Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
K

Kinck (Hans Ernst)

Écrivain norvégien (Øksfjord 1865 – Oslo 1926).

On trouvera dans son œuvre une opposition entre le passé et le monde moderne, entre les différentes classes sociales, entre l'individu et la communauté, illustrée dans les romans réunis sous le titre de Herman Ek (1923), mais aussi dans Madame Anny Porse (1900), Émigrants (1904), le Pasteur (1905). Le grand poème dramatique le Maquignon (1908) occupe une place centrale dans une œuvre profondément ancrée dans la terre et le caractère national norvégiens. On retiendra les nouvelles, depuis De la mer à la lande (1897) à Printemps à Mikropolis (1926) : c'est là que sa communion avec la nature, son intuition psychologique et aussi son humour se manifestent avec le plus d'éclat.

King (Stephen)

Écrivain américain (Portland, Maine, 1947).

Ses romans (Carrie, 1974 ; Salem, 1975 ; l'Enfant-lumière, 1977 ; le Stand, 1978 ; Zone morte, 1979 ; Incendiaire, 1980 ; la Tour sombre, 1998 ; Sac d'os, 1999) reprennent la thématique américaine de la noirceur, de l'obscurité, illustrée par Poe, et, sous l'influence de James, la lient à des enfants, doués d'aptitudes supranormales et voués à être les témoins du Mal et de l'expérience fantastique. Extrêmement populaire, très lu par les adolescents, il fait désormais de chacune de ses œuvres un événement médiatique – ainsi de sa nouvelle « électronique », uniquement disponible sur Internet, Suivre la balle (2000).

Kingsley (Charles)

Écrivain anglais (Holne, Devonshire, 1819 – Eversley, Hampshire, 1875).

Cofondateur du « socialisme chrétien » avec F. D. Maurice et J. M. Luddlow, il aborde le problème de l'injustice agraire (Ferment, 1848) puis ouvrière (Alton Locke, 1850) en termes proches du chartisme et dénonce le travail des enfants. Ses romans historiques (Hypatia, 1853) mêlent un moralisme doucereux au culte de la « pureté » enfantine (les Bébés d'eau, conte de fées pour petit terrien, 1863). Il s'agit de ramener la classe ouvrière et d'amener les enfants à l'Église, par la réconciliation « morale ». Chapelain de la reine Victoria (1873-1875), il approuvera bruyamment la répression en Jamaïque et suscitera par ses attaques l'Apologia de Newman. Son frère Henry (Barnack, Northamptonshire, 1830 – Cuckfield, Sussex, 1876), chercheur d'or en Australie, publia des romans (Ravenshoe, 1861) qui jouèrent un rôle important dans la naissance de la littérature australienne.

Kinnel (Galway)

Poète américain (Providence, Rhode Island, 1927).

Avec Quel royaume c'était (1960), Troupeau de fleurs au mont Monadnock (1964), Poèmes de la nuit (1968), Livre des cauchemars (1971), Poèmes choisis (1982), sa poésie expérimentale, où le souci de la recherche formelle n'exclut ni la symbolique ni la notation religieuse, s'enracine dans la réalité la plus concrète, voire la plus sordide. Romancier (Lumière noire, 1966), il est aussi traducteur (Villon, Yves Bonnefoy).

Kinoshita Junji

Auteur dramatique japonais (Tokyo 1914 – id. 2006).

Ses pièces, qui unissent sa passion pour les contes populaires, sa connaissance de la scène classique (no et kabuki), et son intérêt pour l'auteur d'Hamlet et de Macbeth (Réflexions sur Shakespeare, 1969), ont joué un rôle décisif dans le renouvellement du théâtre japonais contemporain : Une Grue au crépuscule (1949), l'Ascension d'une grenouille (1951), le Temps de l'hiver (1964), Entre Dieu et l'homme (1972), le Sacré du méridien (1978).

Kinsella (Thomas)

Poète irlandais (Dublin 1928).

De Un autre septembre (1958) et Marcher la nuit (1968) à Notes du pays des morts (1971) et Finistère (1972), il peint, dans la tradition d'Eliot et d'Auden (mais aussi des classiques gaéliques, qu'il traduit), une intériorité douloureuse et la violence d'une soif d'ordre déchirante, sans s'interdire les prises de position politique (Treize à la douzaine, 1972, sur les treize morts de la marche pour les droits civiques de janvier 1972 ; le Noble Combat, 1973, sur J. F. Kennedy). Sang et famille (1988) regroupe ses textes publiés au cours des années 1980 par les Peppercanister Press, maison d'édition fondée par Kinsella lui-même en 1972. Poète fantastique, il cherche à accéder à la dimension surréelle du monde, à travers une écriture expérimentale, fragmentée : entre lyrisme et mythes, il explore la voix tourmentée de l'Irlande contemporaine, qui ne saurait renoncer à ses liens avec la langue anglaise ou avec l'Angleterre (la Double Tradition, 1995).

Kipling (Rudyard)

Écrivain anglais (Bombay 1865 – Londres 1936).

Fils d'un pasteur passionné de peinture et de folklore, élevé en Angleterre (Stalky et compagnie, 1899), il regagne l'Inde à 17 ans. Journaliste à Lahore et Allahabad, il débute par une littérature qui témoigne d'un penchant à la facilité et qui ne convaincra que peu à peu la mère patrie dont il stigmatise la petitesse morale et instinctuelle (Simples Contes des collines, 1887 ; Trois Troupiers, 1888). Voyant dans l'armée des Indes le creuset d'une vitalité sans uniformité, Kipling sera le premier grand poète dialectal et argotique d'Angleterre (Chansons de la chambrée, 1892), mais il refuse en 1895 le titre de poète lauréat. Marié à une Américaine, il s'établit un temps aux États-Unis, où il écrit le Livre de la jungle (1894-1895). L'arrière-plan mythique (l'enfant sauvage, adopté par les animaux, devient roi de la forêt) rejoint la critique sociale (la jungle organisée en races et en castes) et l'éloge darwinien de la Loi. Autre récit de formation, Capitaines courageux (1897) : recueilli en mer, un fils de famille s'ouvre à la solidarité virile sur un bateau de pêche. Dans Kim (1901), Kimball O'Hara, orphelin irlandais lâché dans la jungle des villes hindoues, fait seul son apprentissage de la vie puis accompagne un lama en quête de la source qu'a fait jaillir la flèche du Bouddha, et sert de messager aux Services secrets britanniques : l'enfant est initié aux duplicités du grand jeu diplomatique. Cet itinéraire picaresque, doublement inspiré par la méditation orientale et le pragmatisme militaire, s'achève par la plus grande gloire de la reine Victoria, maîtresse de « l'Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Pourtant, loin d'avaliser la réalité coloniale, Kipling fustige cette caricature mercantile de la vision impériale et rêve d'alliance entre l'aristocratie naturelle des chefs et la vitalité populaire. En outre, les démons sont aux portes de l'Empire, mais aussi de la Psyché. Hantises, haine de soi, cruauté trouvent dans ses nouvelles hallucinées des échos proches de Maupassant ou de Kafka (Trafics et découvertes, 1904). Doubles jeux, doubles fonds, l'âme trahit toujours, mais l'angoisse est ce à quoi il ne faut pas céder. C'est pour refouler son paganisme spontané que Kipling chante le devoir. Le stoïcisme navré, parfois ronflant, qui fera de lui l'idole du nationalisme populaire, le jingoïsme (la Tâche quotidienne, 1898 ; les Cinq Nations, 1903), est l'ultime recours d'une foi menacée. L'exil d'un peuple trahi par sa conquête est aussi celui de l'adulte menacé par ses chagrins d'enfance. Son œuvre, couronnée en 1907 par le prix Nobel, vaut aujourd'hui par les hantises qu'elle devait étouffer. La mort de son fils en 1914 le rapproche encore du deuil de l'enfance, après le décès de sa fille à l'âge de 8 ans et en mémoire de laquelle il écrit et illustre lui-même Histoires comme ça (1902). C'est au paganisme enfantin que son imagination parle avec le plus de bonheur (Puck, lutin de la colline, 1906 ; Retour de Puck, 1910). Dressant un réquisitoire souvent pathétique contre la civilisation, Kipling y évoque un âge d'or où la fantaisie et l'esprit d'enfance recréaient spontanément le monde.