Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Merle (Robert)

Écrivain français (Tébessa, Algérie, 1908-Grosrouvre, Yvelines, 2004).

Marqué par l'expérience de la guerre, dont l'absurdité le hante (Week-end à Zuydcoote, 1949), c'est avec la même sobriété et la même force de conviction qu'il analyse le fonctionnement de l'univers concentrationnaire (La mort est mon métier, 1952). Il met ensuite son espérance humaniste à l'épreuve dans des récits de science-fiction qui évoquent des cataclysmes futurs (Un animal doué de raison, 1967 ; Malevil, 1972 ; les Hommes protégés, 1974 ; Madrapour, 1976) et dans des romans historiques (Fortune de France, 1978 ; En nos vertes années, 1979 ; Paris ma bonne ville, 1980 ; le Prince que voilà, 1982 ; la Pique du jour, 1985 ; l'Idole, 1987 ; le Propre de l'homme, 1989 ; la Volte des vertugadins, 1991).

Merlin
(en prose)

Présent dès le XIIe siècle chez Geoffrey de Monmouth et dans le Brut de Wace, Merlin le prophète, le fils du diable sauvé par Dieu, est au centre du Merlin en prose (début XIIIe s.), qui en conte la naissance et le rôle majeur qu'il joue grâce à ses dons de devin et de magicien auprès des rois de Grande-Bretagne en lutte contre les Saxons, dans la naissance d'Arthur, puis dans son accession au trône (l'épée au perron). À l'origine de la très longue série des romans arthuriens en prose, le Merlin invente aussi la fiction de son origine : le livre que réécrit le pseudo-Robert de Boron est celui que Merlin a dicté à son copiste Blaise au fur et à mesure que se déroule l'action. Ce texte qui fonde la prose romanesque en liaison avec le monde arthurien, le motif du Graal et la conception d'un temps cyclique, a été ensuite intégré au Lancelot-Graal. Il est aussi au centre de la trilogie en prose attribuée à Robert de Boron. Plus tardive, la Suite du Roman de Merlin (vers 1240) revient sur les débuts mouvementés du règne d'Arthur.

Mérouvel (Charles Chartier, dit Charles)

Écrivain français (Laigle 1832 – Marseille 1920).

Avocat et propriétaire terrien, il vint tardivement à la littérature. Il publia des romans en feuilleton dans la Petite République française à partir de 1881, puis dans le Petit Parisien (1887-1925), dont le plus connu, Chaste et flétrie (1889), fut maintes fois réédité (il inaugura la collection « Le Livre populaire », créée par Fayard en 1905). Les romans de Mérouvel se déroulent souvent dans la haute société (le Roi Crésus, 1884-1885 ; Deux Passions, 1900 ; le Péché de la Générale, 1905) et sont marqués par un léger érotisme (scènes de viol, voyeurisme). Focalisés sur les drames amoureux, ils annoncent les grands romans sentimentaux (ceux de Delly en particulier).

Merrill (James)

Écrivain américain (New York 1926 – Tucson 1995).

Influencée par Eliot, sa poésie, nourrie de références classiques et soucieuse d'impersonnalité, s'enrichit d'une symbolique rituelle et culturelle (le Cygne noir, 1946 ; Water Street, 1962 ; Nuits et jours, 1966 ; l'Écran de feu, 1969 ; les Pages jaunes, 1974 ; Jeux de lumière à Sandover, 1983). Il est considéré comme un des poètes majeurs de la « poésie confessionnelle ».

Merritt (Abraham)

Écrivain américain (Beverley, New Jersey, 1884 – Indian Rock Beach, Floride, 1943).

Aventurier puis rédacteur en chef d'un grand hebdomadaire d'information, l'American Weekly, il appartient à cette génération d'écrivains qui, comme Edgar Rice Burroughs ou, dans une autre veine, H. P. Lovecraft, ont contribué à la naissance de la science fantasy anglo-saxonne. Cette catégorie de récits à mi-chemin du fantastique et de la science-fiction se rapproche à bien des égards de l'heroic fantasy dont elle possède souvent le caractère épique, mais son cadre géographique et historique lui confère une certaine autonomie au sein des littératures de l'étrange, de même que son propos, où science et magie font généralement bon ménage. Son premier roman (le Gouffre de la lune, 1919) oscille entre symbolisme onirique et récit d'aventures. Dans la plupart de ses œuvres se retrouvent mondes oubliés et héros affrontés à des forces colossales : le Visage dans l'abîme, 1923 ; Ces habitants du mirage, 1932).

Mersenne (Marin)

Philosophe et savant français (près d'Oizé, Sarthe, 1588 – Paris 1648).

Après des études chez les oratoriens et les jésuites, il prend l'habit des minimes en 1611. Professeur de philosophie à Nevers (1614-1620), il s'établit ensuite à Paris au couvent de l'Annonciade. Au centre de l'activité scientifique de son temps, il fit connaître à Pascal l'expérience de Torricelli, traduisit en 1644 les Mécaniques de Galilée, correspondit avec Fermat et Beeckman. Son Academia parisiensis (1635) fut une esquisse de l'Académie des sciences. Il fut l'ami de Descartes et de Gassendi.

Mertens (Pierre)

Écrivain belge de langue française (Bruxelles 1939).

La plupart des héros de ses romans et nouvelles se caractérisent par une secrète blessure qui fait d'eux des êtres déracinés, en quête d'un chemin de traverse où se découvrira peut-être une forme insoupçonnée de salut : ainsi de l'enfant de l'Inde ou l'Amérique (1969), du trio familial de la Fête des anciens (1971), des protagonistes du Niveau de la mer (1970), de Nécrologies (1977) ou d'Ombres au tableau (1982). Contrairement à ces récits intimistes, les Bons Offices (1974) et Terre d'asile (1978) plongent leurs personnages dans la tourmente du monde contemporain, tandis que Perdre (1984) est un roman de l'amour fou. Avec les Éblouissements (prix Médicis 1987), Mertens atteint à la consécration internationnale. Le roman réinvente l'existence misérable et glorieuse de Gottfried Benn, en fait le portrait emblématique de l'intellectuel ambigu du XXe siècle, « ébloui » par la sottise du pouvoir. En 1995, Une paix royale déclenche un gigantesque scandale en mettant en cause la famille régnante à travers un récit où se mêlent fiction et réalité. Peu à peu, Mertens s'est hissé au premier rang des auteurs belges de langue française contemporains. Il est également présent dans les grands débats d'idées, comme en témoigne le numéro spécial des Nouvelles littéraires qu'il fit paraître sous le titre d'Une autre Belgique, en 1976, et qui devait lancer le thème de la « belgitude ».