Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
K

kurde (littérature) (suite)

Expression de l'identité kurde au XXe s.

La naissance de la presse kurde dès 1898, avec le premier journal Kurdistan, a joué un rôle important dans le foisonnement de la littérature kurde. Tout au long du XXe s. la presse périodique a œuvré à diffuser le patrimoine littéraire.

   Si l'on peut parler jusqu'à l'effondrement de l'empire ottoman de deux littératures kurdes, chacune liée à un dialecte, on peut, dès lors, parler d'une littérature éclatée. Après avoir été divisé pendant quatre siècles entre les deux empires, perse et ottoman, le Kurdistan, par la création des États-nations dans la région, se trouve désormais divisé en quatre parties. Cette nouvelle donne se répercutera tout particulièrement sur la production littéraire. Les quatre États entre lesquels les Kurdes se trouvaient partagés : la Turquie, l'Iran, l'Iraq et la Syrie, n'ont pas l'intention de laisser se développer un sentiment national kurde, et par conséquent de permettre à la littérature de s'épanouir. Dès sa création, la République turque interdit toute forme d'expression kurde et nie toute existence propre à ce peuple. Dès 1925, la langue kurde est interdite et les Kurdes sont désormais désignés dans le langage officiel comme « les Turcs des montagnes ». En Iran, où l'existence d'un peuple kurde est acceptée, la langue kurde trouve son terrain d'expression dans l'usage quotidien, mais la littérature ne pourra s'épanouir qu'au cours de la république éphémère de Mahabad, qui ne durera que onze mois, en 1946. La Syrie, dès la fin du mandat français, ne laisse plus aucune possibilité d'expression à l'identité kurde. C'est en Iraq que la littérature kurde trouve son expression la plus intéressante, puisque la situation politique y est plus favorable. La langue est enseignée dans une région limitée et les auteurs peuvent plus ou moins facilement publier leurs œuvres. Cependant, les interdictions frappent les activités littéraires chaque fois que les relations se dégradent entre les gouvernements de Bagdad et le mouvement national kurde. Celui-ci, toutefois, ne cesse de progresser malgré les guerres successives et les répressions. Les lettrés suivent le mouvement des littératures dans le monde à travers l'arabe, le persan et, plus tard, les langues occidentales. La poésie suit son chemin et se débarrasse de ses formes classiques en adoptant les vers libres peu après la Seconde Guerre mondiale. Goran (1904-1962) s'impose comme le plus grand poète kurde du XXe s. Tous les genres littéraires sont désormais représentés dans les œuvres des écrivains.

   Par ailleurs, les conditions politiques dans lesquelles vivent les Kurdes ont fait naître une littérature très importante dans la diaspora. Tout d'abord parmi les Kurdes de l'ex-U.R.S.S., et cela dès le lendemain de la Première Guerre mondiale, mais aussi parmi les Kurdes exilés en Occident, particulièrement en Europe où une communauté de plus en plus nombreuse s'installe à partir des années 1970 et où les écrivains voient un terrain propice à la liberté d'écriture, ce qu'ils n'avaient pas dans leur pays natal.

   Après la deuxième Guerre du Golfe (1991), les Kurdes d'Iraq créent leur terre de liberté au nord, à partir de laquelle ils lancent un mouvement littéraire jamais égalé dans sa richesse et son épanouissement. Pour la première fois, des journaux quotidiens voient le jour et les moyens audiovisuels se multiplient. Chaque année, plusieurs centaines d'ouvrages et près de cent périodiques sont publiés. Depuis une dizaine d'années, les Kurdes de Turquie, privés jusqu'alors d'existence officielle, développent une littérature qui porte les stigmates de décennies de négation mais aussi de la soif d'écrire.

Kureishi (Hanif)

Écrivain anglais (Bromley, Kent 1954).

Fils d'une Anglaise et d'un journaliste pakistanais, il fait très tôt l'expérience du racisme ordinaire. Après ses premiers pas au théâtre (la Mère patrie, 1980 ; Oiseaux de passage, 1983), il rencontre le succès en tant qu'auteur de scénarios pour le cinéaste Stephen Frears (My Beautiful Laundrette, 1985 ; Sammy et Rosie s'envoient en l'air, 1987), ceux-ci reflètent l'affrontement des communautés autochtone et immigrée dans les banlieues londoniennes de l'ère thatchérienne. C'est en 1990 que Kureishi publie le Bouddha de la banlieue, roman semi-autobiographique (le narrateur, Karim Amir, est le fils d'un Indien et d'une Anglaise), suivi par l'Album noir (1995) et Intimité (1999). En 1997, ses nouvelles sont rassemblées dans Des bleus à l'amour, où, tout en poursuivant son exploration des mœurs sexuelles contemporaines, il aborde les problèmes liés à l'intégrisme musulman.

Kürenberg (Der von)

Poète autrichien (2e moitié du XIIe s.).

On possède de lui quinze strophes du type « strophes des Nibelungen » : Chant des faucons. Le sire de Kürenberg est le premier représentant connu de la poésie d'amour en langue allemande avant même que le Minnesang proprement dit se développe. Les conventions du « vasselage d'amour » avec sa répartition stéréotypée des rôles entre le chevalier et sa dame n'apparaît pas encore ici. La femme y parle un langage plus hardi et il lui arrive même de renverser les rôles et de solliciter l'amour du bien-aimé trop réservé.

Kusano Shinpei

Poète japonais (Fukushima 1903 – id. 1988).

Il commença sa création poétique dans la région cantonaise de Chine, où il était parti faire des études universitaires (1921) après avoir quitté le lycée d'Iwaki et le Keio. À son retour au Japon, il fit connaissance avec Takamura Kotaro et publia en 1928 son premier recueil de poèmes : la Centième Classe. En 1935, il participa à la fondation de la revue Rekitei, et joua un rôle important au sein du groupe de poètes qui se forma autour de celle-ci. Suivent de nombreux recueils, dont les célèbres Grenouilles (1938) et le Mont Fuji (1943), ainsi que des critiques Mon Kotaro (1969), Mon Kenji (1970).

Kuśniewicz (Andrzej)

Romancier polonais (Kowenice 1904 – Varsovie 1993).

Né en Galicie autrichienne dans une famille aristocratique polonaise, Kuśniewicz reçoit l'éducation d'un jeune noble aisé, sillonne l'Europe, participe à des courses de voiture en Italie, connaît le tout-Paris, vit l'existence joyeuse de la Vienne de la Belle Époque. Surpris par la Seconde Guerre mondiale en France, il gagne les rangs de la Résistance française, ce qui lui vaut un internement à Fresnes (où il devient membre du parti communiste français) et une déportation à Mauthausen. À la libération, il devient consul de Pologne à Strasbourg, Lille et Toulouse (1945-1949), puis regagne la Pologne marxiste où il affiche un désintérêt absolu à l'égard de toute idéologie et de toute activité politique. Au moment du dégel stalinien, il fait des débuts littéraires avec deux recueils de poèmes, Des paroles sur la haine (1956), la Chandelle du diable (1959). La célébrité lui vient un peu plus tard avec son œuvre romanesque. Ses quinze romans, dont les plus importants sont : Eroica, 1963 ; le Chemin de Corinthe, 1964 ; le Roi des Deux-Siciles, 1970 ; Constellations, 1971 ; la Leçon de langue morte, 1977 ; l'État d'apesanteur, 1973 ; Vitrail, 1980 ; Volte, 1988). Ils connaissent un succès immédiat en Pologne et à l'étranger. Membre étranger associé de l'Académie Goncourt, Kuśniewicz est « un écrivain de carrefour », le plus européen de la littérature polonaise contemporaine. Il a une prédilection pour l'évasion dans le passé (avec une fascination pour le XVIIIe s.) : il présente tour à tour les images de sa Podolie natale, fraîche et sensuelle, terre de ses premiers émois, et celles d'une Autriche galante et moribonde, gravée dans la mémoire de l'adolescent avec ses déguisements et ses trompe-l'œil, son ascèse et ses paradis. Après la projection des fantasmes qui l'ont conduit vers le néant (le Chemin de Corinthe), après le recours à une culture qui s'est transformée en langue morte (la Leçon de langue morte), Kuśniewicz se lance à la recherche de ses racines pour découvrir la dérision de l'héritage non choisi (Mélanges de mœurs). Le déclin de la culture européenne est au cœur de la plupart de ses derniers romans. Il exploite les acquis de la narration contemporaine : éclatement linéaire du discours, multiplication des points de vue, jeu des temps et des modalités. Il use volontiers du présent pour compromettre le passé, du passé pour ébranler le présent. Kuśniewicz est une personnalité littéraire originale dans le paysage polonais, se voulant un dilettante lorsque la plupart des écrivains de son pays engageaient leur plume au service de la politique. « Je n'ai jamais eu l'impression d'avoir une mission à accomplir, affirme-t-il. Mon écriture est l'activité d'un retraité. »