Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Pogge (Gian Francesco Poggio Bracciolini, dit le)

Humaniste italien (Terranuova, Florence, 1380 – Florence 1459).

Secrétaire de Boniface IX, voyageur en Europe, chancelier de la république de Florence, il est surtout connu pour avoir découvert de nombreux manuscrits latins (Cicéron, Plaute, Lucrèce, Quintilien et Stace). Il fut célèbre dans toute l'Europe pour un recueil de contes (Facéties, 1438-1452), connu en français à partir de 1490, sous le titre de Contes de Pogge Florentin. Sa Correspondance forme un document capital sur la vie intellectuelle de son temps.

Pogodine (Mikhail Petrovitch)

Écrivain russe (Moscou 1800 – id. 1875).

D'origine modeste, il fit ses études à l'Université de Moscou et publia un récit – le Mendiant (1825) – qui lui valut d'être inquiété par la police. Il s'intéressa aux traditions populaires dans un esprit romantique (le Sacristain sorcier, 1837), mais il reste avant tout le peintre pittoresque et réaliste de la noblesse provinciale, des marchands, de la vie familiale des classes moyennes (la Criminelle, 1830 ; la Fiancée au marché, 1837).

Pohl (Frederik)

Écrivain américain (New York 1919).

Membre du célèbre groupe new-yorkais des Futurians (1938-1945), rédacteur et anthologiste, il signe plusieurs romans avec Cyril Kornbluth, dont Planète à gogos (1952) et l'Ère des gladiateurs (1955), virulente satire de la publicité. Les premiers romans signés de son seul nom prennent le prétexte du complot pour dérouler des aventures classiques (l'Ultime Fléau, 1965). Tout en échappant aux pesanteurs de la « Hard Science », par son style vif et un indéniable sens du romanesque, il met à contribution ses très larges connaissances des sciences et des techniques pour rendre vraisemblables les détails quotidiens d'une situation exceptionnelle : adaptation cybernétique d'un homme appelé à vivre sur Mars (Homme Plus, 1976). Son œuvre est cependant empreinte d'un désenchantement qui pèse tant sur la Grande Porte (1979) et ses suites que sur Jem (1979) ou Plus de morts que de vifs.

Poinsinet (Antoine Alexandre Henri) , dit aussi Poinsinet le Jeune ou Poinsinet le Mystifié

Écrivain français (Fontainebleau 1735 – Cordoue 1769).

Auteur de parodies (Totinet, 1753), de parades (Gilles garçon peintre, 1758 ; Cassandre aubergiste, 1765) et d'opéras-comiques, mis en musique notamment par Philidor (Ernelinde, princesse de Norvège, 1767), il connut le succès avec ses comédies (le Petit Philosophe, 1760 ; le Sorcier, 1764 ; le Cercle ou la Soirée à la mode, 1764) et une adaptation de Tom Jones (1766).

Poissenot (Bénigne)

Écrivain français (Langres 1558 ? – ?).

Il est l'auteur de deux recueils de nouvelles, l'Été (1583) et les Nouvelles Histoires tragiques (1586). Licencié en droit, il ne put (dit-il dans le prologue de ses Histoires tragiques), faute de moyens financiers, accéder au barreau et se fit régent de collège. Construit sur le modèle, devenu classique en France, du Décaméron, l'Été, divisé en trois journées, rapporte les récits, entrecoupés de dialogues, qu'échangent trois étudiants toulousains en vacances à Narbonne. Le recueil mêle nouvelles comiques et dramatiques.

Poisson (Raymond) , dit l'Ancien

Écrivain français (Paris v. 1630 – id. 1690).

Il créa, sous le nom de Belleroche, le personnage du valet hâbleur Crispin à l'Hôtel de Bourgogne, puis écrivit des comédies, dont le Baron de la Crasse (1662), comédie à succès qui fut jouée souvent à la cour pendant le règne de Louis XIV. – Son petit-fils Philippe (Paris 1682 – Saint-Germain-en-Laye 1743) fut à la Comédie-Française (1700-1722) un acteur médiocre, mais l'auteur à succès du Procureur arbitre (1728), de l'Impromptu de campagne (1733), des Ruses d'amour (1736).

Poláček (Karel)

Écrivain tchèque (Rychnov nad Kněžnou 1892 – Auschwitz 1944).

Auteur de récits humoristiques (la Coquette et le Journaliste, 1926 ; les Hommes hors jeu, 1931) et de romans de mœurs (la Maison en banlieue, 1928 ; le Chef-lieu d'arrondissement, 1936 ; Complet, 1939), il écrivit aussi un livre pour enfants (Nous étions cinq, 1946) et son journal (Avec l'étoile jaune, 1946).

Polejaïev (Aleksandr Ivanovitch)

Poète russe (Pokrychkino, gouvern. de Penza, 1804 – Moscou 1838).

Étudiant à l'Université de Moscou, il mena une vie de débauche et d'ivrognerie, qu'il évoque dans son poème Sachka (1825-1826), parodie de Pouchkine, dont les appels à la licence et à la liberté lui valurent d'être envoyé comme soldat au Caucase. Romantique influencé par Hugo et Byron, il doit à sa sincérité élégiaque le surnom de « Lamartine russe » (Kaliane, 1833 ; la Harpe, 1838 ; Heures de convalescence, 1842).

Polet (Sijbe Minnema, dit Sybren)

Écrivain néerlandais (Kampen 1924).

Poète « expérimentaliste », il traduit une inspiration métaphysique en une langue technique qui rappelle celle d'Achterberg et qui s'inscrit dans la mouvance de la « poésie concrète » (Démiorgasmes, 1953 ; Lady Godiva à scooter, 1960 ; Illusions et Illuminations, 1975). Il est aussi l'auteur de romans utopiques (Xpertise de l'expert à la lampe rouge, 1978) et de livres pour enfants (les Marionnettes de la bonne femme Abbekerker, 1983).

policière (littérature)

Voulant relever un genre méprisé par la critique, certains historiens ont attribué à la littérature policière des origines mythiques comme la Bible, Œdipe Roi ou Zadig de Voltaire. Pour d'autres, comme Igor B. Maslowski, tout débuta avec la publication, en 1734, du premier volume des Causes célèbres de François Gayot de Pitaval, relatant des affaires comme celle de la Brinvilliers ou de Martin Guerre. L'attrait pour le crime se retrouvait également dans la littérature de colportage parlant des exploits de Cartouche ou de Mandrin. Puis il y eut, en 1828, la publication des Mémoires – sans doute apocryphes – de l'ex-bagnard devenu chef de la police, François Vidocq. Le personnage inspira Balzac, Hugo, Dumas, Eugène Sue et Paul Féval au moment où le feuilleton apparaît dans le quotidien la Presse d'Émile de Girardin en 1836. Le personnage ambigu de Vidocq se retrouve ensuite avec le Rocambole de Pierre-Alexis du Terrail, qui, de criminel, va devenir un brillant auxiliaire de la justice. Alexandre Dumas, dans les Mohicans de Paris (1854), utilisera Vidocq sous les traits de M. Jackal. Mais Vidocq inspira également Edgar Poe : sa nouvelle Double Assassinat dans la rue Morgue (1841) le fit désigner comme l'un des pères fondateurs de la fiction policière avec son chevalier Dupin. Poe sera ainsi l'un des premiers à systématiser la déduction logique.

Le roman-problème et le thriller

Tout semble semble s'enchaîner comme par enchantement. Poussant plus loin le rôle de la déduction inaugurée par Poe, Émile Gaboriau propose son policier Lecoq (le Crime d'Orcival, 1868). Sherlock Holmes, le roi des détectives, apparaît en 1887 dans Une étude en rouge, et son créateur, Conan Doyle, déclare qu'il s'est inspiré de Dupin et de Lecoq, ainsi que d'un de ses professeurs. Gaston Leroux réclame également le parrainage de Poe en créant son reporter Rouletabille (le Mystère de la chambre jaune, 1907). Puis c'est lui qui incitera Agatha Christie à devenir la grande prêtresse du roman d'énigme, ou roman-problème, avec son Hercule Poirot (la Mystérieuse Affaire de Styles, 1920). John Dickson Carr, auteur d'une biographie de Conan Doyle, avoue que son Gideon Fell (le Gouffre aux sorcières, 1933) est inspiré de G. K. Chesterton, père de l'abbé Brown (Un nommé Jeudi, 1908). Mais, parallèlement au roman-problème, existait le thriller, roman d'aventures à faire frémir, sans doute hérité du roman gothique anglais où abondent événements mystérieux qui font naître l'effroi (le Château d'Otrante, 1764, d'Horace Walpole ; Frankenstein, 1818, de Mary Shelley). Sax Rohmer, Edgar Wallace ou encore ceux qui furent à l'origine du roman d'espionnage anglais, John Buchan, William Le Queux ou Sapper, lancèrent ce genre hybride qui rejoint la veine du roman prenant le criminel comme héros. Génie du crime comme le feuilletonesque Fantômas (1911-1913) d'Allain et Souvestre, gentleman cambrioleur comme l'Arsène Lupin (1905-1935) de Maurice Leblanc, le Chéri-Bibi (1914-1925) de Leroux, victime de la fatalité ; on le reverra en Saint (1928) chez Leslie Charteris, avec l'humour en plus, ou en ennemi public pitoyable dans les quatre volumes de la série Kaput (1955-1956) de F. Dard. Les Américains reprennent la dualité du personnage à la Vidocq et apparaissent alors des personnages de justiciers au-dessus des lois : le Mike Hammer (1947) de Mickey Spillane, le policier Keller (1974) de Nelson de Mille ou Burke (1980), le privé d'Andrew Vacchs.