cosmographie du Levant (1554), les Singularités de la France antarctique (1557), la Cosmographie universelle (1571, 1575), les Vrais Portraits (1584). On lui doit aussi la première description de divers animaux américains : paresseux, opossum, lamentin, tapir.

Thibaudeau (Jean)

Écrivain français (La Roche-sur-Yon 1935).

Membre de Tel Quel de 1960 à 1971 (Mes années Tel Quel, 1994), il débute par Une cérémonie royale (1960), en partie tributaire des recherches néoromanesques, puis s'oriente vers la fragmentation textuelle (Ouverture, 1966 ; Imaginez la nuit, 1968), qu'il place sous le signe de l'aventure existentielle (« le Roman comme autobiographie », 1968). Théoricien des rapports entre langage, création et politique (Mai 1968 en France, 1970 ; Socialisme, avant-garde, littérature, 1972), ce traducteur de Calvino et de Sanguineti refuse les carcans rhétoriques et idéologiques (Voilà les morts, à notre tour d'en sortir, 1974 ; l'Amérique, 1979). Entre mémoire et fantasme (Comme un rêve, 1994 ; Dialogue de l'aube, 1998), l'œuvre tend vers l'inconscient, que traduit l'inachèvement croissant de la syntaxe.

Thierry (Augustin)

Historien français (Blois 1795 – Paris 1856).

Il fut un de ceux qui, en grand nombre au XIXe s., se tournèrent vers l'histoire sous l'influence de W. Scott et surtout de Chateaubriand et qui, avec l'avènement du romantisme et son goût pour la restitution du passé, illustrèrent l'essor de cette discipline jusque-là peu en faveur. Au sortir de l'École normale supérieure, professeur, puis secrétaire de Saint-Simon, il s'occupe de journalisme, de politique, pour se consacrer enfin à la recherche historique. Dès 1820, où paraissent, dans le Courrier français, les Lettres sur l'histoire de France, s'affirment son désir de faire œuvre d'historien et ses conceptions. « Les hommes, écrit-il, et même les siècles passés doivent entrer en scène dans le récit, s'y montrer tout vivants » ; le récit doit être « la partie essentielle de l'histoire » : A. Thierry est en effet un adepte de l'histoire narrative. Ce libéral fonde son explication des soubresauts de l'histoire sur une thèse contestable : le conflit de deux races – celle des vainqueurs (les Normands, les Francs) devenus les seigneurs, la noblesse d'épée, et celle des vaincus (les Saxons, les Gaulois) devenus les serfs, le tiers état puis le peuple. Cette thèse, développée surtout dans son premier ouvrage paru en 1825, Histoire de la conquête de l'Angleterre par les Normands, encore sensible dans son ouvrage le plus célèbre, à juste titre, par son caractère vivant, exact et documenté, Récits des temps mérovingiens (1840), fait place à la fin de sa vie à une vision moins polémique et plus proche de la science historique dans l'Essai sur l'histoire de la formation et des progrès du tiers état (1850). Devenu aveugle dès 1833, il continua pourtant, avec l'aide de ses proches, ses recherches et travaux jusqu'à sa mort en 1856. Sa conception de l'histoire comme une narration vivante, par la couleur locale et l'analyse psychologique des personnages, en a fait un genre littéraire très goûté au XIXe s.

Thiess (Frank)

Écrivain allemand (Eluisenstein, 1890 – Darmstadt 1977).

Il évoque dans ses romans les conflits de l'amour incestueux (les Damnés, 1923) ou du passage à l'âge d'homme (Jeunesse, 1927-1931). Fuyant l'Allemagne en 1933, il se tourne vers le roman documentaire, brossant de grandes fresques des civilisations en crise : Tsushima (1936), l'Empire des démons, (1941) et les Empereurs grecs (1959). Il est aussi l'auteur de récits autobiographiques et l'inventeur du concept d'« émigration intérieure », désignant ainsi la situation des écrivains qui, restés dans l'Allemagne hitlérienne, opposèrent par leurs écrits une résistance au national-socialisme.

Thirion (André)

Écrivain français (Baccarat, Meurthe-et-Moselle, 1907 – Levallois-Perret 2001).

Proche des surréalistes, il donne dans son autobiographie (Révolutionnaires sans révolution, 1972) un document important sur la période 1925-1945. Son Éloge de l'indocilité (1973) reprend, entre autres textes écrits de 1929 à 1972, le conte À quoi bon ou l'Automne sur la mer (1953) qui se termine sur la vision sacrilège et consolante d'un cimetière devenu basse-cour : « Je quittai le champ des morts alors que les couronnes disparaissaient sous les plumes et qu'y caquetait une abondante volaille jaune et noire. » Béatrice (1975) place dans une perspective mélodramatique les événements sociaux et politiques de la fin de la IVe République et des débuts de la Ve.