Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Esdras (livre d')

Le livre biblique d'Esdras est une compilation de différents documents de l'époque perse. Certaines parties du livre sont écrites en araméen (IV, 8 – VI, 18 ; VII, 12-26). Il est étroitement lié au livre de Néhémie. Il comprend deux parties (retour des exilés de Babylonie vers Jérusalem : I – VI ; activité d'Esdras : VII – X). Esdras était scribe-prêtre, secrétaire pour les affaires juives à la cour du roi de Perse Artaxerxès I. Porteur d'une lettre d'Artaxerxès, il monte de Babylone à Jérusalem en compagnie d'environ 1 500 compatriotes, auxquels se joignent 258 lévites et serviteurs du Temple.

Eshleman (Clayton)

Poète américain (Indianapolis 1935).

Son premier recueil, Mexico and North (1962), donne le ton : cosmopolite, poète autant que traducteur, Eshleman ancre sa poésie dans la préhistoire de l'humanité (la Rivière du Canyon du Nom, Poèmes choisis, 1960-1985, 1986 ; Hôtel Cromagnon, 1989) et dans une exploration des processus de connaissance de soi. Rejetant l'identité imposée par ses origines bourgeoises américaines, il cherche chez Jung et à Lascaux un homme nouveau, entièrement autogénéré. Si certaines de ses explorations le lient aux poètes de Black Mountain, il demeure plus attaché au primitivisme qu'aux théories linguistiques, dans une utopie éminemment personnelle.

eskimo (littérature)

Le patrimoine culturel des Eskimos, composé pour l'essentiel de contes, de chants, de formules magiques et de mythes, présente une grande homogénéité. La cosmogonie et la religion jouent, dans cet ensemble, un rôle restreint. Il s'agit d'une littérature orale célébrant les événements de la vie quotidienne et traduisant les états d'âme. L'apparition du Soleil et de la Lune et celle de la déesse de la Mer sont les deux mythes fondamentaux : une jeune fille, s'apercevant que son amant n'est autre que son frère, s'enfuit de chez elle une torche à la main ; son frère la poursuit et ils tournent autour de la maison avant de s'élever dans les airs. La torche du frère, éteinte en route, se transforme en Lune, qui ne dispense qu'une clarté sans chaleur, celle de la sœur donne le Soleil. La déesse de la Mer, appelée Sedna, est une vieille femme qui vit au fond de la mer et qui, gardienne des animaux, les dirige vers les chasseurs ou les retient près d'elle, lorsque, irritée par les péchés des mortels, elle décide de les punir. L'univers surnaturel des Eskimos est peuplé d'une multitude d'esprits fabuleux et multiformes : géants, nains, elfes, qui entretiennent avec les humains des rapports tantôt pacifiques, tantôt hostiles. Racontés en principe par des narrateurs professionnels, ces récits peuvent être narrés par tout Eskimo qui possède des dons de mémoire, le sens du pittoresque et du dramatique. Le recours au chant pour célébrer ou commenter tout événement est le trait le plus original de la culture eskimo. La fête du Chant est une véritable manifestation artistique, qui se tient dans la maison commune et qui permet à chacun de faire preuve de son talent. C'est par le biais d'un « duel au chant » que deux adversaires peuvent régler un différend en exposant les faiblesses et turpitudes de chacun dans deux chants qui se répondent et s'affrontent jusqu'à ce que la rancune soit épuisée et le jugement suggéré par l'attitude de l'auditoire.

Ésope

Fabuliste grec (VIIe-VIe s. av. J.-C.).

D'après la légende, Ésope était un esclave phrygien difforme et spirituel, compagnon de la courtisane Rhodopis, qui, une fois affranchi, fit de nombreux voyages en Orient. On lui attribue plus de 300 fables (Aesopica) qui mettent en scène des animaux et présentent une morale pratique, mais ce corpus, fixé à l'époque d'Hadrien, est le fruit de la tradition orale : Socrate connaît les fables d'Ésope (Platon, Phédon, 61 b) ; Démétrios de Phalère, disciple de Théophraste (fin du IVe s.-IIIe s.), en a donné un recueil. Les Mythiambes de Babrius (Ier ou IIe s. apr. J.-C.) réunissent 200 fables, en vers, comme les 123 fables de Phèdre, dont s'inspirèrent les fabulistes du Moyen Âge et La Fontaine.

Espagne

Le sol de l'Espagne est un champ de bataille, sinon un creuset, de cultures et de langues diverses. Au Moyen Âge, le philosophe arabe Averroès et le théologien juif Maïmonide sont tout aussi espagnols que l'auteur du Poème de mon Cid. Et, aujourd'hui, la littérature de langue catalane représente encore une sensibilité et une expression originales face à l'Espagne castillane et centralisatrice.

Cultures croisées

À l'origine, la poésie espagnole d'expression arabe pénétra le domaine du provençal et influença la théorie de la « fin 'amor ». Les premiers vers lyriques espagnols (chansons mozarabes) apparaissent, au milieu du XIe siècle. Le XIIe siècle voit la littérature hispano-arabe et hispano-hébraïque céder devant une poésie épique d'expression castillane, empruntant ses formes à la chanson de geste française et ses thèmes non seulement à l'histoire mais à l'actualité espagnoles. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, le roi Alphonse X rassemble les meilleurs savants (tant musulmans et juifs que chrétiens) pour dresser, en castillan, l'inventaire des connaissances historiques et scientifiques de son temps. Mais il écrit ses Cantiques de sainte Marie en galicien. On retrouve le même art composite au siècle suivant dans le Livre de bon amour de Juan Ruiz. Le thème lancinant de la fin du Moyen Âge, celui de la « Fortune », nourrit la méditation chrétienne de Juan de Mena, tandis que l'influence de l'Italie est partout présente dans le lyrisme affecté des grands seigneurs lettrés comme les marquis de Villena ou de Santillana.

Nouvel espace, littérature nouvelle

L'évolution de l'élite intellectuelle est cependant plus sensible dans l'élaboration continue que Fernando de Rojas fait subir à sa fameuse Célestine (1499) : cette « acción en prosa » passe d'un à vingt et un actes et du comique farcesque à l'analyse psychologique de la passion et à la peinture réaliste d'un monde quotidien loin de l'idéal amoureux et chevaleresque. C'est que l'Espagne de Christophe Colomb, de Charles Quint et d'Ignace de Loyola prend conscience d'elle-même. Le Romancero devient le conservatoire des caractéristiques nationales : noblesse, galanterie, mais aussi forfanterie et ostentation. Aux chevaliers errants ont succédé les conquistadores. Mais la conquête s'achève en exploitation, et l'empire entreprend de durer non par l'action héroïque mais par la bureaucratie. La littérature enregistre le reflux et entreprend un bilan : la subtilité des intrigues de cour suscite l'utopie pastorale (Garcilaso de la Vega, Montemayor) ; la violence et la rapacité d'un monde suspendu à l'arrivée des galions de la flotte des Indes créent une aspiration nouvelle vers le royaume qui n'est pas de ce monde (Luis de León, Thérèse d'Ávila, Jean de la Croix).

Le Siècle d'or

L'Espagne aura eu le génie de donner à ses interrogations particulières des réponses universelles. Ployant sous le poids de son rôle mondial, elle jette un regard sans complaisance sur sa société instable où les traditions féodales se dissolvent lentement dans les pratiques mercantiles. Le héros picaresque va, du Lazarillo de Tormes (1554) au Buscón (1626) de Quevedo, tracer l'épopée parodique de ces conquérants : d'échec en échec, ils s'attachent davantage à l'observation des règles de l'immoralité qui doit leur permettre de réussir dans un monde truqué. Le roman moderne naît avec le Don Quichotte (1605-1615) de Cervantès : les préférences des lettrés vont toutefois aux récits allégoriques de Baltasar Gracián. La littérature espagnole mêle et oppose deux publics (la société de cour cultivée, le peuple des villes) et deux inspirations (profane et sacrée). Nulle part ce mélange n'est plus sensible qu'au théâtre (Tirso de Molina, Lope de Vega, Guillén de Castro, Calderón). La palme de la virtuosité revient à Góngora dont les raffinements de pensée et les arabesques stylistiques font du langage le sujet privilégié du poème.

Révisions et imitations

L'examen de conscience de l'Espagne se poursuit d'abord avec une remarquable lucidité, au début du XVIIIe siècle. L'entreprise critique du bénédictin Feijoo provoque la désaffection pour les genres populaires, et l'imagination et la mémoire se dessèchent dans une littérature moralisante au service de l'idéologie bourgeoise. À la suite de Gaspar Melchor de Jovellanos, l'Espagne « éclairée » s'ouvre aux influences anglaise et française (Leandro Fernández de Moratín, José Cadalso, Juan Meléndez Valdés). Juan Pablo Forner tentera une réhabilitation de la langue et de la littérature espagnoles. La Restauration, après les guerres napoléoniennes, placera l'Espagne à l'écart de l'Europe. Le romantisme aura du mal à trouver un visage national (José de Espronceda, Ángel Saavedra, José Zorrilla), entre un orientalisme hispano-mauresque et les réactions à une modernité mal perçue. Le costumbrismo nourrit les articles acerbes de Mariano José de Larra, véritable créateur de la prose moderne. Les influences combinées de Walter Scott, de Balzac et de George Sand mèneront, à travers un type de récit historique moralisateur ou philosophique (Fernán Caballero, Alarcón), au roman psychologique et régionaliste (José María de Pereda, Juan Valera), puis au roman réaliste (Emilia Pardo Bazán, Pérez Galdós). Rubén Darío, poète nicaraguayen et chantre de la civilisation hispanique, aura une influence décisive sur le lyrisme espagnol de la fin du siècle.