Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Souhait (seigneur François du)

Poète et romancier (fin XVIe – début XVIIe s.).

On ne sait presque rien de sa vie, et, pour Boileau, du Souhait est un auteur oublié. Il a pourtant fréquenté le cercle de la reine Margot, où il puise le style ampoulé de ses premiers romans. Car ceux-ci – romans de chevalerie et romans à clef – l'ont rendu célèbre, comme ses Histoires comiques publiées en 1612. Selon Sorel, c'est du Souhait qui lui aurait ouvert la voie dans ce genre alors neuf. Il donne aussi une traduction de l'Iliade, avant d'être banni en 1614 après avoir écrit des pamphlets.

Soulary (Joseph-Marie, dit Joséphin)

Poète français (Lyon 1815 – id. 1891).

Il fit paraître plusieurs volumes de vers qui révèlent une inspiration délicate ; ses Sonnets humoristiques (1858), avec deux pièces restées célèbres, « Rêves ambitieux » et « les Deux Cortèges », confirment sa réputation. Le même romantisme familier anime ses autres recueils : les Figurines et Rêve de l'escarpolette (1862), la Chasse aux mouches d'or (1876). On lui doit, en outre, deux comédies : Un grand homme qu'on attend (1879) et la Lune rousse (1879).

Souleïman Roustam (Souleïman Ali-Abbas-ogly Roustamzadè, dit)

Poète azerbaïdjanais (Bakou 1906).

Fils d'ouvrier, il anime le groupe d'écrivains komsomols des Plumes rouges (1925), célèbre romantiquement les héros de l'édification socialiste et de la guerre civile (De la peine à la joie, 1927 ; Étoiles, 1934 ; Tchapaïev, 1936) et soutient de son verbe la lutte de ses compatriotes d'Iran et la résistance au nazisme (Deux Rives, 1949 ; les Vagues de la Caspienne, 1971). Il a dénoncé dans des comédies les survivances des vieilles mœurs (Tchimnaz-hanum, 1922 ; l'Incendie, 1930 ; Dourna, 1948) et consacré un drame historique au chef paysan Gatchag Nabi (1940).

Soulié (Frédéric)

Écrivain français (Foix 1800 – Bièvre 1847).

Devenu célèbre en 1832 avec un récit historique, les Deux Cadavres, et un drame, Clotilde, il composa des pièces de théâtre (Diane de Chivry, 1839 ; la Closerie des genêts, 1846) et de nombreux romans, dont le Vicomte de Béziers (1834), le Lion amoureux (1839) et les Mémoires du diable (1837-1838) où le pacte diabolique est l'occasion d'une satire de la France. Eulalie Pontois (1840) constitue un prototype du roman policier (meurtre en local clos, enquête, soupçons, révélation finale du coupable).

Soumagne (Henri Wagener, dit Henry)

Auteur dramatique belge de langue française (Liège 1891 – Metz 1951).

Son théâtre, hanté par la mort (Terminus, 1927), interroge la religion d'un point de vue hétérodoxe : l'Autre Messie, monté à Paris en 1923, fit scandale dans toute l'Europe par son évocation du problème de l'existence de Dieu, débattu par des ivrognes dans un bouge de Varsovie ; Madame Marie (1928) met en scène un Jésus-Christ à qui l'on fait croire qu'il est un prophète.

Soumarokov (Aleksandr Petrovitch)

Écrivain russe (Saint-Pétersbourg 1717 – id. 1777).

De famille noble, il fit ses études dans le corps des cadets et fut le premier écrivain russe à se consacrer uniquement à la littérature, ce qui explique la variété et la richesse de sa production, par rapport à ses contemporains. En poésie, il écrivit – comme Lomonossov avec lequel il eut une vive polémique – des odes, mais il donne une place de choix à la chanson, en laquelle il voit l'aboutissement de la « clarté » classique dont il est partisan ; son œuvre comporte aussi un versant satirique, fables ou anecdotes de type épigrammatique qu'il publie dans sa propre revue, l'Abeille laborieuse, la première du genre (1759). Directeur du premier théâtre russe, il écrivit des tragédies selon les règles classiques, notamment la règle selon laquelle le sujet doit être tiré de l'Histoire (Khorev, 1747 ; Sinav et Trouvor, 1750 ; Dmitri Samozvanets, 1771). Quant à ses comédies (le Tuteur, 1765 ; le Cocu imaginaire, 1872), elles visent à « épurer les mœurs ».

Soumet (Alexandre)

Écrivain français (Castelnaudary 1788 – Paris 1845).

Ayant adhéré au cénacle de la Muse française, où il prônait, aux côtés de Victor Hugo et d'Émile Deschamps, les opinions les plus libérales, il se tourna vers le théâtre et y triompha avec Clytemnestre et Saül (1822), puis Cléopâtre (1824), Jeanne d'Arc (1825), les Maccabées (1827) et Élisabeth de France (1828), qui témoignent de la prudence avec laquelle Soumet, ainsi que les écrivains de la première génération romantique, se libérèrent des disciplines classiques.

Soundounkian (Gabriel)

Auteur dramatique arménien (Tiflis, auj. Tbilissi, 1825 – id. 1912).

Fondateur du théâtre arménien, il a créé un genre de comédies de mœurs qui peignent avec réalisme les préjugés et les passions de la classe bourgeoise (le Foyer ruiné, 1873 ; les Époux, 1888) ou le milieu des marchands arméniens de sa ville (Pepo, 1871). Plusieurs de ses pièces ont été portées à l'écran, dont Pépo (1936).

Soupault (Philippe)

Écrivain français (Chaville 1897 – Paris 1990).

Fils de famille en révolte contre sa classe (son père est un grand médecin, et son oncle, le patron d'usines d'automobiles), il connaît la guerre. De l'hôpital, il adresse un poème à Apollinaire, qui le publie et lui fait rencontrer Breton. Avec ce dernier et Aragon, « Philippe Dada », vu aussi comme un dilettante, participe à la création de la revue Littérature (1919), à l'origine directe du surréalisme. En collaboration avec Breton, il y fait paraître les Champs magnétiques, « ce livre par quoi tout commence », inaugurant de fait le surréalisme, par l'usage systématique de l'écriture automatique. D'un même mouvement, il compose avec Breton deux sketches, S'il vous plaît et Vous m'oublierez (1920), qui sont représentés, si la chose est possible, lors des manifestations dada, auxquelles Soupault participe avec une belle insolence, de 1920 à 1922. Il dirige alors la Revue européenne (1923-1925), publie des recueils poétiques (Aquarium, 1917 ; Rose des vents, 1920 ; Westwego, 1922, le plus célèbre de ses recueils, qui rappelle Cendrars ou Apollinaire) et des romans sur la crise morale de la jeunesse contemporaine (le Bon Apôtre, 1923 ; À la dérive, 1923 ; les Frères Durandeau, 1924 ; En joue, 1925). En 1926, Georgia est un recueil dont le poème éponyme s'appuie sur la scansion du nom de la femme aimée. Ayant accouché le surréalisme, Soupault est le premier à s'en éloigner la même année, préférant sa liberté à l'organisation et à l'engagement politique. Déjà la question du politique menace le mouvement de scission. C'est paradoxalement à cette époque qu'il donne son roman le plus surréaliste, les Dernières Nuits de Paris (1928), qui n'est pas sans évoquer Nadja de Breton. Il voyage alors et entreprend une série de grands reportages pour des journaux en Europe (1925-1928), aux États-Unis (1929), en Russie (1930), en Allemagne et en Italie (1931-1935). En 1938, il fonde Radio-Tunis. Pendant la guerre, il renouvelle le genre de l'ode, dédié aux capitales de l'Europe (Odes, 1945). À son retour en France, il rédige le Journal d'un fantôme (1946), relatant ses impressions à la Libération, collabore à la radio et reprend son activité de journaliste. Outre ses romans (le Grand Homme, 1929 ; les Moribonds, 1934), ses essais sur William Blake (1928), Guillaume Apollinaire (1928), Lautréamont (1929), Charlot (1930), Baudelaire (1931), Eugène Labiche (1944), Alfred de Musset (1957), Profils perdus (1963), Soupault a rassemblé en 1973 ses écrits poétiques sous le titre Poèmes et Poésies 1917-1973 (révélant un grand nombre d'inédits), ses Écrits sur la peinture (1980) et publié ses Mémoires de l'oubli (1914-1980). Il avait commencé à y travailler en 1967. Ce témoin vital du surréalisme, vivant, actif, celui en qui H. Mann voyait l'exemple du jeune écrivain européen, ce poète très actif et de toutes les revues qui comptaient a été redécouvert lors de son centenaire (exposition à la B.N.F.). La modernité, l'ampleur et la générosité lyrique de son propos ne font alors plus de doute, et celui à qui Breton a fait tant d'ombre apparaît en plein soleil.